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à ta race toute cette terre.
Rappelez-vous avec exactitude les promesses, que Dieu avait faites, et quand vous verrez le juste souffrir des tribulations, quand vous reconnaîtrez l’excès de sa résignation, la solidité de son courage, la force et la fermeté de son amour pour Dieu, vous apprendrez par tout ce qui lui est arrivé à ne jamais penser que Dieu laisse son ouvrage imparfait. Si vous voyez un homme de bien soumis à des tentations ou à quelques autres épreuves de la vie, songez combien les voies de Dieu sont variées, et abandonnez tout à son incompréhensible providence. En effet, s’il a permis que ce juste, qui montrait tant de piété et d’obéissance, ait subi les épreuves que vous allez connaître, ce n’est point qu’il ait dédaigné son serviteur, c’est au contraire pour faire connaître sa vertu à tout le monde ; du reste, il en use ainsi d’ordinaire avec tous les justes, et ceux d’entre vous qui sont versés dans la lecture des saintes Écritures pourront conclure, de tout ce qu’ils y ont déjà trouvé, que c’est là en effet la manière dont Dieu dirige la vie de ses serviteurs : dès lors, ne serait-ce pas la plus extrême injustice de prendre pour un abandon cette conduite de Dieu, et ne faut-il pas plutôt y voir la plus grande preuve de protection et de bonté ? En montrant ainsi l’étendue de sa puissance, il a une double intention ; d’un côté il fait briller à tous les yeux la patience et le courage de ses serviteurs, et de l’autre il fait triompher sa providence dans les circonstances les plus difficiles : quand tout semblé presque désespéré, il arrange tout à sa volonté, et aucun obstacle ne peut lui résister. Le Seigneur Dieu apparut à Abram et lui dit : Je donnerai à ta race toute cette terre. Voilà une grande promesse, et désirable surtout pour le juste. Vous savez que ceux qui sont déjà âgés, et qui ont passé leur vie sans enfants, désirent en avoir. C’est pourquoi le Seigneur lui offrait cette récompense de l’obéissance qu’il avait montrée, lorsque en entendant cette parole : Sors de ton pays, il n’avait pas différé ou retardé, mais il avait obéi à cet ordre en l’exécutant aussitôt ; aussi, quand il eut fait ce qui lui était commandé, Dieu lui dit : Je donnerai à ta race toute cette terre.
3. Voyez comment par cette parole il relève son esprit et compense largement ses fatigues. Aussi le juste montrant sa reconnaissance rend à l’instant des actions de grâce. Il dressa à cet endroit un autel au Dieu qu’il avait vu. Et le lieu même où Dieu avait daigné parler avec lui fut consacré, par ces actions de grâce, autant que cela fut en sa puissance. Voilà pourquoi il dressa un autel, c’est-à-dire il remercia Dieu de ses promesses. De même que souvent les hommes sont portés par leur inclination à bâtir des maisons là où ils trouvent leurs meilleurs voisins, souvent même à fonder des villes et à les nommer sous l’inspiration de leur amitié ; de même ce juste, après avoir été honoré de la vision de Dieu, dressa un autel au Dieu qu’il avait vu, et se retira de là. Pourquoi se retira-t-il de là ? Comme la place était consacrée et sanctifiée par Dieu, il s’éloigna et vint à une autre place. Il partit et vint sur une montagne à l’orient de Béthel, et il y dressa sa tente. Demeure bien fragile, direz-vous ! Voyez comme il évitait le luxe et l’embarras, comme il se transportait facilement avec sa femme et ses serviteurs ! Écoutez, hommes et femmes ! Souvent, quand nous voulons aller à la campagne, nous faisons mille préparatifs, nous avons une foule d’embarras, parce que nous traînons une quantité de choses qui ne servent à rien, qui sont superflues et inutiles, qui ne satisfont que nos caprices, et que néanmoins il faut porter et remporter avec nous. Telle ne fut pas la conduite de ce juste. Que fit-il ? Après avoir été honoré de l’entretien de Dieu, avoir consacré la place et bâti l’autel, il passa ailleurs sans difficulté. Il dressa là sa tente ayant à l’occident Béthel prés de la mer, et Aggi à l’orient ; et il bâtit là aussi un autel au Seigneur et il invoqua le nom du Seigneur.
Voyez comme il montre sa piété dans toute sa conduite ! Dans un endroit il, bâtit un autel à Dieu qui lui avait fait une promesse, et il quitte la placé après l’avoir consacrée. Ailleurs, après avoir dressé sa tente, de nouveau il bâtit un autel au Seigneur et invoque le nom du Seigneur. Voyez quelle sagesse ! voyez ce précepte écrit par le docteur de l’univers, par saint Paul : Levant au ciel en tous lieux leurs saintes mains, voyez comme le patriarche l’avait accompli d’avance en dressant à chaque place un autel pour rendre grâce au Seigneur. Il savait, en effet, il savait d’une manière certaine que le Dieu de toutes choses ne demande rien à la nature humaine, pour tant de grâces ineffables, qu’un cœur reconnaissant et qui sache le remercier hautement de ses bienfaits. Mais voyons aussi comment le juste quitte encore ce séjour. Abram s’en alla et dressa son camp dans le désert. Voyez de nouveau sa piété et sa grande résignation. Il quitta encore cet endroit et dressa son camp dans le désert. Pourquoi cet autre départ ? Peut-être voyait-il que sa présence déplaisait à quelques habitants. S’il alla au désert, il montra ainsi l’excès de sa douceur et l’importance qu’il attachait à vivre en repos sans avoir rien à démêler avec personne. Il partit et dressa son camp dans le désert. Voilà un étrange usage que la divine Écriture fait de ce mot, car elle parle du juste comme s’il s’agissait d’un chef d’armée ; mais cette expression de camp montre que le juste était aussi à son aise dans ses mouvements que les soldats qui vont sans peine d’un lieu à un autre. Ainsi ce juste, quoiqu’il emmenât avec lui sa femme, son neveu et une foule de serviteurs, n’avait aucune peine à se déplacer. Avez-vous remarqué l’existence simple et facile de ce vieillard avec sa femme et tant de serviteurs ? Pour moi j’admire encore plus le courage de la femme. Quand je songe à la faiblesse naturelle à la femme et que je réfléchis à la facilité avec laquelle celle-ci aide son mari dans ses déplacements, sans l’impatienter, sans le gêner, je suis stupéfait et je crois qu’elle n’a pas eu moins de raison et de courage que lui-même. Nous le verrons encore mieux en continuant notre lecture. Vous avez vu qu’après avoir entendu ces mots : Je donnerai à ta race toute cette terre, le juste ne s’est pas reposé, et est allé sans cesse d’un endroit à un autre. Mais voyez comment il est encore chassé du désert, non plus par les hommes, mais par la contrainte de la famine. Il y eut une famine sur la terre. J’appelle là-dessus l’attention de ceux qui parlent au hasard, qui augurent étourdiment et qui disent : un tel est arrivé, la disette est venue ; un tel était là, il est survenu des accidents. Vous voyez qu’à l’arrivée de ce juste, il se manifeste une disette, et une forte disette ; cependant le juste n’est pas tourmenté, n’a rien à souffrir de la part des hommes, et personne n’attribue la famine à sa présence. Mais quand il manqua de provisions et que cette