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objets, ceux que nous apercevons nous échappent rapidement ; quant à ceux que nous ne pouvons apercevoir maintenant, ils subsistent perpétuellement, durent dans l’éternité, n’ont point de limites, ne finissent et ne changent jamais, et demeurent immuables et inébranlables. Peut-être vous paraîtrai-je fatigant en vous donnant inutilement chaque jour les mêmes conseils ; mais qu’y faire ? La perversité est bien odieuse, les richesses sont bien tyranniques, la vertu est bien rare. Aussi, je veux multiplier mes exhortations pour guérir vos maladies, et rendre à la santé tous ceux qui se réunissent ici. C’est pour cela que nous mettons tant de zèle à vous expliquer les Écritures et à vous exposer les vertus des justes ; peu nous importe de répéter souvent les mêmes choses, pourvu que ces vertus excitent votre émulation.
Commençons donc, quoiqu’il soit bien tard, à nous occuper de notre salut, faisons un bon usage du délai qui nous est accordé jusqu’à l’échéance de notre vie, et, pendant qu’il en est encore temps, empressons-nous de faire pénitence et de corriger nos défauts, employons le superflu de nos biens pour le salut de nos âmes, c’est-à-dire, dépensons ce superflu pour les indigents. Pourquoi donc, dites-moi, laisser rouiller votre or et votre argent ? ne vaudrait-il pas mieux le verser dans l’estomac du pauvre, comme dans la caisse la plus sûre, et surtout au moment où vous pouvez en retirer tant de consolation, tant de secours ; ceux que vous aurez nourris vous ouvriront, dans le grand jour, les portes du salut, et vous recevront dans leurs tentes éternelles. Ne laissons point nos habits se manger aux vers, ou se pourrir dans nos armoires, quand il y a tant de gens qui en manquent, et vont presque nus. Plutôt que de nourrir les vers, couvrons la nudité du Christ, et vêtissons celui qui est resté nu, pour nous offrir l’occasion de notre salut, afin que dans ce grand jour, une voix nous dise : J’étais nu, et vous m’avez couvert. (Mt. 25,36) Ces préceptes sont-ils pénibles, sont-ils au-dessus de nos forces ? ces vêtements usés, rongés aux vers, qui se perdent pour rien, hâtez-vous de les employer utilement, afin d’éviter votre châtiment, et d’en retirer un profit immense. Il y a excès d’inhumanité chez les riches à renfermer leur superflu dans des armoires et des murailles, au lieu de soulager les besoins de leurs semblables, et de mieux aimer s’exposer aux peines les plus terribles, en abandonnant leurs biens à la rouille, aux vers et aux voleurs, que d’en faire l’usage qu’il faut, pour en être récompensé. Je vous en supplie, ne négligeons pas à ce point le salut de nos âmes, donnons notre superflu à ceux qui manquent de tout, et nous y gagnerons nous-mêmes l’assurance de mériter les biens ineffables, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, soient gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Traduction de M. HOUSEL.