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lui pour toujours et avec sa race après lui. C’est lui que je t’ai promis d’abord et dès le commencement, et c’est en lui que mes promesses seront accomplies. Je te préviens de tout cela, non seulement parce qu’il doit naître, mais pour que tu saches comment tu l’appelleras et que j’ai fait alliance, non seulement avec lui, mais avec sa race après lui. Ensuite ce Dieu dont les bienfaits dépassent toujours nos prières, ayant ainsi fortifié l’esprit du juste et l’ayant presque rajeuni par ses promesses, puisqu’il l’avait pour ainsi dire ramené, par ses paroles, de la mort à la vie et même à la fécondité, lui dit pour comble de libéralité : J’accomplirai toutes ces promesses et je t’accorderai en outre ce que tu m’as demandé pour Ismaël, car j’ai entendu ta prière. Je le bénirai ; je l’accroîtrai et le multiplierai de plus en plus. Il engendrera douze nations et je l’établirai sur un grand peuple. Puisqu’il est ta race, je l’accroîtrai et je le multiplierai abondamment, au point de faire sortir de lui douze nations. Mais je ferai mon alliance avec Isaac, que Sara t’enfantera à cette même époque, dans un an.

Ici, je vous prie, voyez, mes bien-aimés, comment le juste reçut en un instant la récompense de toute sa vie, et comment fut accompli en lui ce que le Christ disait à ses disciples : Celui qui laissera père, mère, famille et frères en mon nom, recevra le centuple et gagnera la vie éternelle. (Mt. 19,29) Songez, je vous prie, à notre juste qui obéit sans retard à l’ordre du Seigneur et préféra une autre terre à sa patrie, voyez comme sa résignation continuelle l’éleva peu à peu au comble de la vertu, comme il devint illustre et célèbre et comment le nombre de ses descendants put être comparé à celui des étoiles. Si l’on pouvait calculer à la rigueur, on trouverait que le juste n’a pas été récompensé cent fois, mais dix mille fois. S’il a été honoré jusqu’à présent de tant de bienfaits, quelle voix pourra jamais raconter ceux qui vont suivre ? Le mieux est de le dire ; autant que possible, d’un seul mot. Si l’on vous dit que tous les justes, depuis cette époque jusqu’à la nôtre et jusqu’à la consommation des temps, n’ont eu et n’auront d’autre désir que de reposer dans le sein du patriarche, que peut-on dire de plus glorieux pour lui ? Vous avez apprécié sa résignation, sa vertu, sa piété et toute sa reconnaissance pour les bienfaits du Seigneur. Quand il le fallait, il fit tout ce qui dépendait de lui, il accepta tout de bonne grâce, le plaisir et le déplaisir ; aussi le Dieu de bonté lui accorda enfin le premier de tous les biens, celui qu’il désirait par-dessus tout. Remarquez, en effet, qu’il a éprouvé pendant vingt-quatre ans la vertu du juste ! Car lorsqu’il sortit de Charran pour obéir au Seigneur, il avait soixante-quinze ans, et maintenant, quand Dieu lui parla encore, il ne lui fallait qu’un an pour être centenaire.

3. Que cette histoire, mes bien-aimés, nous apprenne à être toujours résignés, et à ne jamais nous laisser abattre ni décourager par les épreuves de la vertu ; comprenons par là toute la bonté et la générosité du Seigneur qui, pour une petite offrande, nous accorde une grande récompense, non seulement par les biens immortels de l’avenir, mais en nous comblant de ses faveurs pour soulager notre faiblesse dans ce monde. Ainsi notre patriarche, pendant cet espace de temps, eut sans doute à supporter de rudes épreuves, mais ses adversités étaient toujours entremêlées de moments heureux. Car le Tout-Puissant, indulgent pour notre faiblesse, ne nous abandonne pas au milieu des adversités qu’il nous serait impossible de supporter ; il se hâte de venir à notre secours, il ranime notre courage et rappelle notre raison ; de même il ne nous laisse pas trop longtemps dans la prospérité qui nous rendrait négligents et favoriserait nos mauvaises inclinations. En effet, la nature humaine, au milieu de la prospérité, s’oublie quelquefois, et sort des bornes qui lui conviennent ; aussi notre Père qui nous aime, tantôt nous favorise et tantôt nous éprouve, afin de veiller, de toute manière à notre salut. De même qu’un médecin, lorsqu’il soigne un malade, ne le soumet pas toujours à la diète et ne lui laisse pas toujours satisfaire sa faim, de peur que son avidité n’augmente sa fièvre ou que la privation ne l’affaiblisse ; il ménage les forces du malade, et il emploie tout son art à lui être utile. C’est ainsi que le bon Dieu, sachant ce qui convient à chacun de nous, tantôt nous fait jouir de la prospérité, tantôt nous soumet à des épreuves pour nous exercer à la vertu. Ceux dont le mérite est déjà digne d’éloges brillent d’un nouvel éclat au milieu des épreuves et reçoivent une nouvelle grâce d’en haut ; en même temps les pécheurs qui acceptent de bon cœur ces épreuves, sont délivrés du fardeau de leurs péchés, et obtiennent leur pardon. Aussi