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quelle sagesse il montre lui-même ! Il n’accorde rien, et même il répond d’une manière encore plus sévère et plus rude. Il connaissait le courage de cette femme et ne voulait pas que son bienfait restât caché, pour que ses disciples, ainsi que les autres hommes, apprissent la raison qui l’avait porté à différer : le pouvoir de la persévérance et de l’assiduité, et la vertu de cette femme. Il dit, en effet : Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens.
Ici, je vous prie, remarquez l’énergie de cette femme, l’ardeur du désir qui l’embrase et la puissance de sa foi en Dieu, comme ses entrailles étaient déchirées, pour ainsi dire, de compassion pour les souffrances de sa fille ; elle ne riposte point à l’injure, elle accepte le nom de chien et consent à être mise au rang des chiens, pourvu qu’elle – obtienne d’être délivrée de son irrationabilité pour monter au rang des enfants de Dieu. Écoutez enfin la réponse de cette femme, c’est le fruit du retard que le Seigneur avait apporté à l’exaucer non seulement la sévérité du Seigneur n’a pas rebuté la femme, mais elle a surexcité son zèle, puisqu’elle dit : Oui, Seigneur ; car les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres.
Voyez-vous pourquoi il a été si longtemps à l’exaucer ? C’était pour nous apprendre jusqu’où allait la foi de cette femme. Voyez comme aussitôt le Seigneur la vante et la récompense, en disant : O femme, ta foi est grande ! Il renvoie avec éloges et admiration celle à qui d’abord il n’accordait point de réponse. Ta foi est grande. Elle était grande, en effet, puisque cette femme, après avoir vu ses prières repoussées une première et une seconde fois, ne s’est point découragée ni retirée, et que, par l’énergie de sa persévérance, elle a engagé Dieu à l’exaucer. Qu’il soit fait, dit-il, comme tu le désires! Vous voyez qu’il comble de ses bienfaits celle que d’abord il n’honorait pas d’une réponse. non seulement il l’exauce, mais il la glorifie et la couronne. Ces mots : ô femme, montrent combien il est frappé de sa foi ; ceux-ci : ta foi est grande, dévoilent toute l’étendue de ce trésor, et enfin cette parole : Qu’il soit fait comme tu le désires, signifie.: tout ce que tu peux vouloir ou désirer, je te l’accorde ; une pareille persévérance t’a fait mériter ce que tu souhaitais.
Vous avez vu la constance de cette femme ; vous avez vu que, si Dieu avait tardé à l’exaucer, c’était pour la rendre plus digne d’admiration. Revenons maintenant, s’il vous plait, à notre récit, et apprenons que si Dieu a différé pendant tant d’années à accomplir les promesses qu’il avait faites au patriarche, c’était pour le rendre plus illustre et faire mieux éclater sa foi. Aussi l’Écriture dit : après qu’ils eurent habite ensemble dix ans dans la terre de Chanaan, afin de montrer le temps qui s’était écoulé depuis la prédiction. Sitôt que le juste arriva dans ce pays, Dieu lui dit : Je donnerai cette terre à ta race. Cependant i1 restait depuis lors sans enfants ; la stérilité de Sara augmentait, et elle donna Agar pour femme à son mari Abram.
4. Voyez quelle était la sagesse des anciens, Les hommes étaient tempérants, très-attachés à la continence, et les femmes n’étaient pas jalouses. En effet, l’Écriture montre un exemple souvent utile, quand elle dit : Sara prit Agar sa servante et la donna pour femme a Abram ; cela nous montre quel était en pareille occasion le sang-froid des femmes et la réserve des hommes. Et il vint vers Agar et elle conçut. Comme vous le voyez, Sara apprend alors que ce n’était pas la faute du juste s’il n’avait pas d’enfants, mais que sa propre stérilité en était la seule cause ; car l’union du patriarche avec la servante avait été aussitôt féconde. Eh bien ! observez maintenant l’ingratitude de cette servante et la faiblesse de la nature féminine, afin d’apprendre encore ici l’admirable douceur du patriarche. Elle vit qu’elle était grosse et méprisa sa maîtresse en face. Voilà l’habitude des domestiques : au moindre avantage qu’ils ont, ils ne se tiennent plus à leur place, ils oublient leur position et deviennent ingrats : c’est l’histoire de cette servante. Quand elle se vit enceinte, elle ne songea pas à l’admirable résignation de sa maîtresse ni à l’infériorité de sa position, mais, dans l’ivresse de sou orgueil, elle dédaigne sa maîtresse, qui lui avait montré assez de bienveillance pour la conduire dans le lit de son mari. Que fait alors Sara ? Elle dit à Abram : Je reçois une injure de toi : j’ai mis ma servante dans tes bras ; maintenant qu’elle est grosse, elle me méprise en face. Que Dieu juge entre toi et moi !
Ici, considérez l’extrême patience du juste et le respect qu’il montre à Sara en l’excusant d’une accusation si peu méritée. Elle, qui lui avait mis sa servante dans les bras, en disant :