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mais du reste, c’était un infidèle qui avait besoin qu’on lui enseignât la vertu ; aussi le juste refusa-t-il ses présents, mais par son refus et par ses discours, il chercha à lui inspirer la piété. Il accepte avec raison l’offrande de Melchisédech, dont l’Écriture sainte nous fait connaître la vertu en disant : C’était un prêtre du Très-Haut. Du reste, c’était là une figure du Christ et ces offrandes présageaient le mystère : aussi le patriarche, loin de les refuser, les accueillit et y répondit à son tour d’une manière qui prouvait toute sa vertu : il lui donna la, dîme, ce qui faisait bien voir ses pieuses intentions. Je m’étends peut-être là-dessus, mais ce n’est pas sans raison. Nous avons résumé rapidement ce qui avait été dit depuis le commencement de ces instructions jusqu’à celle d’aujourd’hui sur le courage du juste, sa magnanimité, sa foi parfaite, la sagesse de ses pensées, l’excès de son humilité et de son mépris pour les richesses, enfin la bienveillance et la providence constante de Dieu à son égard ; vous avez vu comment, dans chaque occasion, cette divine assistance le rendit plus célèbre et plus illustre. Maintenant, si vous y consentez et si vous n’êtes pas fatigués, arrivons à la lecture que l’on vient de vous faire : nous allons vous en développer quelque chose pour terminer ce discours, et vous verrez comment il est récompensé d’avoir refusé les dons du roi de Sodome. Que dit l’Écriture ? Après ces paroles, la voix du Seigneur fut adressée à Abram. Pourquoi commencer ainsi ? après ces paroles. De quelles paroles s’agit-il, dites-moi ? n’est-il pas clair qu’il est question de celles qu’il a dites au roi de Sodome ? Après son mépris des richesses, après qu’il eut refusé ses offres, après cet enseignement qu’il joignit à son refus pour amener le roi à reconnaître et à adorer le Créateur de toutes choses, après ces paroles, après qu’il eut offert la dîme à Melchisédech, enfin, quand il eut fait tout ce qui dépendait de lui, alors après ces paroles, la voix du Seigneur fut adressée à Abram pendant une vision dans la nuit, disant : Ne crains pas, Abram, je te protège ; ta récompense sera très-grande.
4. Voyez la bonté du Seigneur ; comme la couronne suit de près l’athlète pour le récompenser et le préparer à affronter d’autres luttes avec une nouvelle vigueur. La voix du Seigneur fut adressée pendant une vision dans la nuit. Pourquoi dans la nuit ? Pour qu’elle fût plus distincte au milieu du silence et du repos. Elle dit : Ne crains pas, Abram. Voyez jusqu’où Dieu porte l’attention. Comme le patriarche avait repoussé tant de richesses et dédaigné les présents d’un roi, cela signifie : ne crains pas qu’après avoir refusé tout cela, tu sois réduit à voir diminuer ta fortune, ne crains pas. Ensuite, pour réveiller encore mieux ; son esprit, la voix ajoute encore son nom, et dit : Ne crains pas, Abram. En effet, le meilleur moyen d’éveiller quelqu’un, c’est de l’appeler par son nom. Puis elle ajoute : Je te protégerai. Voilà un mot qui signifie beaucoup. Moi qui t’ai fait venir de Chaldée, moi qui t’ai amené ici, moi qui t’ai délivré des dangers de l’Égypte et qui t’ai promis plus d’une fois de donner cette terre à ta race, moi je te protège ! Moi qui, de jour en jour, le fais briller davantage aux yeux de tous, je te protège : c’est-à-dire, je suis ton bouclier, je lutte et combats avec toi, je veille sur toi, je rends facile pour toi tout ce qui est difficile, je te protège. Ta récompense sera très-grande. Tu n’as pas voulu recevoir de rétribution pour lés fatigues que tu avais subies, pour les dangers où tu t’étais exposé, tu as dédaigné ce roi et ces présents. Je te donnerai ta récompense, non seulement telle que tu l’aurais reçue, mais grande et très-grande. Ta récompense sera très-grande. Admirez la libéralité du Seigneur, et concevez l’importance de ses Paroles : voyez comme elles soutiennent la piété de l’athlète, et comme elles fortifient son âme. Lui qui connaît les secrets des cœurs savait que le juste avait besoin d’une pareille consolation, car voici ce qu’il répond après avoir été encouragé par ces paroles. Abram dit : Seigneur, que me donnerez-vous ? Je vais partir de cette vie sans enfants. Après avoir reçu cette promesse d’une grande récompense ; il montre toute la tristesse de son âme et le regret qu’il éprouve depuis longtemps en se voyant sans enfants et il dit : Seigneur, accomplirez-vous, ce désir ? Me voici au terme de la vieillesse et je vais partir de cette vie sans enfants.
Voyez quelle philosophie le juste montrait dans ces temps reculés, puisqu’il appelait la mort un départ. Ceux qui ont mené une vie honnête et vertueuse, quand ils quittent ce monde sont affranchis de leurs luttes et délivrés de leurs liens : la mort n’est pour ceux qui ont bien vécu qu’un passage à un état