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rien davantage, et que rien ne pouvait mieux corroborer sa constance, lui dit : Je multiplierai ta race comme le sable de la terre. Si quelqu’un peut compter le sable de la terre, il comptera aussi ta race. En vérité, une pareille promesse dépassait la nature humaine ; non seulement il lui donne l’assurance de le rendre père, malgré tout ce qui semblait s’y opposer, mais aussi de multiplier ses enfants comme le sable de la terre, voulant, par cette hyperbole, indiquer qu’ils seraient innombrables.
Voyez comment la bonté du Seigneur exerce peu à peu la vertu du juste ! Il lui a dit tout à l’heure : Je donnerai cette terre à ta race ; maintenant il dit encore : Je la donnerai à ta race jusqu’à la fin des siècles et je multiplierai ta race comme le sable de la terre. Voilà de belles promesses, mais ce ne sont encore que des paroles ! Il se passe beaucoup de temps entre la promesse et son accomplissement, afin de nous montrer la piété du patriarche et l’infinie puissance de Dieu. Il en diffère et en recule la réalisation, afin que ceux qui en avaient reçu l’assurance, étant parvenus à l’extrême vieillesse, et ayant perdu toute espérance humaine, puissent éprouver la faiblesse de leur nature et la puissance incomparable de Dieu.
4. A ce sujet, réfléchissez, je vous prie, à la fermeté d’esprit du patriarche, pendant un si long espace de temps ; tout était perdu au point de vue humain, mais songeant à la puissance de Celui qui lui avait fait cette promesse, il n’avait ni trouble, ni crainte. Vous savez que d’ordinaire nous finissons par ne plus croire aux promesses souvent répétées, quand elles tardent à s’accomplir : nous pouvons avoir raison, s’il s’agit d’un homme. Mais quand il s’agit de Dieu, qui dirige notre existence avec sa prudence parfaite, s’il a une fois promis quelque chose, nous devons nous y fier, malgré des obstacles innombrables, nous devons ne songer qu’à sa puissance absolue, raffermir notre raison et savoir que toutes ses paroles s’accompliront n’importe comment. Rien ne peut retarder l’effet de ses promesses, puisque c’est Dieu à qui tout est possible ; mais il les recule quand il veut : s’il n’y a pas de chemins, il sait en trouver et nous rendre l’espérance au milieu de notre désespoir, afin de faire briller encore mieux à nos regards sa puissance et sa sagesse.
Il dit : Lève-toi et promène-toi en long et est large sur la terre que je te donnerai. Voyez comme il s’empresse toujours de maintenir le juste en sécurité ! Il dit : lève-toi, promène-toi, mesure la longueur et la largeur, pour que tu apprécies la terre dont tu jouiras et qu’avant même d’en jouir, tu te repaisses d’espérance pour premier bonheur. Car je te donnerai toutes les terres à l’entour pour te montrer que tu n’as pas abandonné autant que tu dois recevoir. Ne crois pas maintenant avoir eu la plus mauvaise part, quand ton neveu est allé occuper ce qu’il avait préféré. Les événements te prouveront bientôt que cet avantage ne lui a servi à rien ; et lui-même apprendra quel inconvénient on trouve à rechercher la meilleure part. En attendant, recueille la récompense de la modération et de la condescendance que tu as eues pour ton neveu, reçois ma promesse, visite cette terre dont tu es le maître, et que tu posséderas bientôt, ainsi que ta race, jusqu’à perpétuité : Je la donnerai à ta race jusqu’à la fin des siècles. Quelle révélation de Dieu, quelle générosité du souverain Maître, quelle immense récompense accordée, par sa bienveillance et sa miséricorde, à ce juste et à toute la race qui devait sortir de lui !
En l’entendant, le patriarche, frappé de l’ineffable bonté de Dieu, leva sa tente et habita auprès du chêne de Membré, qui est au pays de Chèbron. Ainsi, après avoir reçu cette promesse et s’être séparé de Loth, il transporta sa tente au chêne de Membré. Voyez quelle résignation et quelle élévation dans l’esprit ! comme il se transporte facilement et n’é-, prouve aucune difficulté à passer d’un lieu à un autre. Jamais vous ne le trouverez retenu ni embarrassé par aucune habitude, ce qui arrive souvent à bien des gens qui se prétendent parvenus au faîte de la sagesse et supérieurs aux misères du monde. Si pourtant ils sont appelés par quelque circonstance à changer de place, souvent même, pour une affaire spirituelle, ils deviennent chagrins, tristes et supportent avec peine ce déplacement, parce qu’ils sont prévenus par l’habitude. Il n’en était pas ainsi de ce juste, qui avait déjà toutes les qualités de la sagesse chrétienne : comme un voyageur ou un étranger, il se transportait tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, et s’empressait partout de déployer sa piété par ses actions. Car après avoir placé sa tente près du chêne de Membré, il y construisit un autel au Seigneur. Voyez quelle reconnaissance ! Aussitôt qu’il a placé sa tente, il s’empresse