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peut supporter. Remarquez, en effet, comment, dans l’intérieur de la maison, voyant une chose honteuse, tandis qu’il aurait dû la cacher, il sort, il l’ébruite, il expose aux railleries, aux moqueries, son père, autant que cela dépendait de lui ; comme il veut rendre ses frères les complices de sa détestable pensée. S’il devait, à toute force, faire un récit, il aurait dû, au moins, les appeler à l’intérieur, leur parler en secret de cette nudité ; mais non : il sort, il révèle cette nudité, et, s’il s’était rencontré là une foule d’étrangers, il les aurait, eux aussi, rendus les témoins de la honte de son père. Delà, ces paroles du texte : Tout ce que lui avait fait, c’est-à-dire l’outrage qu’il avait fait à son père, l’oubli qu’il avait montré du respect que les enfants doivent à leurs parents. Il a divulgué les fautes, il a voulu associer ses frères à cet outrage. Tout ce que lui avait fait son plus jeune fils. Toutefois, ce n’était pas le plus jeune ; car il était le second, l’aîné de Japhet ; mais quoi qu’il fût, l’aîné pour Japhet, la corruption de son âme le mit après lui ; la pétulance de ses passions le fit déchoir ; pour n’avoir pas voulu se tenir dans les bornes prescrites, il perdit l’honneur qu’il devait à la nature ; et, de même que ce méchant, par la corruption de sa volonté, perdit ce qu’il tenait de la nature, Japhet acquit, par sa sagesse supérieure, ce que la nature ne lui avait pas donné.
7. Voyez-vous comme il est impossible de rien découvrir, dans la divine Écriture, qui soit mis au hasard et sans une secrète pensée ? Ce que lui avait fait, dit le texte ; son, plus jeune fils. Et il dit : Que Chanaan soit maudit, qu’il soit l’esclave de ses frères. (Gen. 9,25) Nous voici parvenus à cette question soulevée partout ; sans cesse, en effet, nous entendons dire : pourquoi, quand c’est le père qui s’est rendu coupable, qui a révélé la nudité, est-ce le fils qui reçoit la malédiction ? Prêtez-moi, je vous en prie, toute votre attention, et recevez l’explication qu’il vous faut. Nous vous dirons ce que nous aura suggéré la divine grâce, pour votre utilité. Et il dit : Que Chanaan soit maudit, qu’il soit l’esclave de ses frères. Ce n’est pas sans raison, ce n’est pas inutilement, que le texte nomme ici le fils de Cham ; il y a une pensée cachée. Noé voulait à la fois punir Cham de sa faute, de l’outrage qu’il en avait reçu, et, en même temps, il ne voulait pas affaiblir la bénédiction que Dieu lui avait autrefois donnée. Dieu bénit, dit l’Écriture, Noé quand il sortit de l’arche, et ses fils avec lui. (Gen. 9,1) Donc Noé ne voulut pas maudire celui que Dieu avait une fois béni ; il ne s’arrête donc pas à celui qui lui a fait l’outrage, c’est sur le fils de Cham qu’il fait retomber la malédiction. Soit, dira-t-on, cela montre que Cham n’a pas été maudit, parce qu’il avait reçu auparavant la bénédiction de Dieu. Mais pourquoi, quand c’est Cham qui a péché, est-ce Chanaan qui est puni ? Eh bien ! cela même n’a pas été fait sans raison ; car le père n’a pas subi un moindre châtiment que son fils, et il a senti toute la rigueur du châtiment. Vous n’ignorez pas, en effet, vous savez parfaitement combien de fois les pères ont demandé d’être punis, eux-mêmes, à la place de leurs fils. Il est plus triste pour eux de voir leurs fils soumis au châtiment, que de le subir eux-mêmes. Voici donc ce qui est arrivé ; c’est que, par suite de l’amour naturel que Cham éprouvait pour son fils, il a senti une douleur plus cruelle ; c’est que la bénédiction de Dieu est restée intacte, et que le fils, qui a reçu la malédiction, a expié par là ses propres péchés. Car, bien qu’il encoure actuellement la malédiction pour le péché de son père, encore est-il vraisemblable que c’est en même temps pour ses propres fautes qu’il a été puni. Ce n’est pas seulement à cause du péché de son père qu’il a reçu la malédiction, mais probablement c’est parce que lui-même méritait un plus grand châtiment. Car, en ce qui concerne ce principe que les pères ne sont pas punis pour les fils, ni les fils pour les pères, que chacun n’est puni que pour ses propres fautes, c’est ce que vous trouverez en mille endroits des prophètes. Si quelqu’un mange des raisins verts, il en aura lui seul les dents agacées (Jer. 21,39) ; l’âme qui a péché mourra elle-même (Ez. 18,20) ; et encore : On ne fera point mourir les pères pour les enfants, ni les enfants pour les pères. (Deut. 24,16) Donc, que personne parmi vous, je vous en prie, n’ose censurer ce que l’Écriture nous dit aujourd’hui, comme s’il était permis d’ignorer le but que se propose la divine Écriture ; accueillez Avec de bonnes dispositions ce que dit la parole ; admirez l’exactitude merveilleuse de la divine Écriture, considérez l’énormité du péché. Car, voici ce que le péché a fait d’un frère né de la même mère, sorti des mêmes flancs ; le péché en a fait un esclave ; il lui a enlevé la liberté ; il l’a assujetti,