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il confirme encore ce qu’il avait annoncé. Il fit une alliance, disant : Je donnerai à ta race celle terre.
Ensuite pour faire comprendre toute l’étendue des limites du pays donné à cette race, il ajoute : Du fleuve d’Égypte au fleuve Euphrate, là s’étendra ta race. Voyez comme il veut ainsi en indiquer la multitude innombrable. Il a déjà dit qu’on ne pourrait pas plus la compter que les étoiles ; maintenant il indique les limites de son territoire pour faire voir jusqu’où doit s’étendre cette multitude. De plus, il donne la liste des peuples sur lesquels s’étendra la domination de cette race, afin que le juste soit bien informé de tout. Après tant de promesses Sara restait toujours stérile, la vieillesse s’étendait sur eux, afin qu’en donnant de leur foi la plus grande preuve possible, ils reconnussent la faiblesse de la nature humaine et l’immensité de la puissance divine.
Pour ne pas trop prolonger cette instruction, nous allons terminer en vous suppliant d’imiter le patriarche. Songez, mes bien-aimés, à ce qu’il disait au roi de Sodome, et, en général, à toutes ces autres vertus qu’il a montrées pendant toute sa vie, aux récompenses dont il a été honoré et à la condescendance de Dieu pour lui : Songez que le Seigneur nous a ainsi montré à tous, par ses bienfaits envers le patriarche, combien sa libéralité était immense. Pour peu que nous lui fassions offrande de quelques bonnes œuvres, il enchérit au-delà de toute expression et nous prodigue des récompenses infinies, pourvu que nous lui fassions voir, comme le juste, une foi sincère, et que loin de chanceler dans notre esprit, nous conservions une fermeté inébranlable. C’est ainsi que le patriarche a mérité tant d’éloges ; écoutez saint Paul célébrant la foi qu’il a montrée dès l’origine : Abraham appelé à la foi, obéit et s’en alla dans un pays qu’il devait posséder, et partit sans savoir où il allait. (Héb. 2,8) Il fait allusion à ces paroles de Dieu : Sors de ton pays et va dans la terre que je te montrerai. (Gen. 12,1) Voyez quelle fermeté dans la foi, quelle sincérité dans l’esprit ! Imitons ces vertus, quittons par nos pensées et nos désirs les affaires de la vie présente et faisons route vers le ciel. Nous pouvons, si nous le voulons, nous y acheminer même ici-bas, si nos actions le méritent, si nous dédaignons les choses du monde, et si nous négligeons la vaine gloire pour élever nos regards vers la gloire véritable et éternelle ; si nous mettons de côté le luxe des habits et l’ornement du corps, si nous laissons toute cette parure extérieure pour embellir notre âme dont la vertu doit être le vêtement ; si nous méprisons la mollesse, si nous fuyons la gourmandise et si, loin de rechercher les festins et les banquets nous gardons la frugalité, d’après le précepte de l’Apôtre : Contentons-nous d’avoir la nourriture et le vêtement. (1Tim. 6,8) Quel besoin, dites-moi, a-t-on de ces superfluités ? pourquoi se gonfler l’estomac d’un excès de nourriture et perdre la raison dans l’ivresse ? n’en résulte-t-il pas une foule de maux pour le corps et l’âme ? D’où viennent tant de maladies, tant de lésions dans nos organes ? n’est-ce pas de ce que l’estomac est plus chargé qu’il ne faudrait ? D’où viennent l’adultère, le libertinage, le vol, l’avarice, le meurtre, le brigandage et toutes les corruptions de l’âme ? n’est-ce pas d’une convoitise exagérée ? Aussi Paul a dit que l’avidité était la racine de tous les maux. (1Tim. 6, 10) De même l’on peut dire avec raison que cette absence de modération, ce désir de dépasser la limite du besoin est la source de tous nos maux. Si nous voulions, en fait de nourriture, d’habits, de logement et de tout ce qui regarde le corps, n’aller jamais trop loin et nous contenter du nécessaire, l’espèce humaine serait délivrée de bien des maux.
5. Mais je ne sais comment il se fait que chacun de nous est avide à sa manière et franchit toujours les bornes du besoin, malgré le précepte de l’Apôtre : Contentons-nous d’avoir la nourriture et le vêtement : nous faisons tout le contraire, sans songer que nous aurons à rendre compte d’avoir dépassé le nécessaire et abusé des biens du Seigneur. Car ces biens ne nous sont pas accordés seulement pour notre avantage, mais pour le soulagement de nos semblables. Quel pardon peuvent donc mériter ceux qui se parent des vêtements d’une noblesse extrême, qui recherchent les étoffes filées, par des vers et qui, ce qu’il y a de plus déplorable, s’en glorifient, tandis qu’ils devraient se cacher, craindre et trembler, puisqu’ils ne les portent point par nécessité, mais par mollesse et fausse gloire, afin de se faire admirer du monde. Cependant leur semblable passe à moitié nu, sans avoir même un vêtement grossier : et eux, qui sont de la même nature, n’éprouvent aucune pitié, la conscience ne les porte point à secourir leur semblable ; la pensée