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de s’occuper à lire en voyage et surtout assis sur un char. Je recommande cet exemple à ceux qui ne peuvent s’y décider, même chez eux, qui croient ne pas en avoir le temps, parce qu’ils vivent avec une femme, qu’ils sont au service militaire, qu’ils sont embarrassés d’enfants et de domestiques, et s’imaginent que leur état les dispense de lire les saintes Écritures. Cependant voici un eunuque, un barbare que ces mêmes motifs auraient pu rendre négligent, sans compter sa puissance et ses richesses ; ajoutez à cela qu’il était en voyage et sur un char, position peu commode et même très-gênante pour la lecture ; cependant son ardeur et son zèle le faisaient passer par-dessus tous ces obstacles ; il s’absorbait dans sa lecture et ne disait pas comme tant d’autres : Je ne comprends pas ce qui est écrit, je ne puis pénétrer la profondeur des Écritures ; pourquoi me livrer à un travail stérile et inutile, puisque je n’ai personne pour me l’expliquer ? Il ne pensait rien de semblable, car s’il était barbare de nation, il était sage d’esprit ; il s’appliquait donc à cette lecture en pensant qu’il ne méritait pas le mépris, mais la grâce d’en haut, s’il faisait tout ce qui dépendait de lui. Aussi le Seigneur bienveillant, voyant son désir, ne le méprisa point, ne l’abandonna pas et lui envoya aussitôt un guide spirituel. Réfléchissez, je vous prie, à la sagesse de Dieu qui attendit que l’eunuque eût fait tous ses efforts et qui alors lui envoya un aide. Quand celui-ci eut accompli et terminé ce qui était en son pouvoir, un ange du Seigneur apparut à Philippe lui disant : Lève-toi et va sur la route qui descend de Jérusalem à Gaza, qui est déserte. Et voici qu’un Éthiopien, un eunuque, ministre de la reine d’Éthiopie Candace, était venu pour adorer à Jérusalem, il s’en retournait assis sur son char et lisait le prophète Isaïe. (Act. 8,26-28) Voyez avec quel soin le lecteur est décrit : c’est un Éthiopien, ce qui nous fait voir qu’il est barbare ; c’est un ministre, ce qui indique beaucoup d’honneur et de puissance. Il était venu pour adorer à Jérusalem. Vous voyez que la cause même de son déplacement prouvait sa piété ; car voyez combien de chemin il avait fait pour adorer le Seigneur. On croyait encore alors que le culte divin était renfermé dans un seul endroit et l’on faisait un long voyage pour y apporter ses prières. Il était donc venu là où était le temple et le culte des Juifs pour adresser son adoration au Seigneur. Et après avoir accompli son désir, il s’en retournait assis sur son char et lisait.
2. Ensuite, Philippe s’approche et lui dit : Crois-tu comprendre ce que tu lis ? Voyez combien son âme était avide de savoir, puis qu’il s’attachait à cette lecture qu’il ne comprenait pas, tout en désirant de trouver un maître qui la lui expliquât. En effet, la question de l’Apôtre éveille aussitôt son désir, et sa réponse même fait voir qu’il était digne de rencontrer ce maître capable d’expliquer ce qu’il lisait. L’Apôtre, en lui disant : Crois-tu comprendre ? s’était approché de lui, couvert de pauvres habits ; cependant l’eunuque n’en fut point choqué ni irrité, il ne se crut point injurié, comme cela arrive à ceux qui ont la sottise de vouloir rester dans leur ignorance parce qu’ils rougissent de l’avouer et d’apprendre de ceux qui savent. Il n’eut aucune idée semblable ; il répond avec douceur et piété, sans cacher l’état de son âme : Comment pourrai-je comprendre si quelqu’un ne me guide ! Et de plus, après avoir répondu avec cette politesse, il ne continua pas son chemin, mais il donna encore une grande preuve de vertu : ce ministre ; ce barbare, monté sur ce char brillant, appela cet homme si mal vêtu, qui semblait si peu de chose, et le fit monter avec lui ! Voyez quelle âme fervente, quelle extrême dévotion ! Voyez comme la piété de ce barbare lui fait accomplir les paroles du Sage : Si vous trouvez un homme sage, que vos pas usent les marches de sa porte. (Eccl. 6,36) Voyez combien il était juste de ne pas le mépriser, voyez comme il méritait la protection divine ! Après avoir ainsi trouvé ce guide spirituel, il apprit toute la puissance de ces écrits, et son intelligence s’éclaira.
Vous avez vu quel avantage il y a à lire les saintes Écritures avec zèle et attention. C’est pour cela que je vous ai rapporté l’histoire de ce barbare, afin qu’on ne rougisse point d’imiter cet Éthiopien, cet eunuque qui ne négligeait pas, même en voyage, de lire les Écritures. Ce barbare peut être notre maître à tous, hommes privés ou militaires, même aux plus haut placés, à tous les hommes enfin, et aussi aux femmes qui vivent sans cesse à la maison. Il peut encore être un enseignement pour ceux qui ont choisi la vie monastique, afin de leur montrer qu’aucune circonstance ne peut les détourner de cette lecture. Elle est