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famine se fut accrue, Abram se rendit en, Égypte, parce que la famine régnait sur la terre.
4. Remarquez combien se prolongent les courses du juste. Dieu le destinait à servir d’exemple, non seulement aux habitants de la Palestine, mais à ceux de l’Égypte, et à faire resplendir partout l’éclat de sa vertu. C’était pour ainsi dire une lumière inconnue et cachée dans la terre de Chaldée ; il l’en retira pour conduire dans la route de la vérité ceux qui s’étaient arrêtés dans les ténèbres de l’erreur. Mais l’on dira peut-être : Pourquoi ne s’en est-il pas servi pour enseigner la piété par son exemple au peuple de Chaldée ? Il a sans doute pourvu à leur salut d’une autre manière ; du reste, écoutez ces mots du Christ : Un prophète n’est nulle part moins honoré que dans son pays. (Mt. 13,27) Aussi pour remplir la promesse qu’il lui avait faite en lui disant : je glorifierai ton nom, Dieu permit que la famine, survînt et le forçât d’aller en Égypte pour que les habitants de ce pays connussent sa vertu. Car la famine, semblable à un licteur qui emmène un prisonnier enchaîné, les entraîna du désert en Égypte. Mais voyez ce qui va suivre, et dans quelles difficultés le juste est tombé, pour que nous connaissions son courage et la sagesse de sa femme. Comme ils avaient fait beaucoup de chemin et qu’ils étaient, près de l’Égypte, le juste, saisi d’angoisse, et craignant presque pour sa vie, parle à sa femme en tremblant. Comme Abram approchait et qu’il allait entrer en Égypte, il dit à Sara son épouse : Je sais que tu es une belle femme. Quand les Égyptiens te verront, ils diront : c’est son épouse ; ils me tueront et te garderont. Dis-leur donc : je suis sa sœur, pour qu’on me traite bien par égard pour toi et que mon âme vive à cause de toi. Ces paroles vous montrent quelle était l’angoisse et la crainte du juste : cependant ; la réflexion ne lui manquait pas, il ne se troublait pas et ne disait pas hors de lui : Qu’est-ce ? sommes-nous abandonnés, sommes-nous trompés ? La providence du Seigneur nous a-t-elle délaissés ? Celui qui a dit : Je te glorifierai, et je donnerai à ta race toute cette terre, celui-là nous livre-t-il au sort le plus cruel, et nous jette-t-il dans un danger inévitable ? Rien de tout cela n’entra dans l’esprit du juste ; il n’avait d’autre souci que d’imaginer les moyens d’éviter la famine et d’échapper aux mains des Égyptiens. Je sais, dit-il, que tu es une belle femme. Voyez quelle était cette beauté ! Après tant d’années et comme elle touchait à la vieillesse, les grâces de la jeunesse paraissaient encore sur sa figure, malgré tant de fatigues et de peines qu’elle avait supportées en voyage pour visiter tant de pays, de Chaldée à Charran, de Charran à Chanaan, de Chanaan encore ici et là, et enfin en Égypte.
Quel est l’homme même vigoureux que n’auraient pas abattu, ces courses continuelles ? Mais cette femme admirable, après avoir soutenu tant de fatigues, était encore d’une beauté si éclatante que le juste en conçut une grande et vive frayeur ; aussi lui dit-il : Je sais que tu es une belle femme. Quand les Égyptiens te verront ils diront : c’est son épouse, ils me tueront ; et te garderont. Observez la confiance qu’il ; avait dans sa femme, la certitude où il étai qu’elle serait inflexible aux louanges, puisqu’il lui donne ce conseil : pour qu’ils ne me tuent pas afin de te garder, dis-leur donc : je suis sa sœur, pour qu’on me traite bien et que mon âme vive à cause, de toi. Comme cette demande avait quelque chose d’extraordinaire, il voulait, par les paroles qui l’accompagnaient, l’attirer et l’engager à y condescendre, et lui persuader de jouer son rôle de bon cœur. Quand les Égyptiens te verront ils diront : voilà sa femme, ils me tueront et te garderont. Il ne dit pas, ils t’outrageront, il ne veut pas l’effrayer, mais sa crainte était relative à la promesse de Dieu. C’est à ce propos qu’il dit : ils te garderont, dis-leur donc : je suis sa sœur. Imaginez, je vous prie, ce que devait penser le juste en donnant ces conseils à sa femme. Vous savez, en effet, vous savez tous combien il est pénible pour un mari de concevoir sur sa femme un pareil soupçon. Eh bien ! ce juste s’efforce de faire consommer l’adultère. Cependant, mes bien-aimés, ne le condamnez pas témérairement, prenez plutôt une haute idée de sa prudence et de son courage ; il faut du courage, en effet, pour résister avec tant d’énergie au trouble de ses pensées et pour l’avoir dominé, comme il l’a fait, en donnant un pareil conseil. En effet, rien n’est plus insupportable que ce trouble, comme le dit Salomon. La colère du mari est pleine de jalousie, il ne pardonnera pas au jour du jugement, et ne changera sa haine contre aucun présent. (Prov. 6,34-35) ; et encore : La jalousie est cruelle comme l’enfer. (Cant. 8,6)
5. Nous voyons bien-des hommes tellement