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Sara lui fait cette offre, il l’accepte, montrant que, s’il y consent, ce n’est point par désir et libertinage, mais pour laisser de la postérité. Sara, femme d’Abram, prit Agar, sa servante égyptienne, après, dix ans d’habitation avec Abram, son mari, dans le pays de Chanaan, et la donna pour femme à Abram, son mari. Voyez combien l’Écriture est précise ! elle veut nous apprendre que le juste ne s’est pas empressé aussitôt que Sara lui eut parlé, et elle dit : Sara, femme d’Abram, prit Agar, sa servante égyptienne. L’Écriture sainte nous fait ainsi comprendre que le juste ne fait rien que par complaisance pour sa femme et par condescendance à sa volonté. Pour bien nous apprendre la continence du juste et son extrême modération, il est écrit Après dix ans d’habitation avec Abram, son mari, dans le pays de Chanaan. Si cet intervalle de temps est précisé, ce n’est pas sans raison ; c’est pour que nous sachions pendant combien d’années le juste a supporté sans murmure cette stérilité, et a fait voir une continence supérieure à toutes les passions ; c’est encore pour nous apprendre autre chose. Quand l’Écriture ajoute : Après dix ans d’habitation avec Abram, son mari, dans le pays de Chanaan, ce n’est pas là tout le temps de leur cohabitation, mais seulement celui qu’ils ont passé dans la terre de Chanaan. Pourquoi cela ? Parce que, dès leur arrivée au pays de Chanaan, Dieu dit dans sa bonté : Je donnerai cette terre à ta race. Ensuite il renouvelle plus d’une fois ces promesses, pour nous faire comprendre, mes bien-aimés, que, malgré l’intervalle que Dieu a mis avant de remplir ces promesses, l’esprit du patriarche ne s’est point troublé et n’a point mis les raisonnements humains au-dessus des paroles divines. Aussi l’Écriture dit : Après qu’ils eurent habité ensemble pendant dix ans dans le pays de Chanaan. Voyez quel courage, quelle sagesse ! voyez aussi comme le Seigneur temporise et retarde pour le rendre plus illustre ! Car s’il a des serviteurs qu’il chérisse particulièrement, il ne se contente pas de leur être favorable, mais il les couvre de gloire pour faire éclater leur foi à tous les yeux. Après avoir dit qu’il donnerait cette terre à sa race, s’il avait aussitôt ouvert les entrailles de Sara `et s’il avait procuré des enfants au patriarche, le miracle n’aurait pas été si grand et la vertu du juste n’aurait pas été si brillante aux yeux de tous. Sans doute, la puissance de Dieu se serait manifestée dès cet instant, car il aurait fertilisé par son ordre le laboratoire de la nature, de venu incapable de reproduction ; mais la couronne de gloire n’aurait pas été complète sur la tête du patriarche, comme à cette époque plus tardive où sa vertu fut éprouvée de nouveau et devint chaque jour plus éclatante.
3. Pour vous faire voir que Dieu ne se contente pas de prodiguer ses bienfaits, mais qu’il cherche d’ordinaire à illustrer ceux qui les reçoivent, voyez sa conduite à l’égard de la Chananéenne, comme il diffère et temporise ; cependant, il finit non seulement par accueillir sa prière, mais par rendre cette femme elle-même célèbre dans le monde entier. Quand elle le suppliait en disant : Seigneur, ayez pitié de moi ! ma fille est tourmentée, par le démon (Mt. 15,22) ; ce Dieu de clémence et de bonté ne daigne cependant pas lui répondre, quoique toujours il prévienne nos demandes. Ses disciples, ignorant ce qui devait arriver, qu’il s’intéressait à cette femme, et que, s’il ne répondait pas, c’était pour lui donner occasion de découvrir le trésor de sa foi, ses disciples, comme par pitié, s’approchaient de lui et le suppliaient en disant : Renvoyez-la, parce qu’elle crie après nous, laissant voir ainsi qu’ils ne pouvaient plus supporter son importunité. Renvoyez-la satisfaite, disaient-ils, non parce qu’elle est malheureuse, non parce que ses prières sont raisonnables, mais parce qu’elle crie après nous. Que fait alors le Seigneur ? Voulant dévoiler peu à peu le trésor de la foi que possédait cette femme, et montrer à ses disciples combien ils étaient loin de sa bonté, il répond enfin de manière à troubler le jugement de la suppliante, si elle avait eu moins de fermeté dans l’esprit ou moins d’ardeur dans le zèle, et de façon à empêcher les apôtres de prier pour elle : Je ne suis envoyé, lui dit-il, que vers les brebis égarées de la maison d’Israël. En effet, ces mots suffisent pour empêcher les disciples d’intercéder en faveur de cette femme ; mais elle-même ne cessa point ses prières et les redoubla avec plus d’instance. C’est le propre d’une âme souffrante et possédée d’une vive affection : elle ne s’inquiète pas de ce qu’on lui dit et songe seulement au but de ses désirs. C’est ce que fit cette femme. Après avoir entendu ces paroles, elle se prosterna en disant Seigneur, ayez pitié de moi ! Elle connaissait la bonté du Seigneur, et aussi sa persévérance est infatigable. Mais voyez quelle prudence et