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était résolu à laisser le pays de ses pères, et à en habiter un autre, afin d’obéir à Dieu ; il était même résigné à voyager sans parents, à ce qu’il semblait ; mais, comme je l’ai dit, sa vertu et son amour pour ses parents furent cause que son père l’accompagna.
Arrivés à Charran, ils y dressèrent leur tente ; après la mort de Tharra (c’était le nom de son père), Dieu lui ordonna encore de voyager. Quitte, lui dit-il, ta terre et ta famille, et viens dans la terre que je te montrerai. (Gen. 12,1) Comme ils avaient émigré à Charran avec toute leur famille et leur maison, Dieu ajoute, dans ce nouvel ordre : Quitte ta terre et ta famille, voulant ainsi qu’il voyageât seul sans emmener son frère Nachor, ni personne autre. Il dit ta terre parce que sa famille l’habitait déjà depuis quelque temps et que ce domicile était pour elle comme une patrie. Malgré la perte récente de ses parents, malgré toutes les difficultés du voyage, il obéit de tout son cœur à l’ordre du Seigneur, et cela, sans savoir où devaient s’arrêter ses courses. Va, disait Dieu, non pas dans tel ou tel pays, mais dans la terre que je te montrerai. Cependant, malgré le vague d’un pareil ordre, il entreprit sans hésitation de l’exécuter ; il emmena son neveu, montrant encore en cela sa vertu. Il avait peu à peu captivé ce jeune homme qui cherchait à imiter ses vertus, et qui, pour ne pas le quitter, voulut être son compagnon de voyage. Si mon père, disait-il, tout infidèle qu’il était, a consenti, pour l’amour de moi et pour m’accompagner, à quitter la maison paternelle où nous sommes nés et où nous avons grandi, puis à mourir sur la terre étrangère, à plus forte raison je ne laisserai pas ici le fils de mon frère, dont la jeunesse annonce tant de progrès dans la vertu.
2. En toute occasion il faisait preuve de piété ; ainsi quand il fit ce voyage qui le conduisit eu Palestine et aux frontières des Chananéens, Dieu lui apparut pour fortifier son zèle et lui tendre la main, et lui dit : Je donnerai cette terre à ta race. (Gen. 12,7) Ce qu’il souhaitait et désirait surtout, c’est-à-dire des fils pour lui succéder, cette récompense de tant de travaux lui est permise aussitôt. La nature ne lui avait pas donné d’enfant et son âge ne lui en laissait plus espérer, mais la promesse de Dieu relève le courage de l’athlète, le rajeunit et le prépare aux luttes à venir. Voyez après cette promesse quel combat le juste eut à soutenir. Menacé par la famine et la disette qui régnait au pays de Chanaan, il se rend en Égypte, et pour fuir la famine il s’expose aux plus grands dangers. Près des frontières de l’Égypte, et sur le point d’y entrer, il dit à sa femme : Je sais que tu es belle (Gen. 12,11), je connais l’éclat de ta beauté et je crains le libertinage des Égyptiens. S’ils te voient, et s’ils savent que c’est ma femme que je mène avec moi, ils te laisseront la vie pour assouvir leur fureur impudique, mais ils me tueront afin de se livrer sans obstacle au crime, afin qu’il ne reste personne pour les accuser d’adultère. Par conséquent, dis que je suis ton frère. Voyez quelle âme, mieux trempée que l’acier, aussi dure que le diamant ! Le malheur qu’il attendait n’a pu le troubler ; il ne faisait pas en lui-même ces réflexions : N’ai-je montré tant d’obéissance en quittant mon pays pour une autre terre, qu’afin de tomber dans un pareil malheur ? N’ai-je pas reçu cette, promesse : je donnerai cette terre à ta race? et maintenant je suis tourmenté par la crainte de l’adultère et par celle de la mort. Il ne donnait accès dans son cœur à aucune de ces pensées, il ne songeait qu’à jouer cette douloureuse comédie, afin d’échapper du moins à l’un des dangers qui le menaçaient.
Quand il eut fait tout ce qui dépendait de lui par son courage et sa sagesse, sa femme aussi coopéra à ses projets par affection et par obéissance, et aida à ce qu’ils avaient décidé. Puis quand ils eurent fait tout ce qui dépendait d’eux, que tout fut désespéré humaine ment, et que l’œuvre d’iniquité était presque consommée, alors Dieu déploya sur Abraham sa providence. non seulement il sauva la femme de l’outrage par la colère qu’il fit éclater sur le roi et toute sa maison, mais il fit retourner le patriarche d’Égypte en Palestine, avec de grands honneurs. Voyez comment, au milieu de toutes ces épreuves, le Seigneur, dans sa bienveillance, le soutient de sa force, et prépare son athlète à toutes les luttes à venir ; jamais il ne le prive de son assistance, mais-il dispose tout si bien, que la moindre coopération apportée par le patriarche à l’œuvre de Dieu est récompensée par des bienfaits qui dépassent la nature humaine.
Vous connaissez la résignation du juste. Voyez maintenant, après son retour, jusqu’où vont son humilité et sa douceur ! En revenant d’Égypte, il avait une grande richesse que partageait son neveu qui vivait avec lui. Mais le