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insolence, la servante s’enfuit. C’est l’habitude des domestiques : quand ils ne peuvent faire ce qu’ils veulent, quand on s’oppose à leurs prétentions, ils rompent leur chaîne et prennent la fuite. Du reste, observez que la protection du ciel s’étend sur la servante, par égard pour le juste. Comme elle portait la race du juste, elle fut honorée de l’apparition d’un ange. L’ange du Seigneur la trouva près d’une fontaine dans le désert, sur la route de Sur.
Voyez la bonté du Seigneur qui ne dédaigne personne, même l’esclave ou la servante, et les couvre de sa providence sans regarder à la différence des rangs, mais à la disposition de l’âme. Ici, du reste, ce n’est point pour le mérite de la servante que l’ange se présente, c’est par considération pour le juste. Car, comme je l’ai déjà dit, elle était digne d’être protégée, parce qu’elle avait été digne de porter la race du juste. Quand l’ange l’eut trouvée, il lui dit : Agar, servante de Sara, d’où viens-tu et où vas-tu? Voyez comme les paroles de l’ange lui rappellent sa condition. Pour la rendre attentive, il commence par prononcer son nom, et dit : Agar. En effet, nous avons coutume de prêter l’oreille à l’appel de notre nom. Ensuite il dit : servante de Sara, pour la faire souvenir de sa maîtresse et lui faire savoir que, bien qu’elle ait partagé la couche de son maître, elle a toujours Sara pour maîtresse. Voyez maintenant comment l’ange l’interroge pour la forcer à répondre. D’où es-tu venue, dit-il, dans ce désert et où vas-tu ? L’ange apparaît dans ce désert afin qu’elle ne croie pas que celui qui l’interroge est un voyageur ordinaire c’était un désert, et personne que lui ne paraissait en ce lieu. Voilà donc pourquoi il se montra dans cette solitude, lui faisant comprendre ainsi que son interlocuteur n’était pas le premier venu, et il la questionna. Et elle dit : Je fuis ma maîtresse Sara. Vous voyez qu’elle avoue sa sujétion et qu’elle convient de tout. Celui qui m’interroge, pense-t-elle ; n’est pas tan homme que je puisse tromper. Il m’a d’abord dit mon nom et celui de ma maîtresse ; je dois donc lui répondre la vérité. Je fuis ma maîtresse Sara. Voyez comme elle parle de sa maîtresse sans colère. Elle ne dit point : elle m’a fait souffrir, elle m’a maltraitée, je ne puis supporter sa persécution et je me suis enfuie ; elle ne dit rien d’amer et s’accuse elle-même comme fugitive : voyez quelle franchise ! Remarquez aussi ce que l’ange lui dit encore : L’ange du Seigneur lui dit : Retourne vers ta maîtresse et humilie-toi sous sa main. À ces paroles : Je fuis ma maîtresse, il répond : Retourne, et ne sois pas ingrate envers une maîtresse qui a tout fait pour toi. Ensuite, comme elle avait irrité sa maîtresse par son insolence et son orgueil, il dit : Humilie-toi sous sa main, sois-lui soumise, c’est ton avantage. Reconnais ta servitude, ne méconnais pas son autorité, n’aie pas de trop hautes pensées et ne t’estime pas plus que tu ne vaux Humilie-toi sous sa main, obéis-lui toujours. Ainsi, les paroles de l’ange suffirent pour adoucir son âme, abaisser son orgueil, apaiser sa colère et calmer son esprit.
6. Ensuite, pour qu’elle ne croie pas que la Providence s’exerçait sur elle au hasard et sans une raison déterminée, afin qu’elle sache qu’une pareille bienveillance s’attachait à la race du juste, voyez de quelle nature sont les consolations que l’ange lui donne pour relever son esprit et de quelle manière il y parvient. L’ange du Seigneur lui dit : Je multiplierai ta race, qui sera un peuple innombrable. Ainsi, je te prédis que ta race ne pourra se compter. Ne succombes donc pas au découragement, que ton esprit ne se trouble pas, mais reste dans l’obéissance. Tu es grosse, et tu enfanteras un fils, et tu l’appelleras Ismaël. Ainsi, je t’annonce d’avance ton enfantement, et je donne dès à présent un nom à ton fils encore à naître, afin qu’après cette assurance, tu reviennes et tu te corriges de tes fautes, parce que le Seigneur t’a écoutée dans ton abaissement.
Apprenons par là tout l’avantage des afflictions, toute l’utilité des malheurs. Après une si grande prospérité, après s’être vue sur le même rang que sa maîtresse, elle s’était enfuie, accablée de douleur, entourée d’afflictions, au milieu de la solitude, du désert et des souffrances. Aussi le secours ne s’est pas fait attendre. Voici, dit l’ange, ce que je te promets : tu enfanteras un fils, et ta postérité sera innombrable, parce que le Seigneur t’a écoutée dans ton abaissement.
Ainsi ne nous chagrinons point si les circonstances nous abaissent. Rien ne convient mieux à notre nature que la soumission et l’abaissement de notre esprit, ainsi que l’humiliation de notre orgueil. Jamais le Seigneur ne nous écoute mieux que si nous l’invoquons l’âme, affligée et le cœur contrit, en