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meilleur, de la vie périssable à une existence éternelle et immortelle. Le juste dit : Je vais partir de cette vie sans enfants. Et pour toucher encore le cœur de Dieu, il ne s’arrête pas là ; mais que dit-il ? Le fils de Masec, ma servante, sera mon héritier puisque tu ne m’as pas donné de progéniture. Ces paroles montrent toute la douleur de son âme ; c’est comme s’il disait à Dieu : Je n’ai pas été aussi heureux que mon esclave, je mourrai sans enfant et sans postérité ; un esclave héritera des biens que tu m’as donnés, et cela après que tu m’as renouvelé cette promesse : Je donnerai cette terre à ta race. Remarquez ici, je vous prie, la vertu du juste qui, malgré ces pensées dont son âme était remplie ; ne s’impatiente pas et ne dit aucune parole offensante. Maintenant, excité par ce que le Seigneur lui a dit, il lui parle avec franchise, lui montre le trouble de ses pensées et lui dévoile la plaie de son âme ; aussi en reçoit-il promptement le remède. Aussitôt la voix de Dieu lui fut adressée. Voyez comme l’Écriture explique tout exactement ! aussitôt, dit-elle. Dieu ne laisse pas le juste un seul instant dans la peine, il se hâte de le consoler, et calme son chagrin parles paroles suivantes  : Aussitôt la voix de Dieu lui fut adressée, disant : Ce n’est pas celui-là qui sera ton héritier, mais celui qui sortira de toi, celui-là sera ton héritier. Voilà, dit-il ; ce que tu as craint ? voilà ce qui trouble ton esprit, et ce qui te décourage ? apprends donc que ce ne sera point là ton héritier, mais celui qui sortira de toi, celui-là sera ton héritier. Ne songe point aux difficultés de la nature humaine, ni à ta vieillesse, ne t’inquiète pas de la stérilité de Sara, mais aie confiance en la puissance de Celui qui te fait ces promesses, cesse d’être abattu et reprends tout ton courage, enfin, sois persuadé que ton héritier sera celui qui naîtra de toi.
Comme une pareille prédiction dépassait la nature et la raison humaine (en effet, il songeait avec effroi aux obstacles de la nature, à sa vieillesse, à la stérilité de Sara, dont les entrailles étaient mortes pour la maternité), Dieu développe encore cette prédiction afin que le juste prenne confiance dans la libéralité de celui qui peut prédire ainsi. Il l’emmena dehors et lui dit : Regarde le ciel et compte les astres, si tu peux les compter. Et il dit : Telle sera ta postérité. Et Abram crut au Seigneur, et sa foi lui fut imputée à justice. Pourquoi faire observer qu’il l’emmène dehors ? parce qu’il a été dit plus haut que Dieu se montra pendant la nuit dans une vision, et parla au patriarche ; maintenant il veut lui montrer combien les étoiles sont innombrables ; il l’emmena dehors et lui dit : Lève les yeux au ciel et compte les astres, si tu peux les compter. Et il dit : Telle sera ta postérité. Quelle admirable prédiction ! quelle grande promesse ! mais si nous songeons à la puissance de Celui qui parle, rien ne nous paraîtra grand. Celui qui a fait un corps avec de la terre, Celui qui a tiré l’être du néant, et qui a créé tout ce que nous voyons, Celui-là peut bien accorder des grâces surnaturelles.
5. Vous voyez la libéralité du Seigneur. Le patriarche lui dit : Je vais partir de cette vie sans enfants, comme s’il était aux portes du tombeau, et s’il ne pouvait plus avoir d’enfant ; aussi ajoute-t-il : Le fils de Masec, ma servante, sera mon héritier. Aussi Dieu voulant relever son esprit et fortifier son âme, le délivre de la crainte qui le possédait, raffermit sa pensée par la grandeur de sa promesse, et en lui montrant la multitude des astres, enfin en lui annonçant une nombreuse postérité, il lui rend l’espérance. En voyant la prédiction du Seigneur, le sage ne s’arrête plus aux considérations humaines, il ne songe plus à son impuissance ni à celle de Sara, et ne s’inquiète pas des obstacles naturels ; sachant que Dieu peut accorder des dons surnaturels, il a foi dans ses paroles, il n’admet plus aucun doute et croit fermement que tout s’accomplira. Voilà la véritable foi, celle qui se fie dans la puissance de l’auteur des promesses, même quand ces promesses sont extraordinaires et ne peuvent s’accomplir que d’une manière surhumaine. La foi, comme dit saint Paul, est le fondement des choses qu’on espère, et la preuve des choses invisibles (Héb. 11,1) ; et il dit aussi  : Quand une fois on a vu que reste-t-il à espérer ? (Rom. 4,3) Ainsi nous avons la véritable foi quand nous croyons à ce que nous ne voyons pas, en considérant l’autorité de celui qui nous fait la promesse. C’est ce qu’a fait notre juste, qui montra une foi sincère et parfaite à ce qui lui était annoncé ; aussi l’Écriture sainte fait-elle son éloge en ajoutant aussitôt : Abram crut au Seigneur, et sa foi lui fut imputée à justice. Vous voyez comment, même avant l’accomplissement des promesses, il fut récompensé de sa croyance. Car sa foi dans les