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les époux sont unis, non seulement dans la tranquillité, mais dans les dangers, même ! c’est la preuve d’une affection légitime et d’une amitié parfaite. Un roi ne tire pas autant d’honneur du diadème qui le couronne, que cette femme bienheureuse ne tira d’éclat et d’illustration de la condescendance qu’elle montra au conseil du juste. Comment ne pas admirer cette obéissance ? comment la louer dignement, lorsque, après une si longue chasteté et à un âge si avancé, elle consent, pour sauver son mari, au projet d’un adultère avec un barbare ? Mais attendez un peu, et vous verrez les ressources de la Providence divine. Dieu n’avait montré tant de patience que pour mieux faire valoir le juste, et apprendre non seulement aux Égyptiens, mais aux peuples de Palestine, combien le patriarche était protégé par le Maître de toutes choses. Il arriva, quand Abram entra en Égypte, que les Égyptiens virent sa femme qui était extrêmement belle ; les officiers de Pharaon la virent aussi, la vantèrent à Pharaon, la menèrent à la demeure de Pharaon, et traitèrent bien Abram à cause d’elle. On lui amena des brebis, des veaux, des ânes, des serviteurs et des servantes, des mulets et des chameaux. Vous voyez se réaliser toutes les prévisions du juste, lorsqu’il entra en Égypte. Les Égyptiens virent que sa femme était extrêmement belle, non pas simplement belle, mais extrêmement, au point d’attirer tous les regards. Les officiers de Pharaon l’ayant vue, la vantèrent devant Pharaon.
Ne laissez point échapper ces paroles, mes bien-aimés, mais admirez qu’aucun égyptien n’ait porté la main sur cette voyageuse étrangère et n’ait offensé son mari, mais qu’ils sont allés prévenir le roi. Du reste, cela eut lieu pour que l’évidence fût plus grande et que la responsabilité ne tombant pas sur le premier venu, mais sur le roi, les conséquences fussent connues partout. Ils la menèrent à la demeure de Pharaon. Ainsi le juste est séparé de sa femme et elle est conduite à Pharaon. Voyez encore la patience de Dieu ! ce n’est pas dès le commencement que sa providence se montre, il laisse aller les choses, et, presque tomber cette femme dans la gueule du monstre, et c’est alors qu’il déploie sa puissance aux yeux de tous. Ils la menèrent à la demeure de Pharaon. Quelles étaient alors les pensées de cette femme ! quel trouble agitait son esprit ! quelle tempête s’élevait en elle ! comment, au lieu de faire naufrage, est-elle restée inébranlable comme un rocher, les yeux tournés vers la puissance céleste ! Mais pourquoi parler de la femme ? Que devait penser le juste quand on la menait chez Pharaon ? Et Abram fut bien traité par eux, puisqu’il passait pour son frère ; on lui amena des brebis, des veaux, des ânes, des serviteurs, des servantes, des chameaux et des mulets. Tous ces cadeaux qu’on lui faisait, tout ce luxe dont on l’honorait, quel incendie ne devaient-ils pas allumer chez lui ? comment son âme n’était-elle pas en feu, son cœur dévoré, quand il songeait à ce que lui valait tous ces présents ? Vous avez vu comment son malheur s’était presque accompli, comment aucune force humaine ne pouvait s’y opposer, comment tout était perdu d’après les prévisions humaines ; enfin, vous avez vu comment la femme était presque dans la gueule du monstre. Eh bien ! voyez maintenant l’inexprimable bonté de Dieu, et admirez toute l’étendue de sa puissance ! Dieu frappa Pharaon ainsi que sa maison, d’afflictions grandes et pénibles, à cause de Sara, la femme d’Abram. Que veut dire ce mot, frappa ? Cela signifie qu’il le punit à cause de son audace et de son intention d’adultère. Il le frappa de grandes afflictions. Il ne frappa point le roi d’une manière ordinaire, mais de grandes afflictions. Comme l’insolence était grande, la peine devait l’être aussi. Ainsi que sa maison, c’est-à-dire que le châtiment du roi s’est étendu sur sa maison. Et pourquoi, lorsque le roi seul fait une faute, toute sa maison partage-t-elle la punition ? Ce n’est pas sans raison, mais pour mettre un frein aux passions du roi. Il lui fallait un châtiment énergique pour le détourner du crime. Mais, direz-vous, comment est-il juste d’en punir d’autres à propos de lui ? C’est que cette punition n’était pas méritée seulement par le roi, mais aussi par ceux qu : l’avaient sans doute engagé et aidé dans cette tentative coupable. Vous avez déjà entendu ces paroles de l’Écriture : Quand les officiers de Pharaon la virent, ils la lui vantèrent et la menèrent dans sa demeure. Vous voyez qu’ils font auprès du roi l’office de pourvoyeurs, a propos de la femme du juste. Par conséquent ce n’est pas le roi seul, mais ceux dont il est entouré, qui ont part à la punition, afin qu’ils apprennent que leurs outrages ne s’adressaient pas simplement à un étranger, au premier venu, mais à un homme chéri de Dieu, qui l’honorait d’une pareille