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Cependant l’Écriture dit : Et Loth partit avec lui. Pourquoi, lorsque Dieu lui avait dit Quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père, Abram a-t-il emmené Loth ? Ce n’est pas qu’il ait désobéi au Seigneur, mais c’est peut-être qu’il servait de père à Loth qui était encore jeune, et que celui-ci, d’un caractère doux et aimant, avait peine à quitter le juste, qui, par cette raison, n’eut pas le courage de s’en séparer. Du reste, il le traita comme son fils, n’ayant pu avoir, jusqu’à cet âge avancé, aucun enfant à cause de la stérilité de Sara. D’ailleurs les mœurs du jeune homme se rapprochaient des vertus du juste. En effet, ayant à choisir entre deux frères, il s’était attaché au juste : combien ne lui fallait-il pas de prudence pour juger et apprécier celui de ses oncles auquel il devait se fier ? Le parti qu’il prit de voyager fut donc une preuve de ses bonnes qualités. Si plus tard il ne sembla pas toujours irréprochable, du moins lorsqu’il eut à choisir, il s’efforça de suivre les traces du juste. Aussi quand le juste le choisit pour compagnon de voyage, il accepta avec ardeur, préférant, au séjour de la maison, les courses lointaines.
Ensuite, pour nous faire savoir que le patriarche n’était plus jeune quand Dieu lui commanda ces voyages, mais qu’il était dans un âge avancé où les hommes craignent d’ordinaire ces fatigues, il est dit : Abram avait soixante-quinze ans quand il sortit de Charran. Vous voyez que l’âge ne lui a pas fait obstacle, non plus qu’aucune des raisons qui auraient pu le retenir chez lui, mais son amour pour Dieu a triomphé de tout. L’âme vigilante et prévoyante brise toutes les entraves, se donne tout entière au Dieu qu’elle aime et ne se laisse retarder par aucun des obstacles qu’elle rencontre : elle franchit tout et ne s’arrête que lorsqu’elle est arrivée au but de ses désirs. Voilà pourquoi ce juste, que la vieillesse et d’autres raisons auraient pu empêcher de partir, rompant tous ses liens, comme s’il avait été jeune et vigoureux, comme s’il n’avait pas rencontré d’obstacles, s’empressait et se hâtait d’accomplir l’ordre du Seigneur. D’ailleurs il est toujours impossible de réussir dans une entreprise qui demande du courage et de l’énergie, sans se préparer et s’armer contre tout ce qui peut s’y opposer. Connaissant cette vérité, ce juste surmonta tout, et, sans songer à ses habitudes, à sa famille, à la maison ni au tombeau de son père, non plus qu’à sa propre vieillesse, il attacha uniquement sou esprit à l’accomplissement des œuvres de Dieu. Et l’on put voir une chose vraiment merveilleuse un homme d’une vieillesse extrême avec sa femme, elle-même fort avancée en âge, et toute leur suite, voyageant sans connaître le terme de leur course vagabonde. Il faut réfléchir aussi combien les routes étaient alors difficiles ; on ne pouvait pas alors, comme aujourd’hui ; se joindre sans crainte à d’autres personnes pour circuler librement ; chaque pays se gouvernait à part, et les voyageurs forcés de passer d’un prince à un autre se trouvaient presque chaque jour dans un nouveau royaume. Tout cela aurait suffi pour arrêter le juste, si son amour et son désir de l’obéissance n’avaient été plus forts. Mais lui, ayant brisé ces obstacles comme des toiles d’araignée et raffermi son âme par sa foi, se mit en chemin. Abram prit Sara, son épouse, et Loth, fils de soja frère, avec tout ce qu’ils possédaient à Charran, et partit pour se rendre dans la terre de Chanaan.
6. Voyez combien l’Écriture est précise, comme elle nous dit tout ce qui peut faire ressortir la piété du juste. Il prit Sara son épouse et Loth, fils de son frère, ainsi que tout ce qu’ils possédaient à Charran. Ce n’est pas sans intention que l’Écriture dit : tout ce qu’ils possédaient à Charran ; elle veut nous apprendre que le patriarche n’a rien pris des biens de Chaldée, qu’il a laissé à son frère tous les biens paternels situés en ce pays, et qu’il n’a emporté avec lui que ce qu’il possédait à Charran. Et même, si cet homme admirable les emportait, ce n’était point par intérêt ni par avarice ; mais pour que sa richesse pût faire voir partout combien Dieu le protégeait. Car celui qui l’avait tiré de la terre des Chaldéens, et lui ordonnait un nouveau voyage, augmentait ses biens chaque jour et le préservait de toute peine ; aussi, était-ce encore une preuve de sa piété de le voir faire une si longue route avec un si grand équipage. Tous ceux qui le voyaient se demandaient avec raison pourquoi ce juste voyageait. Puis en apprenant que l’ordre de Dieu lui faisait changer de pays et quitter ses propriétés, on jugeait par sa conduite même combien l’obéissance de ce juste prouvait de piété et combien Dieu le protégeait : Il partit pour se rendre dans la terre de Chanaan. Comment savait-il que la terre de Chanaan devait être le terme de son voyage, quoique l’ordre