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la régisse ? Un vaisseau sans pilote ne traverse point les flots, une armée ne fait rien de grand et d’éclatant sans un général, une famille ne s’administre point sans un chef : et l’on voudrait que ce vaste univers, et l’ensemble des éléments qu’il renferme, se soient produits fortuitement ! Mais ce serait nier l’existence d’un Être supérieur qui a tout créé par sa puissance, de même qu’il maintient et dirige tout par sa sagesse ; au reste, est-il besoin de nouveaux arguments pour prouver à ces aveugles des vérités qui sautent aux yeux ? Cependant je ne négligerai point de leur proposer l’explication de nos saints livres, et j’y emploierai même tous mes soins, afin de les arracher à leurs erreurs et les ramener à la vérité. Car, malgré leur égarement, ils sont nos frères, et à ce titre ils ont droit à toute notre sollicitude. C’est pourquoi je m’appliquerai avec zèle et selon mes forces à leur présenter de salutaires remèdes : et peut-être un jour reviendront-ils à la saine doctrine. Rien en effet n’est plus cher à Dieu que le salut des âmes. Il veut, comme l’Apôtre nous l’assure, que tous les hommes soient sauvés, et qu’ils viennent tous à la connaissance de la vérité. (I Tim. 2,4) Et le Seigneur lui-même nous dit : Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. (Ez. 28,23) Il n’a donc créé l’univers qu’en vue de notre salut ; et il nous a fait naître, non pour nous perdre et nous précipiter dans les supplices de l’enfer, mais pour nous sauver, nous délivrer de l’erreur et nous rendre participants de son royaume. C’est ce royaume qu’il nous a destiné longtemps avant notre naissance, et avant même qu’il eût jeté les fondements du monde, comme Jésus-Christ nous l’apprend par ces paroles : Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé avant la création du monde. (Mt. 25,34) Oh ! combien est grande la bonté du Seigneur ! il n’avait as encore créé le monde ni formé l’homme que déjà il nous préparait les biens infinis du ciel. Pouvait-il mieux montrer ses soins à l’égard de l’homme, et son désir de notre salut.
Mais puisque nous avons un Maître si plein de miséricorde, de bonté et de douceur, travaillons à sauver et notre âme et celles de nos frères ; car une voie facile et assurée de salut est de ne point concentrer sur soi-même toute sa sollicitude, et de l’étendre jusqu’à ses frères, en sorte qu’on leur soit utile et qu’on les ramène dans les sentiers de la vérité. Mais voulez-vous connaître combien il nous est avantageux de sauver nos frères en nous sauvant nous-mêmes ? écoutez ces paroles qu’un prophète nous adresse au nom du Seigneur : Si vous séparez ce qui est précieux de ce qui est vil, vous serez comme ma bouche (Jer. 15,19) ; c’est comme si Dieu disait : Celui qui fait connaître la vérité à son prochain, ou qui le ramène du vice à la vertu, m’imite autant qu’il est possible à la nature humaine. Et en effet, le Verbe éternel, tout Dieu qu’il est, a pris notre nature et s’est fait homme pour nous sauver ; mais ce n’est pas dire assez que d’affirmer qu’il a pris notre nature et qu’il s’est soumis à toutes les infirmités de notre condition, puisqu’il a même souffert le supplice de la croix, afin de nous racheter de la malédiction du péché. Jésus-Christ, dit l’Apôtre, nous a rachetés de la malédiction de la loi, s’étant rendu lui-même malédiction. (Gal. 3,13) Mais si un Dieu, quoique impassible en son essence, n’a point dédaigné, dans son ineffable bonté, de tant souffrir pour notre salut, que ne devons-nous pas faire à l’égard de ceux qui sont nos frères et nos membres, afin de les arracher de la gueule du démon et de les ramener en la voie de la vertu ? Car, puisque l’âme est bien supérieure au corps, l’aumône corporelle, qui distribue nos richesses aux pauvres, est moins excellente que l’aumône spirituelle qui, par de salutaires avis et de continuelles exhortations, remet dans le bon chemin les âmes tièdes et paresseuses en leur faisant connaître la difformité du vice et l’admirable beauté de la vertu.
5. Fortement convaincus de ces vérités, plaçons le salut de notre âme au-dessus de tous les intérêts de la vie, et cherchons à exciter dans nos frères une égale sollicitude. Car, que pouvons-nous souhaiter de plus désirable que de retirer une âme, par nos fréquentes exhortations, de cet abîme de maux où nous sommes tous plongés, et de lui enseigner à réprimer ces passions tumultueuses qui nous agitent incessamment. C’est pourquoi nous avons besoin d’être toujours sur nos gardes, parce qu’il nous faut soutenir une guerre qui n’admet ni trêve, ni relâche. Aussi l’Apôtre écrivait-il aux Éphésiens : Nous avons à combattre non contre la chair et le sang, mais contre les principautés, contre les puissances, contre les princes