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de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l’air. (Eph. 6,12) C’est comme s’il nous disait : ne vous persuadez point que vous n’ayez à livrer que de légers combats. Nos adversaires ne sont point.de même nature que nous, et il n’y a point égalité entre les combattants. Nous qui sommes appesantis par le poids du corps, nous devons entrer en lice et nous mesurer contre des puissances spirituelles. Mais ne craignez point, car quoique la lutte soit inégale, nos armes ne laissent pas d’être fortes et puissantes. Et maintenant que vous connaissez, continue-t-il, le génie et le caractère de vos ennemis, ne perdez point courage, et n’engagez point lâchement le combat : mais revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, pour pouvoir vous défendre des embûches du démon. (Eph. 6, 11)
Cet ennemi implacable multiplie ses ruses, c’est-à-dire les moyens qu’il emploie pour surprendre les chrétiens négligents. Il nous importe donc beaucoup de les connaître afin d’échapper à ses coups, et de ne point lui donner entrée dans nos cœurs. C’est pourquoi nous devons veiller avec soin sur notre langue, captiver nos regards, purifier notre âme, et toujours nous tenir prêts à combattre, comme si une bête féroce nous attaquait, et cherchait à nous dévorer. Aussi saint Paul, cet homme apostolique, ce docteur des nations, cet oracle de l’univers n’omet-il rien pour le salut de ses disciples. Après leur avoir dit : Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu ; il poursuit ainsi pour achever de les rendre invincibles. Soyez donc fermes : que la vérité soit la ceinture de vos reins ; que la justice soit votre cuirasse ; et que vos pieds aient une chaussure qui vous dispose â suivre l’Évangile de la paix. Servez-vous surtout du bouclier de la foi, afin de pouvoir éteindre tous les traits enflammés de l’esprit mauvais, et prenez encore le casque du salut, et l’épée spirituelle, qui est la parole de Dieu. (Eph. 6,14, 17)
Vous voyez donc comme l’Apôtre nous revêt d’une armure complète, ainsi que des soldats qui s’avancent au combat. Il veut d’abord que nos reins soient ceints pour que nous soyons plus disposés à courir, et il nous couvre ensuite d’une cuirasse, afin de nous protéger contre les traits de notre ennemi. Il munit même nos pieds, et surtout il nous arme de la foi comme d’un bouclier qui puisse repousser et éteindre les traits enflammés de notre ennemi. Quels sont donc ces traits de Satan ? Ce sont les désirs mauvais, les pensées impures, et les affections déréglées ; l’emportement, l’envie, la jalousie, la colère, la haine, l’avarice et tous les vices. Le glaive de l’esprit, dit l’Apôtre, ; peut éteindre les feux de ces diverses passions, et même trancher la tête à notre ennemi. C’est ainsi qu’il fortifie ses disciples, et qu’il rend plus durs que le fer des hommes qui étaient plus mous que la cire. Et parce que nous n’avons pas à combattre contre la chair et le sang, mais contre des puissances spirituelles, il ne nous revêt point d’une armure matérielle, et nous remet entre les mains des armes spirituelles et flamboyantes, en sorte que le démon ne puisse même en supporter l’éclat.
6. Revêtus de telles armes, nous ne devons ni craindre ses attaques, ni fuir sa rencontre, ni le combattre lâchement. La vigilance chrétienne ne permet point à l’esprit mauvais de résister à la force de nos armes, et elle déconcerte toutes ses ruses. Mais si nous étions lâches et timides, ces mêmes armes nous deviendraient inutiles, car l’ennemi de notre salut ne dort jamais, et il n’épargne rien pour nous perdre. Soyons donc toujours sous les armes, et abstenons-nous des paroles, non moins que des actions qui blesseraient notre conscience. Joignons aussi à l’exercice de l’abstinence la pratique de toutes les vertus, et spécialement de la charité envers les pauvres, n’ignorant point quelles grandes récompenses sont attachées à l’aumône. Car celui qui donne au pauvre prête au Seigneur. (Prov. 19,17) Et voyez comme ce genre de prêt est extraordinaire et admirable ! L’un reçoit et i n autre se porte garant et caution. Bien plus, et cette considération est importante, nous n’avons ici à craindre ni un défaut de reconnaissance, ni perte aucune. Et en effet, on ne nous assure pas seulement sur la terre le centième ; mais le centuple, et après la mort, la vie éternelle. Si quelqu’un nous promettait aujourd’hui de nous rendre le double de notre argent, nous lui offririons notre fortune entière, quoique bien souvent l’on ne rencontre que des ingrats, ou des débiteurs de mauvaise foi. Plusieurs en effet qui passent pour des gens probes et honnêtes, manquent à leurs engagements ou par malice, ou par impuissance. Mais avec Dieu il n’y a rien à craindre : le capital est en sûreté entre ses mains ; et quant aux intérêts, il nous donne