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Sa justice demeure éternellement. Il a distribué ses richesses en un jour, mais sa justice demeure dans l’éternité et rend sa gloire immortelle.
3. Vous avez vu quel est ce souvenir qui s’étend jusqu’à l’éternité, ce souvenir qui procure des biens immenses et inépuisables. Cherchons donc à nous éterniser par des travaux de cette nature ; car les travaux de pierres entassées non seulement ne peuvent nous profiter, mais élèveront la voix contre nous comme un monument d’infamie. Nous partons en emportant tous les péchés dont tous ces édifices ont été l’occasion pour nous ; mais quant aux édifices eux-mêmes, nous les laissons, et nous n’avons même pas la frivole et inutile consolation d’y laisser notre nom, nous n’en retirons que des accusations, et bientôt on les appellera du nom d’un autre. En effet, c’est ce qui arrive : une propriété passe d’un premier maître à un second, puis d’un second à tin troisième. Aujourd’hui la maison porte un nom, demain elle en porte un autre, le jour suivant un autre encore. Nous nous trompons volontairement croyant avoir une propriété tandis que ce n’est qu’un usufruit et que, bon gré, mal gré, il faudra le laisser à d’autres. Ce ne sera pas toujours à ceux que nous aurions choisis, mais je n’insiste pas là-dessus. Mais si vous avez une telle passion de célébrité, si vous attachez tant de prix au souvenir, voyez celui que les veuves avaient gardé de Tabitha, comment elles entouraient Pierre en pleurant et en montrant les tuniques et les robes que cette Dorcas leur avait faites quand elle vivait parmi elles. Après qu’elles eurent entouré Pierre en pleurant à chaudes larmes, en se rappelant la nourriture et les secours qu’elles recevaient, Pierre les fit sortir toutes, se mit à genoux et pria ; après l’avoir ressuscitée il rappela les saints et les veuves et la leur présenta vivante. (Act. 9,39, 41) Si donc vous voulez que votre souvenir demeure ; si vous aimez la véritable gloire, imitez cette femme. Laissez des monuments semblables, non pas construits avec des matériaux achetés à grands frais, mais en déployant toute votre charité envers vos semblables. C’est là une mémoire digne d’éloges et véritablement profitable !
Mais revenons à notre sujet et voyons toute (audace des hommes de ce temps. Si nous voulons y bien regarder, leurs passions seront un enseignement pour vous. Bâtissons-nous, disent-ils, une ville et une tour dont la tête monte jusqu’au ciel, afin de nous faire un nom avant d’être dispersés sur la terre. Voyez-vous comme ils montrent toute la corruption de leur âme. Bâtissons-nous une ville et faisons-nous un nom. Mais voyez qu’après une extermination aussi épouvantable les hommes n’en ont pas moins de vices. Qu’arrivera-t-il ? Comment seront-ils punis de leur extravagance ? Dieu a promis que, fidèle à sa bonté, il ne ferait plus de déluge ; mais les hommes ne se sont point corrigés par les châtiments, ni rendus meilleurs par les bienfaits.
Écoutez la suite pour connaître l’ineffable miséricorde de Dieu. Le Seigneur Dieu descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Voyez comme l’Écriture s’exprime au point de vue humain. Le Seigneur Dieu descendit. Ne comprenons point cela d’une manière purement humaine, mais comme une leçon, pour nous montrer qu’il ne faut jamais condamner légèrement ses frères et qu’il ne faut point juger seulement sur des propos vagues, mais s’assurer par des preuves certaines. Telle est toujours l’intention de Dieu, et c’est pour instruire le genre humain qu’il s’abaisse jusque notre langage. Et le Seigneur Dieu descendit pour voir la ville et la tour. Vous voyez qu’il ne réprime pas leur folie dès l’abord, il fait preuve d’une grande patience et attend que toute leur perversité se soit montrée dans leur œuvre avant de s’opposer à leurs efforts. Afin qu’on ne puisse pas dire que tout était resté en projet dans leur esprit, mais qu’ils n’avaient rien entrepris, Dieu attend qu’ils aient en effet commencé leur ouvrage, pour montrer combien leur tentative était insensée. Et le Seigneur Dieu descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Voyez l’excès de sa miséricorde ! s’il les a laissés travailler et se fatiguer, c’était afin que l’expérience fût pour eux une instruction suffisante. Mais quand il vit que leur malice augmentait et que le mal gagnait toujours, il montra encore sa bonté en les empêchant de continuer, de même qu’un bon médecin, quand il voit le mal s’accroître et la plaie devenir incurable a recours à l’amputation pour enlever la cause de la maladie. Et le Seigneur Dieu dit : Celle race n’a qu’une langue, la même pour tous. (c’est-à-dire le même langage, le même idiome) Ils ont commencé cette œuvre et ne cesseront pas de travailler à leur entreprise.
4. Remarquez la bonté de Dieu voulant arrêter