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Dieu ! quel honneur pour le juste ! c’est ainsi qu’il parle aux prophètes. Sans douté, alors et maintenant, il est le Seigneur de tous, et néanmoins il daigne se désigner par le nom d’un serviteur, et nous l’entendrons dire encore : Je suis le Dieu d' Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. (Ex. 3,6) Aussi les prophètes disent d’ordinaire : Dieu, mon Dieu, non pour restreindre dans les limites de leur propre personne, la domination de Dieu, mais pour montrer jusqu’où allait leur amour. Cela ne doit pas nous étonner de la part des hommes, mais de la part de Dieu lui-même cela peut nous paraître étrange et extraordinaire. N’en soyons pas surpris, mes bien-aimés, mais écoutons les paroles du Prophète : Mieux vaut, un seul homme qui observe la volonté du Seigneur, que mille qui la transgressent (Sir. 16,3) ; écoutons, aussi les paroles de saint Paul : Ils portaient des peaux de brebis, de chèvres, ils étaient indigents, tourmentés, affligés, et le monde n’était pas digne de les posséder. (Héb. 11,37-38)
Ainsi le Prophète dit qu’un seul homme faisant la volonté de Dieu vaut mieux que mille qui s’en écartent, et saint Paul, le docteur de la terre, rappelant tous les hommes de bien dont il connaît les souffrances, dit encore : Le monde n’était pas digne de les posséder. D’un côté il met le monde entier, de l’autre ceux qui souffrent pour nous apprendre toute la puissance de la vertu. Aussi le Créateur dit au patriarche : Je suis ton Dieu ; cherche â me plaire et à être irréprochable. Je te tiendrai compte des efforts de ta vertu ; je ferai une alliance entre toi et moi, et je te multiplierai abondamment, non seulement je te multiplierai, mais, abondamment, ce qui indique une grande postérité : ce qu’il avait exprimé antérieurement par la comparaison du sable et des astres, il l’exprime maintenant par ce mot abondamment. Ce serviteur pieux et reconnaissant, voyant que Dieu s’abaissait jusqu’à prendre un soin pareil, fut ému en songeant à la faiblesse de sa nature, à la bonté de Dieu, et à sa puissance infinie. Il tomba sur sa face ; ce qui montrait bien toute sa reconnaissance. Une pareille faveur ne lui inspira pas d’arrogante ni d’orgueil, mais une nouvelle humilité Il tomba sur sa face. Telle est la véritable reconnaissance qui honore Dieu d’autant plus qu’elle en est plus favorisée. Il tomba sur sa face. Le juste n’osait plus jeter les yeux sur lui-même et sur la faiblesse de sa nature ; il n’osait se relever, mais son abaissement montrait son respect : voyez maintenant combien Dieu l’appréciait. Dieu lui parla, disant : J’ai fait une alliance avec toi et tu seras le père d’une multitude de nations : tu ne t’appelleras plus Abram, mais Abraham, parce que je t’ai établi pour être le père de plusieurs peuples, et je te ferai croître : je ferai sortir de toi des nations et même des rois.
3. Considérez, mes bien-aimés, la clarté de ces prédictions faites au juste ; voyez que pour les confirmer, il ajoute une lettre à son nom, et dit : Tu seras le père d’une multitude de nations : tu ne t’appelleras plus Abram, mais Abraham, parce que je t’ai établi pour être le père de plusieurs peuples. En effet, son premier nom indique ses voyages (car Abram signifie voyageur, comme le savent ceux qui connaissent l’hébreu) ; ses parents l’avaient appelé ainsi quand il partit pour la terre de Chanaan. On dira peut-être : ses parents étant infidèles, d’où leur venait cette prescience d’indiquer l’avenir parle nom qu’ils donnaient ? C’est là une ressource de la sagesse de Dieu, qui agit souvent par l’entremise des infidèles et nous en trouvons bien d’autres exemples. Le premier qui nous vient à l’esprit est le nom de Noé. Ce n’est pas sans raison, ni au hasard que ses parents lui avaient donné ce nom ; ils présageaient que, dans cinq cents ans, devait venir le déluge. Ce n’est pas que son père fût lui-même un juste parce qu’il a donné ce nom à son fils, car l’Écriture sainte nous apprend que dans cette génération, Noé seul fut un juste accompli. (Gen. 6,9) Si son père Lamech lui avait offert le modèle des vertus, l’Écriture ne l’aurait point passé sous silence, et n’aurait pas dit : Noé seul était juste. Voulant donner un nom à son fils, il dit : Il s’appellera Noé ; il nous donnera le repos après nos travaux et la fatigue de nos mains, sur cette terre que le Seigneur Dieu a maudite. (Gen. 5,29) D’où venait, dites-moi, cette prescience d’un avenir si éloigné ? Il s’appellera Noé ; il nous donnera le repos, Noé, en hébreu, signifie, repos. C’était lui, lorsque la terre serait envahie par le déluge, qui devait seul se sauver et renouveler la race humaine aussi est-il dit : il nous donnera le repos ; ce mot de repos signifiant ici le déluge. En effet, la terre était comme fatiguée par la perversité