Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

leurs efforts, il commence par expliquer sa conduite ; il montre du doigt, pour ainsi dire, la grandeur de leur faute et l’excès de leur folie, il fait voir qu’ils ont abusé de cette communauté de langage. Cette race, dit-il, n’a qu’une langue. Ils ont commencé cette œuvre et ne cesseront pas de travailler à leur entreprise. C’est, en effet, l’usage de Dieu, quand il s’apprête à punir, de faire ressortir d’abord la grandeur des péchés, afin d’expliquer sa conduite, avant de corriger les coupables. À l’époque du déluge, alors qu’il faisait cette terrible menace, l’Écriture dit : Le Seigneur Dieu voyant que les vices des hommes se sont multipliés et que chacun, depuis sa jeunesse ; ne nourrit dans son cœur que des idées perverses. (Gen. 6,5) Voyez-vous comme il commence par montrer l’excès de leurs vices ? et il dit ensuite : Je détruirai l’homme ; et maintenant : Cette race n’a qu’une langue, la même pour tous, et ils ont commencé cette œuvre. Puisque cet accord, qui provient de l’unité de leur langage, les a conduits à une pareille folie, ne les conduirait-il pas plus tard à des, actions encore plus coupables ? Ils ne cesseront pas de travailler à leur entreprise ; rien ne pourra arrêter leur élan et leur ardeur, mais ils s’empresseront de faire tout ce qu’ils ont résolu, si le châtiment ne les arrête à l’instant. On peut voir que Dieu a agi de même avec le premier homme ; car au moment de le chasser du paradis, il dit : Qui t’a fait savoir que tu étais nu ? (Gen. 3,2) ; et plus loin il ajoute : Adam est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal. Et maintenant, il ne faut pas qu’il étende la main, qu’il prenne le fruit de l’arbre de vie et qu’il le mange pour vivre perpétuellement. Et le Seigneur Dieu le renvoya du paradis. (Gen. 3, 22-23) Maintenant il dit : Cette race n’a qu’une langue, là même pour tous : ils ont commencé cette œuvre et ne cesseront pas de travailler à leur entreprise. Venez donc, descendons, et confondons leur langage, pour que personne ne comprenne son voisin.
Voyez encore dans ces paroles la condescendance de Dieu pour notre nature. Venez et descendons. Que veulent dire ces mots ? Dieu a-t-il besoin d’un aide pour corriger ou d’un secours pour punir ? Non certes ! Mais, de même que l’Écriture a déjà dit : Le Seigneur est descendu, nous indiquant par là qu’il avait examiné à fond l’excès de leur perversité, elle nous dit maintenant : Venez et descendons, paroles tout à fait dites comme à des égaux : Venez, dit-il, et descendons pour confondre leur langage, afin que personne ne comprenne son voisin. Je leur inflige, dit-il, une punition, qui, monument éternel de leur folie, durera perpétuellement, pour qu’aucun siècle ne puisse l’oublier. Car, puisqu’ils ont abusé de l’unité de langage, ils seront punis parla diversité des langages. C’est ainsi qu’agit constamment le Seigneur. Il l’a fait dès l’origine à l’égard de la femme, elle abusait des dons qu’elle avait reçus ; il la soumit à son mari. Il en fut de même pour Adam ; comme il n’avait pas profité de son bonheur parfait et du séjour du paradis, mais qu’il avait mérité d’être puni pour sa désobéissance, Dieu le chassa du paradis, et lui infligea une punition perpétuelle, en lui disant : La terre te produira des épines et des chardons. (Gen. 3,18) De même ces hommes qui jouissaient de l’unité de langage ayant fait un mauvais usage de ce don qu’ils avaient reçu, Dieu punit leur méchanceté par la diversité des idiomes. Confondons, dit-il, leur langage, afin que personne ne comprenne son voisin, afin que ces hommes, réunis tait que leur langage était le même, soient séparés quand il sera différent. Car ceux qui n’ont pas le même idiome et le même dialecte, comment pourraient-ils vivre ensemble ? Le Seigneur-Dieu les dispersa de cet endroit sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville et la tour.
Vous voyez que Dieu, dans sa bonté, se borna, à les rendre incapables de persévérer ; ils res semblaient alors à des insensés. L’un demandait une chose à son voisin, qui lui en donnait une autre, et tous leurs efforts n’aboutissaient à rien. Aussi, ils cessèrent de bâtir la ville et la tour ; c’est pourquoi on l’appela confusion, parce que c’était là que Dieu avait confondu les langues de la terre. De là le Seigneur Dieu les dispersa sur, toute la terre. Voyez comme tout a été fait pour que le souvenir en soit éternel. D’abord, la division des langues avait été pronostiquée à l’avance par un nom, celui de Phalec, qu’Héber avait donné à son fils, et qui signifie séparation. Ensuite l’emplacement même fut appelé confusion, ce qui correspond à Babylone. Enfin Héber lui-même conserva l’ancien langage pour que ce fût encore une preuve évidente de la division. Vous voyez de combien de manières Dieu a pourvu à ce que le souvenir