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terre, il montre la puissance de Dieu par celle de ses créatures. Puisque c’est ce Dieu qui a créé le, ciel et la terre, ceux qu’adorent les autres hommes ne sont pas des dieux. Ces dieux qui n’ont point fait le ciel et la terre, qu’ils soient détruits. (Jer. 10,11) Béni soit Dieu ! dit Melchisédech, qui a livré tes ennemis entre tes mains. Observez comment non seulement il célèbre le juste, mais reconnaît et confesse le secours de Dieu. Sans un pareil secours, il n’aurait jamais pu triompher de puissances si terribles. Il t’a livré tes ennemis ; c’est lui qui a tout fait, c’est lui qui a rendu les forts impuissants, c’est lui qui a vaincu les hommes armés par des bras sans armes, c’est son appui qui a fait toute ta force. Il a livré tes ennemis entre tes mains. Comme ce mot prouve l’affection qui l’unissait à Loth, comme il montre que le patriarche regardait les ennemis de Loth comme ses propres ennemis ! Il lui donna la dîme de tout. Paul dit à ce sujet : Voyez quelle était l’importance de Melchisédech, puisque le patriarche Abraham lui donna la dîme des prémices. C’est-à-dire qu’avec toutes les dépouilles qu’il avait rapportées, il rémunéra Melchisédech et lui donna la dîme de tout ce qu’il avait gagné : montrant ainsi à tout le monde qu’il convient de témoigner sa reconnaissance à Dieu en lui offrant les prémices des biens qu’il accorde. Ensuite étonné de la grandeur d’âme du patriarche, le roi de Sodome lui dit : Rends-moi les hommes, mais prends les chevaux pour toi. C’est une grande reconnaissance de la part du roi ; mais voyez la modération du juste : J’étends la, main vers le Très-Haut qui a fait le ciel et la terre, et j’atteste que je ne prendrai rien de ce qui est à toi, depuis un fil jusqu’à un sphérotère de chaussure, pour que tu ne puisses pas dire J’ai enrichi Abram. Quel mépris des richesses chez le patriarche ! Mais pourquoi dit-il avec serment : J’étends la main vers le Très-Haut qui a créé le ciel et la terre ?
6. Il veut faire savoir deux choses au roi de Sodome : d’un côté, qu’il est au-dessus de tous les biens qu’on peut lui offrir ; de l’autre, par sa grande modération, il cherche à lui enseigner la piété, comme s’il lui disait : Celui que je prends à témoin pour ne rien accepter de ce qui est à toi, c’est le Créateur de toutes choses, afin que tu connaisses le Dieu de l’univers, et que tu ne croies plus à ces dieux fabriqués par la main des hommes. C’est le Créateur du ciel et de la terre, c’est lui qui nous a donné dans cette guerre la victoire et le triomphe. Ne t’attends donc pas à ce que j’accepte aucun de tes dons. Ce n’est point pour le profit que j’ai fait cette entreprise, c’est d’abord à cause de l’affection paternelle que je porte à mon neveu ; ensuite, c’est pour l’amour même de la justice, afin de retirer des mains des barbares ceux qu’ils avaient enlevés injustement. Je ne prendrai rien de ce qui est à toi, depuis un fil, jusqu’à un sphérotère de chaussure, c’est-à-dire, je n’accepterai pas même le moindre objet, sans aucune valeur. Car on appelle sphérotère, un bout de chaussure terminé en pointe comme en portent les Barbares. Comme raison qui lui défend d’accepter, il dit : Pour que tu ne dises pas : j’ai enrichi Abram. J’ai un Dieu qui me comble de biens infinis, je m’appuie sur sa force céleste, je n’ai pas besoin de tes richesses, je ne réclame point l’abondance qui vient des hommes, je me contente de la protection divine, je sais que ses dons sont inépuisables. J’ai cédé à Loth à propos d’intérêts petits et méprisables et j’ai reçu des promesses immenses et inexprimables.: maintenant je me ménage encore une plus grande richesse, et je me concilie une nouvelle bienveillance en refusant tes présents. Voilà pourquoi, je pense, il a proféré ce serment, en disant : J’étends la main vers le Très-Haut, afin que le roi ne pût pas prendre cela pour une feinte, comme cela pouvait être, mais pour qu’il sût que le patriarche était bien décidé à ne rien prendre pour lui-même. Ainsi il accomplissait d’avance l’ordre donné par le Christ à ses disciples : Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. (Mt. 10,8) Ai-je contribué au succès de la guerre, disait-il, autrement que par mon zèle et ma bonne volonté ? Quant à la victoire et aux trophées, c’est Dieu qui a procuré tout cela par sa force invisible. Ensuite, pour que le roi ne pût pas croire qu’il refusait ses offres par orgueil ou mépris, il montre après sa douceur et sa sagesse. Je ne recevrai rien, excepté ce que mes jeunes gens ont mangé, et la part des hommes qui sont venus avec moi : Eschol, Aunan et Mambré ; ceux-là prendront leur part. Je les laisserai, dit-il, prendre leur part, parce qu’ils m’ont donné une grande preuve d’amitié. Ceux-là étaient associés avec Abram, c’est-à-dire liés d’amitié, car on voit par là qu’ils avaient partagé les dangers de cette guerre. Aussi, voulant les récompenser, il leur