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je vous en supplie, connaissant l’intelligence et la sagesse du médecin de nos âmes, ne discutons jamais les soins qu’il nous donne. Si notre esprit ne peut les comprendre, c’est une raison de plus pour admirer les desseins de Dieu et de glorifier le Seigneur, dont notre raison et la pensée humaine ne peut apprécier la sagesse. Nous ne savons pas aussi bien que lui ce qui nous convient ; nous ne veillons pas à notre salut comme il y veille lui-même, car il fait tous ses efforts pour nous attirer à la vertu et nous sauver des mains du démon. S’il voit que la prospérité ne nous est pas avantageuse, il fait comme un bon médecin qui nous soigne dans l’obésité produite par notre gourmandise et qui nous guérit par la sobriété. De même cet admirable médecin de nos âmes permet que nous soyons un peu éprouvés pour nous faire comprendre les dangers de la prospérité, mais quand il voit que nous sommes revenus à la santé, il nous délivre de nos épreuves et nous accorde ses faveurs avec abondance. Si donc des personnes vertueuses sont soumises à quelques épreuves, qu’elles ne s’en troublent pas, mais qu’elles en conçoivent une meilleure espérance, et qu’elles les regardent comme l’origine de couronnes et de récompenses nouvelles. Si des pécheurs tombent dans l’adversité qu’ils ne se révoltent point, sachant que les péchés sont purifiés par le malheur, pourvu qu’on accepte tout de bonne grâce. En effet, un serviteur reconnaissant doit remercier son maître, non seulement quand il en reçoit tout à souhait, mais aussi dans les privations. C’est ainsi que le patriarche devint illustre et fut honoré de la faveur de Dieu qui lui prodigua des bienfaits au-dessus de la nature humaine.
4. Il faut maintenant reprendre la suite de notre discours et remarquer l’obéissance du juste qui exécuta l’ordre de Dieu sans en rechercher la raison et sans en demander la cause, comme font tant d’insensés qui discutent les œuvres de Dieu, et disent pourquoi ceci ? pourquoi cela ? à quoi sert ceci, à quoi sert cela ? Tel n’était pas le juste ; comme un serviteur dévoué, il accomplit l’ordre sans chercher au-delà, vous allez encore le voir par ce qui suit. Après que le Seigneur lui eut fait la promesse et eut achevé de lui parler, le juste fit aussitôt ce qui lui était commandé, et cette marque exigée par Dieu, c’est-à-dire la circoncision, il la fit aussitôt subir à Ismaël et à tous les serviteurs nés à la maison ou achetés à l’étranger. Lui-même fut circoncis. Il avait quatre-vingt-dix-neuf ans, quand il coupa la chair de son prépuce. Ismaël avait alors treize ans. Ce n’est pas sans raison que l’Écriture rapporte ici le nombre de ses années ; c’est pour montrer la grande obéissance du juste qui était alors dans l’extrême vieillesse et qui supporta volontiers la douleur pour accomplir l’ordre de Dieu ; aussi on compte non seulement lui, mais Ismaël et tous ses serviteurs ; l’opération dut être pénible. Ce n’est pas la même chose, mes bien-aimés, de couper une chair saine et une chair malade ; quand les médecins coupent un membre malade la douleur n’est pas si grande, car ce membre, déjà mort pour ainsi dire, n’a plus qu’un reste de sensibilité au moment de l’amputation. Or, ce vieillard si avancé en âge, car il touchait à ses cent ans, supporta volontiers cette douleur, afin d’obéir à Dieu ; en même temps il disposa son fils et ses serviteurs à montrer sans hésitation la même obéissance. Voyez, quelle vertu chez cet homme, et comme il engage toute sa maison à suivre ses traces. Ce que je disais hier, je le répète aujourd’hui ; à partir de ce moment Dieu voulut que cette opération fût pratiquée sur les enfants en bas-âge, afin qu’elle fût moins douloureuse.
Considérez, mes bien-aimés, la bonté de Dieu et son ineffable bienfaisance à notre égard. Cette circoncision entraînait de la douleur et de la gêne ; du reste elle n’avait d’autre avantage que de faire reconnaître ceux qui l’avaient reçue et de les séparer des autres nations. Notre circoncision, je veux dire la grâce du baptême, nous guérit sans douleur et nous procure des biens innombrables ; elle nous remplit de la grâce du Saint-Esprit et peut se faire à toutes les époques. On peut pratiquer dans l’enfance, dans l’âge mûr et dans la vieillesse cette circoncision immatérielle et inoffensive qui nous délivre de nos péchés et nous fait obtenir la rémission de ceux de toute notre vie. Le bon Dieu, voyant l’excès de notre faiblesse, et reconnaissant que nos maux incurables réclamaient un remède héroïque, ainsi qu’une suprême indulgence, prit soin de notre salut et nous accorda de laver ainsi nos péchés et de régénérer notre âme ; par là, nous dépouillons le vieil homme, c’est-à-dire les œuvres du mal, et nous revêtons l’homme nouveau, en marchant dans la route de la vertu. Mais, je vous en conjure, ne restons pas inférieurs