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que tout ce qu’il voudra se fera, puisque tout lui cède et lui obéit. En effet, puisqu’il est le Maître et le Créateur de la nature, il peut aussi nous accorder des choses surnaturelles.
N’allons point mesurer les œuvres de Dieu à notre faiblesse et nous, tourmenter des lois de la nature ; mais, en fidèles serviteurs, reconnaissons le pouvoir immense de Notre-Seigneur, croyons à ses promesses et mettonsn-ous au-dessus de notre faiblesse naturelle pour jouir des faveurs qui nous sont annoncées, mériter sa bienveillance et l’honorer de toutes nos forces. Car le plus grand honneur que nous puissions lui rendre, c’est de nous confier à sa puissance, quand même les yeux de notre chair nous feraient voir le contraire. Et comment s’étonner que le plus grand hommage rendu à Dieu soit de rejeter le doute ? Avec nos semblables, lorsqu’ils nous font des promesses sujettes au changement des choses périssables, si nous n’en doutons point, si nous y avons confiance, cette absence de doute, cette confiance sont regardées comme le plus grand honneur que nous puissions leur faire. S’il en est ainsi à l’égard des hommes si changeants et si impuissants, ne devons-nous pas croire bien mieux encore à ce qui nous est annoncé par Dieu, même quand ses promesses ne doivent se réaliser qu’après un long intervalle de temps ? Ce n’est pas sans raison que je vous parle ainsi, c’est afin de vous mettre à même, lorsque nous aborderons la lecture d’aujourd’hui, de comprendre comment le bon Dieu, voulant illustrer le patriarche, – exerce sa patience pendant tant d’années durant lesquelles celui-ci ne s’abandonnait point au chagrin, à l’indifférence, au désespoir, mais nourrissait toujours sa piété par son espérance. Or, pour apprécier toute la vertu du patriarche, il est bon de savoir combien il a vécu. C’est ce que nous dit clairement le bienheureux Moïse, inspiré du Saint-Esprit. Que dit-il donc ? Quand le juste eut obéi aux ordres de Dieu et quitté Charran pour aller dans la terre de Chanaan, il avait soixante-dix ans. Aussitôt qu’il fut venu dans cette terre, Dieu lui promit qu’il la donnerait tout entière à sa race, laquelle se multiplierait 'au point d’être innombrable comme le sable et les étoiles. Après cette promesse, il arriva au juste bien des aventures, sa descente en Égypte à cause de la famine, l’enlèvement de Sara, suivi aussitôt d’un effet de la divine providence, son retour d’Égypte, la nouvelle insulte que reçoit Sara du roi des Gérariens et le secours que Dieu leur donne encore. Eh bien ! le juste voyant que tant d’événements contraires succédaient à cette promesse, n’avait aucune inquiétude et ne se demandait point pourquoi toutes ces assurances ne le préservaient pas de mille contrariétés, et pourquoi il restait si longtemps sans enfants. Rempli de piété, il ne voulait pas soumettre les actions de Dieu à la raison humaine, mais il s’y résignait et acceptait avec plaisir tout ce qui plaisait à Dieu.
2. Dix ans après il regarda Ismaël comme l’enfant pour lequel la prédiction devait s’accomplir. Car le patriarche, à la naissance d’Ismaël, avait quatre-vingt-six ans. Mais le bon Dieu exerce encore sa patience pendant treize ans, jusqu’à l’accomplissement de sa promesse. Il savait, en effet, que, l’or se purifiant avec le temps dans la fournaise, la vertu du juste prenait aussi plus de gloire et d’éclat. Quand Abram eut quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui apparut de nouveau. Et pourquoi cette longue attente ? Pour nous faire connaître, non seulement la vertu du juste et sa patience, mais aussi la grandeur de la puissance divine. Mais il faut entendre les paroles mêmes de Dieu. Quand il eut quatre-vingt-dix-neuf ans, Dieu lui apparut et lui dit : Par ces mots lui apparut, n’entendez rien de matériel, et ne croyez pas que les yeux de la chair puissent voir la puissance divine et immuable, mais considérez tout religieusement. Dieu lui apparut, c’est-à-dire, daigna communiquer avec lui, et le jugea digne de sa providence, en s’abaissant jusqu’à lui parler : Je suis ton Dieu, cherche à me plaire et à être irréprochable ; je mettrai mon alliance entre toi et moi, et je te multiplierai abondamment. Et Abram tomba sur sa face. Quelle reconnaissance de la part du juste, quelle bonté de la part de Dieu ! Je suis ton Dieu. C’est comme s’il disait : c’est moi qui ai veillé sur toi jusqu’à présent ; c’est moi qui t’ai amené de ton pays jusqu’ici, qui t’ai soutenu dans tous les temps, et qui t’ai rendu vainqueur de tes ennemis : c’est moi qui ai fait cela ! Il ne dit pas je suis Dieu, mais je suis ton Dieu. Voyez quelle immense bonté ! comme par l’addition de ce mot, il exprime son amour pour le juste ! C’est le Dieu de toute la terre, l’ouvrier dont la main a tout fait, le Créateur du ciel et de la terre, c’est lui-même qui dit Je suis ton