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s’affligeait point et ne doutait point en voyant que ces paroles ne s’accomplissaient pas, et qu’au contraire tout semblait les démentir. Aussi est-il dit : Sara, sa femme, ne lui donnait pas d’enfants. Pour nous apprendre que tant de promesses n’avaient abouti à rien, tandis que la stérilité de Sara et son sein desséché par l’âge pouvaient décourager le patriarche. Mais celui-ci, loin de s’arrêter aux obstacles de la nature, savait que rien n’est impossible au Seigneur, qui est le Créateur de cette nature et rend possible ce qui était impossible ; en fidèle serviteur, il ne s’informait pas comment les choses devaient arriver, mais il s’abandonnait à l’incompréhensible providence du Seigneur et croyait à sa parole.
Ainsi, après tant de promesses, Sara ne lui donnait pas d’enfants, mais elle avait une servante égyptienne nommée Agar. Ce n’est pas sans raison que l’Écriture sainte fait ainsi mention de cette servante, c’est pour que l’on sache comment Sara l’avait chez elle. Il est dit qu’elle était égyptienne, ce qui nous rappelle un fait précédent : elle faisait partie des présents offerts par Pharaon quand il eut été sévèrement puni parle Tout-Puissant ;, alors elle suivit Sara, et c’est pour cela que l’Écriture nous fait connaître son nom et son pays. Mais voyer maintenant la sagesse de Sara et l’excès de sa continence ; voyez aussi la complaisance et la condescendance du juste. Sara dit à Abram, dans la terre de Chanaan : Dieu a fermé mes entrailles pour que je n’enfante pas, mais viens vers ma servante afin que tu en aies des enfants. Elle ne dit point, comme plus tard Rachel à Jacob : Donne-moi des enfants, ou je meurs. (Gen. 30,1) Mais que dit-elle ? Dieu a fermé mes entrailles pour que je n’enfante pas. Puisque le Créateur m’a rendue stérile et me prive d’avoir des enfants, pour que ma stérilité ne te prive point de voir tes fils dans ton extrême vieillesse, viens vers ma servante, afin que tu en aies des enfants. Quelle femme aurait le courage d’agir ainsi, de donner ce conseil à son mari et de céder le lit conjugal à une servante ?
2. Considérez combien ils étaient dégagés de toute passion : leur seul but était de ne pas mourir sans enfants ; mais ils songeaient à y parvenir sans trouble et en conservant le lien conjugal. Observez aussi la continence du patriarche et son extrême douceur. Il n’en voulut point à sa femme de ne pas avoir d’enfants, comme font quelques insensés ; son amour pour elle n’en fut pas affaibli. Vous savez, en effet, vous savez que la plupart des hommes en prennent occasion de mépriser les femmes, de même qu’ils les apprécient par la raison contraire : il y a beaucoup de légèreté et d’irréflexion à mettre sur le, compte des femmes la stérilité ou la fécondité ; ils ne savent donc pas que tout dépend du Créateur, et que l’union des sexes, jointe à toutes les ressources imaginables, ne peut donner des enfants si la main d’en haut n’excite la nature à les faire naître. Le juste le savait bien ; aussi, n’imputait-il point à sa femme sa stérilité et l’honora-t-il toujours également. Celle-ci, par compensation et pour montrer combien elle chérissait son mari, s’oublia elle-même, et, cherchant à le consoler de cette stérilité, prit, pour ainsi dire, sa servante égyptienne par la main et la conduisit dans son propre lit. Du reste, elle fit bien voir dans quelle intention elle agissait ainsi, en disant : Le Seigneur a fermé mes entrailles pour que je n’enfante pas. Voyez quelle résignation ! Elle ne dit rien d’amer, elle ne déplore point sa stérilité ; elle déclare seulement que, le Créateur l’ayant voulu ainsi, elle le supporte avec douceur et courage, préférant la volonté de Dieu à ses désirs, et qu’elle cherche seulement à consoler son mari, puisque, dit-elle, le Seigneur a fermé mes entrailles pour que je n’enfante pas. Voyez le sens de ces paroles ; comme elles montrent la providence et la puissance infinies de Dieu ! Nous fermons et nous ouvrons notre maison : Dieu en fait autant avec la nature ; son ordre ferme quand il veut et rouvre lorsqu’il lui plaît ; la nature obéit toujours à ses commandements. Puisque le Seigneur a fermé mes entrailles pour que je n’enfante pas, viens vers ma servante, afin que tu en aies des enfants. C’est à cause de moi que tu n’en as pas ; je ne veux point te priver de cette consolation. Peut-être Sara soupçonnait-elle que sa stérilité ne provenait pas d’elle seule, mais aussi du patriarche ; aussi, voulant s’en convaincre par des faits, elle cède la place à sa servante et la conduit dans son lit, afin que l’événement lui montre si la stérilité dépendait d’elle seule.
Abram fit ce que voulait Sara. Remarquez la sagesse du juste. Je répète ce que j’ai déjà dit : ce n’est pas lui qui a eu le premier cette idée, quoiqu’il fût déjà bien vieux ; mais quand