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sermon de la montagne, et l’énumération des béatitudes, proclame : Heureux, ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront rassasiés. (Mt. 5,6) Qui peut donc vous louer dignement, vous que le Seigneur a déclarés bienheureux, et qui en attendez encore les plus riches faveurs ? Car tel est notre divin Maître. Lorsqu’il trouve une âme qui se porte vers les biens spirituels avec un violent désir, et une vive ardeur, il l’enrichit libéralement de ses grâces et de ses dons. J’espère aussi qu’il m’accordera pour votre avantage et votre édification une parole plus facile et plus abondante. C’est pour vous, et pour votre avancement spirituel que j’ai entrepris ce travail, afin que vous arriviez promptement au faîte des vertus chrétiennes. Vous deviendrez alors au sein de la famille et de l’amitié les prédicateurs des saintes maximes ; et nous-même, nous vous parlerons avec plus de confiance, en voyant que nos labeurs ne sont point vains, ni stériles. Chaque jour la semence spirituelle croît en vos cœurs ; et je suis bien plus heureux que le semeur de la parabole évangélique. Il perdit les deux tiers de son grain dont une partie seule fructifia : car celui qui tomba sur le grand chemin ne germa point, celui qui tomba parmi les épines fut étouffé, et celui qui, jeté sur la pierre, demeura sur la superficie du sol ne produisit aucun fruit. (Mt. 13,4-7) Ici au contraire, j’espère que la semence de la parole sainte sera reçue dans une terre bien préparée, et que, par le secours de la grâce, elle produira dans les uns cent pour un, et dans les autres, soixante ou trente.
Cette espérance ranime mon ardeur, et excite mon zèle : car je sais que je ne parle point inutilement, et que vous me prêtez une oreille attentive, et de bienveillantes dispositions. Ce langage n’est point en ma bouche celui de la flatterie ; et il exprime seulement la joie qu’hier mon discours parut vous causer. Je vous voyais en effet comme suspendus à mes lèvres, et soigneux de ne perdre aucune de mes paroles. Bien plus, vos continuels applaudissements me prouvaient assez que vous les accueilliez avec une véritable satisfaction. Or un discours qui est écouté avec plaisir fait en nous une profonde impression. Il se grave au plus intime de la mémoire ; et celle-ci en garde un impérissable souvenir. Qui pourrait donc et vous louer dignement, et assez nous féliciter nous-même de votre bienveillante attention ? Car le Sage a dit : Heureux celui qui parle à des hommes qui l’écoutent ! (Sir. 25,12) Mais j’en réfère tout l’honneur au jeûne ; et si dès les premiers jours il produit de tels fruits dans nos âmes, quelle ne sera pas, dans le cours de la sainte quarantaine, sa divine efficacité ! Je ne vous demande donc qu’une seule chose c’est d’opérer votre salut avec crainte et tremblement (Phil. 2,12), et de ne donner aucun accès à l’ennemi de vos âmes. Il écume de rage et de fureur à la vue de vos richesses spirituelles, et comme un lion rugissant, il tourne autour de vous, cherchant quelqu’un à dévorer. (1Pi. 5,8) Mais si nous sommes sur nos gardes, il ne pourra, par la grâce de Dieu, nuire à personne.
2. Et en effet l’armure dont nous revêt l’Esprit-Saint, comme je vous le disais hier, est véritablement une armure invincible, et si nous avons soin de toujours nous en couvrir, aucun des traits de notre ennemi ne pourra nous atteindre. Ils retomberont sur lui, sans nous frapper. Car la grâce divine nous rend plus solides que le diamant, et même, si nous le voulons, entièrement invulnérables. Celui qui frappe un diamant ne l’ébrèche point et ne fait que se fatiguer et s’épuiser lui-même. Le coursier qui résiste à l’éperon se met les flancs tout en sang ; et c’est ce qui arrive à l’égard de l’ennemi de notre salut, lorsque nous sommes toujours couverts des armes que nous offre la grâce de l’Esprit-Saint. Leur vertu est si grande que le démon ne saurait en soutenir l’éclat, et que ses yeux en sont tout éblouis. Soyons donc toujours munis de ces armes, et nous pourrons paraître avec sécurité dans la place publique, ou au milieu de nos amis, et vaquer à nos différentes occupations. Mais que parlé-je de la place publique ? C’est revêtus de ces armes que nous devons venir à l’église, et retourner dans nos maisons. Bien plus, nous ne devons les quitter, durant toute la vie, ni le jour, ni la nuit ; car elles sont les compagnes de notre voyage, et nous aideront puissamment à atteindre notre destinée. Elles ne surchargent point le corps comme une armure matérielle, mais elles le rendent plus dispos, plus agile et plus robuste. Seulement ayons soin de les tenir nettes et brillantes, afin que leur éclat éblouisse les yeux de nos ennemis, qui emploient mille moyens pour nous perdre.
Mais c’est assez parler de cette armure spirituelle, et il convient maintenant de vous servir