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Vous n’avez point, je le pense, oublié cette explication ; aussi puis-je aujourd’hui pour suivre le récit de Moïse. Après avoir dit que la terre était invisible et informe, il nous en donne la raison, en ajoutant que les ténèbres couvraient la face de l’abîme, et que l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux. Mais observez avec quel soin le saint Prophète retranche ici tout détail inutile. Il ne nous raconte point toutes les diverses particularités de la création ; mais parce que le ciel et la terre contiennent tous les éléments, il se contente de les mentionner, et passe les autres sous silence. C’est ainsi que sans décrire la formation des eaux, il dit simplement que les ténèbres couvraient la face de l’abîme, et que l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux. Ainsi les ténèbres et l’abîme couvraient la terre ; et il était nécessaire qu’un sage ouvrier, corrigeant toute cette difformité, pût donner à celle-ci quelque beauté. Or, les ténèbres, dit Moïse, couvraient la face de l’abîme, et l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux ; mais que signifie cette parole l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux ? Il me semble qu’elle nous révèle que les eaux possédaient une vertu efficace et vitale. Elles n’étaient donc point stagnantes et immobiles, mais elles se mouvaient avec une certaine activité. Car tout corps qui repose dans une entière immobilité est complètement inutile, tandis que le mouvement le rend propre à mille usages.
2. C’est pourquoi le saint Prophète dit que l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux, afin de nous apprendre qu’elles possédaient une force énergique et secrète, et ce n’est point sans raison que l’Écriture s’exprime ainsi ; car elle veut nous disposer à croire ce qu’elle nous dira plus tard que les animaux ont été produits de ces eaux par le commandement de Dieu, créateur de l’univers. Aussi Moïse ne se contenta-t-il pas de dire que Dieu créa les eaux, mais il ajoute qu’elles se mouvaient, se répandaient et couvraient l’espace. Lors donc que la terre était encore informe et submergée sous l’abîme, le divin Ouvrier corrigea d’une seule parole cette difformité. Il produisit la lumière, dont l’éclatante beauté dissipa soudain les ténèbres extérieures et illumina l’univers. Car Dieu dit que la lumière soit, et la lumière fut. Il dit, et la lumière parut ; il commanda, et les ténèbres s’enfuirent à la présence de la lumière. Quelle n’est donc point la puissance du Seigneur !
Mais quelques-uns, séduits par l’erreur et l’hérésie, ne font aucune attention à ce contexte de Moïse : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, et la terre était invisible et informe, parce qu’elle était couverte par les ténèbres et les eaux. Car c’est en cet état que Dieu a voulu la créer. Aussi affirment-ils que la matière et les ténèbres préexistaient avant la création. Mais cette folie est-elle pardonnable ? On vous dit qu’au commencement Dieu créa le ciel et la terre, et qu’il tira toutes choses du néant ; et vous soutenez due la matière préexistait ! Le simple bon sens fait justice de cette extravagance. Car le Dieu créateur est-il un homme qui ait eu besoin d’une matière pour exercer son art ? il est le Dieu à qui tout obéit et qui a créé toute chose par sa parole et son commandement. Voyez plutôt : il a dit une seule parole et la lumière a été faite, et les ténèbres se sont retirées.
Et Dieu divisa la lumière d’avec les ténèbres, c’est-à-dire qu’il leur désigna une demeure séparée et qu’il leur fixa un temps spécial et déterminé. Il leur donna ensuite un nom particulier, car Dieu, dit Moïse, appela la lumière, jour, et les ténèbres, nuit. Observez comme une seule parole et un seul commandement réalisent cette heureuse séparation, et opèrent cette œuvre admirable que notre raison ne saurait comprendre ! Voyez encore comme le saint Prophète s’est accommodé à la faiblesse de notre intelligence ! ou plutôt, c’est Dieu lui-même qui a daigné parler par sa bouche, afin d’apprendre aux hommes quel a été l’ordre de la création, quel est l’auteur de l’univers et de quelle manière il a produit toutes les créatures. Le genre humain était encore trop grossier pour comprendre un langage plus élevé. C’est pourquoi Moïse, dont l’Esprit-Saint dirigeait la parole, s’est proportionné à l’infirmité de ses auditeurs ; il leur a donc expliqué toutes choses avec méthode, et, il est si vrai qu’il n’emploie que par condescendance ce tempérament de style et de pensées, que l’Évangéliste, fils du tonnerre, suit une route tout opposée. Il écrivait dans un temps ou les hommes étaient plus avancés dans l’intelligence de la vérité ; aussi les élève-t-il soudain jusqu’aux plus sublimes mystères. Car, après avoir dit : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu, il ajoute : Il était la véritable lumière qui illumine tout homme venant au