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protection. Aussi la sévérité de ce châtiment frappant l’esprit du roi, le détourna de son audace criminelle, réprima sa passion insensée, mit un frein à son libertinage, enchaîna ses désirs impétueux, et dompta son ardeur furieuse.
7. C’est pourquoi vous voyez ensuite avec quelle douceur ce roi, ce tyran parle à cet étranger, à ce vagabond dont il n’a pas craint d’enlever la femme. Comme le dit bien l’Écriture : Dieu frappa Pharaon, et sa maison à propos de Sara, la femme d’Abram. Le châtiment lui fait comprendre que c’est la femme d’un juste. En effet, même après avoir été introduite chez Pharaon, elle resta la femme du juste. Pharaon ayant fait venir Abram, lui dit : Pourquoi m’as-tu fait cela ? Voyez quelles sont les paroles du roi. Pourquoi m’as-tu fait cela? dit-il. – Et que t’ai-je fait, moi étranger inconnu, poussé par la famine, à toi, roi, tyran et souverain de l’Égypte ? que t’ai-je fait ? Tu m’as enlevé mon épouse, tu m’as méprisé, humilié, dédaigné comme un étranger ; tu n’as écouté que tes désirs déréglés et tu as voulu faire selon ton caprice. Que t’ai-je donc fait ? – Tu m’as fait bien du – tort, dit le roi, et tu m’as causé beaucoup de mal. Voyez quel renversement de ce qui se passe d’ordinaire ! C’est le roi qui dit au particulier : Que m’as-tu fait ? Tu m’as attiré la haine et la colère de Dieu, tu m’as rendu coupable, tu m’as fait punir, ainsi que toute ma maison, de l’injure qu’on t’avait faite. Pourquoi m’as-tu fait cela ? pourquoi ne m’as-tu pas dit que c’était ta femme ? pourquoi m’as-tu dit que c’était ta sueur, de manière que je pusse la prendre pour femme ? Ainsi, dit-il, la croyant ta sueur, je voulais l’épouser. – Mais comment as-tu su que c’était ma femme ? – Je le sais par Celui-là même qui m’a puni de ma faute. Pourquoi m’as-tu fait cela, et ne m’as-tu pas dit que c’était ta femme, m’exposant à l’épouser moi-même par un crime ? Je m’y disposais, croyant qu’elle était ta sueur. Voyez comme la sévérité du châtiment a ému son esprit au point de le rendre équitable et humain avec le juste ! Mais sans l’action de Dieu qui adoucissait son âme et la remplissait de crainte, il se serait ensuite livré lune colère terrible, il aurait puni le juste comme l’ayant trompé, et lui aurait fait souffrir les plus cruels supplices. Il n’en fut rien : la crainte du châtiment modéra et éteignit sa colère ; et il ne songea qu’à être humain envers le juste. Il réfléchit qu’un homme ordinaire n’aurait pas été aussi protégé d’en haut. Et maintenant voilà ta femme devant toi ; prends-la et pars. Maintenant, dit-il, que je sais qu’elle n’est point ta sœur, mais ton épouse, je te la rends. Je n’ai point déshonoré votre union, je ne t’ai point privé de ta femme, mais la voilà devant toi, emmène-la, et pars.
Quelle intelligence pourrait dignement apprécier ce miracle, et quelle langue serait capable de le raconter ? Une femme d’une éclatante beauté entre chez le roi tout-puissant des Égyptiens ; enflammé de passion pour elle, elle en sort pure et rapporte sa chasteté intacte. Telles sont, comme je le disais d’abord, les œuvres de Dieu, toujours étonnantes et admirables, et quand les hommes croient tout désespéré, c’est alors qu’il montre sa force invincible. N’était-ce pas une chose étonnante et admirable de voir l’homme des désirs entouré, comme d’un cercle de brebis, par des bêtes féroces qui ne lui faisaient aucun mal, et sortant de la fosse sans blessure (Dan. 14) ? de voir les trois jeunes gens séjourner dans la fournaise comme dans un champ ou un jardin, sans souffrir de la flamme, et sortir de là tels que des statues ? (Dan. 3) Il n’était pas moins prodigieux, moins digne d’admiration, de voir la femme du juste renvoyée saine et sauve par le roi d’Égypte, ce despote dissolu. C’était Dieu qui avait tout conduit, Dieu qui peut toujours faire ce qui est impossible et rendre l’espoir à ceux qui désespèrent. Et maintenant, voilà ta femme devant toi, prends-la et pars. Ne pense pas que je t’aie fait injure. Si, dans mon ignorance, j’ai eu des projets coupables, j’ai compris quel défenseur tu avais ; la colère qui m’a frappé m’a prouvé quelle était pour toi la bienveillance du Dieu de l’univers. Reprends donc ton épouse, et va-t’en. Maintenant le juste les faisait trembler ; aussi avaient-ils pour lui une foule de prévenances, afin de se faire pardonner par le Seigneur les torts qu’ils avaient eus envers son protégé.
8. Vous voyez, mes bien-aimés, tout le prix de la patience et de la persévérance. Rappelez-vous, je vous prie, ces mots que disait le patriarche au moment d’entrer en Égypte : Je sais que tu es une belle femme ; quand les Égyptiens te verront, ils me tueront et le garderont. En y réfléchissant, considérez ce qui s’est passé et admirez la patience du juste et la