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ont le plus de soin et d’attention de ne pas choquer une pierre ou un écueil, et perdre ainsi le fruit de leurs peines passées. C’est aussi ce que font les coureurs ; quand ils arrivent au bout de l’arène, ils pressent leur course pour toucher le but et mériter le prix. Les athlètes encore, après bien des combats et des victoires, lorsqu’il faut disputer la couronne, cherchent à l’obtenir en redoublant leurs efforts. Ainsi, de même que les matelots, les coureurs, les athlètes, en approchant du terme, sont de plus en plus actifs et vigilants ; de même devons-nous faire, puisque nous sommes arrivés, grâce à Dieu, dans cette sainte semaine où nous devons jeûner avec plus de rigueur, prier avec plus de ferveur, faire des confessions plus sincères et plus complètes de nos péchés, et redoubler de bonnes œuvres, larges aumônes, justice, douceur et toutes les autres vertus, afin qu’avec de pareils soutiens, quand nous serons arrivés au dimanche de Pâques, nous jouissions de la libéralité du Seigneur. Nous disons que c’est là une grande semaine, non pas que les heures y soient plus longues, car il y en a où les heures de jour sont bien plus grandes ; ce n’est pas qu’elle ait plus de jours que les autres, car elles en ont toutes le même nombre. Pourquoi donc l’appelons-nous grande ? Parce que c’est celle où nous sont arrivés des biens grands et inexprimables. C’est dans cette semaine qu’on a vu cesser la guerre qui avait duré si longtemps, mourir la mort, lever la malédiction, briser la tyrannie du démon et enlever ses armes, réconcilier Dieu avec les hommes, ouvrir les portes du ciel, réunir les hommes aux anges ; rapprocher ce qui était séparé, supprimer la haie, écarter la barrière et s’étendre la paix de Dieu sur toutes les choses du ciel et de la terre. Voilà pourquoi nous l’appelons la grande semaine, puisque c’est celle où le Seigneur nous a accordé tant et de si grands bienfaits. Voilà pourquoi tant de fidèles redoublent alors les jeûnes, les veilles, les méditations nocturnes et les aumônes, afin de montrer le respect qu’ils doivent à cette semaine. Car, puisque c’est celle où le Seigneur nous a fait des dons si précieux, ne devons-nous pas, autant qu’il est en notre pouvoir, lui témoigner notre hommage et notre respect ?
Aussi les empereurs eux-mêmes montrent par leurs ordonnances quelle vénération doit s’attacher à ces jours, puisqu’ils décident qu’il y a congé et vacances pour tous les offices civils, que les portes des tribunaux sont fermées et que l’on écarte toute apparence de procès et de discussions pour que l’on puisse s’occuper tranquillement et en repos de ses affaires spirituelles. Outre cela, ils donnent encore une preuve de générosité en délivrant les prisonniers de leurs chaînes, et en imitant ainsi Dieu autant que la puissance humaine le comporte. De même, en effet, que Dieu nous délivre de la cruelle prison de nos péchés et nous comble de biens innombrables ; de même nous devons nous efforcer, autant qu’il est en nous, d’imiter la miséricorde de Dieu Notre-Seigneur. Vous voyez donc que chacun de nous, suivant sa position, rend l’honneur et le respect qu’il doit à ces jours où nous avons reçu tant de bienfaits. Aussi je vous prie plus que jamais de repousser toutes les idées temporelles et de ne venir ici qu’après en avoir avec soin débarrassé votre esprit. Que personne n’apporte dans l’église ses préoccupations temporelles, afin de pouvoir remporter au logis la digne récompense de ses peines. Je vous ai donc préparé notre banquet accoutumé ; le festin que j’offre à votre charité est emprunté à la lecture que vous avez entendue d’un passage du bienheureux Moïse : je vais vous l’expliquer en vous signalant toute la précision de l’Écriture sainte. Après avoir terminé l’histoire du bienheureux Noé, elle expose de même la généalogie de Sem, et dit : Et des fils naquirent à Sem, le père de tous les enfants d’Héber et le frère de Japhet, l’aîné des fils. Après en avoir donné la liste, elle dit : Deux fils naquirent à Héber ; le nom de l’un d’eux fut Phalec, car de soie temps la terre fut divisée. Voyez comme elle fait pressentir par le nom de cet enfant le miracle qui doit bientôt survenir, afin qu’on ne s’étonne point de le voir s’accomplir ensuite, puisqu’il était prédit par le nom de l’enfant. Car après avoir ainsi fait la liste de ceux qui sont nés ensuite, elle dit : Toute la terre avait une même langue et une même parole. Ce n’est point de la terre qu’elle parle, mais du genre humain, pour nous apprendre que la race humaine ne parlait d’abord qu’un seul langage. Et toute la terre n’avait qu’une même langue et une même parole. Ici langue signifie idiome, et le mot parole veut dire la même chose : voilà ce qu’elle entend par l’usage d’une même langue et d’une même parole. Pour voir que le mot langue signifie langage, écoutez cet autre passage de l’Écriture :