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ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. (Ez. 18,23) Et, dit le texte, ils ne virent pas la nudité de leur père. Voyez comme la loi naturelle leur a suffi, tout d’abord, dès le commencement, pour accomplir les prescriptions consignées plus tard dans la législation écrite pour l’enseignement de la race humaine ; pour accomplir cette prescription de la loi : Honorez votre père et votre mère, afin que vous soyez heureux (Ex. 20,12) ; et : Celui qui aura maudit son père ou sa mère, sera puni de mort. (Id. 21,17) Voyez-vous que la loi naturelle a tout d’abord été suffisante ?
6. Noé reprit ses sens, dit le texte, après cet assoupissement causé par le vin, et apprit tout ce que lui avait fait son plus jeune fils. (Gen. 9,24) Noé reprit ses sens, dit le texte ; qu’ils entendent ces paroles, ceux qui passent les jours entiers dans les festins ; qu’ils considèrent la gravité de leur faute ; qu’ils apprennent à échapper à la pernicieuse ivresse. Noé reprit ses sens, dit le texte. Qu’est-ce à dire ? C’est l’expression que nous employons d’ordinaire quand ceux qui étaient dans le délire reviennent à eux. Noé ; après avoir été surpris par le démon, reprit ses sens, et s’affranchit de sa tyrannie, c’est ce que dit ici l’Écriture ; car, sachons-le bien, l’ivresse est un démon volontaire, qui obscurcit l’âme de ténèbres plus épaisses que ne le fait le démon, et qui rend son captif indigne de toute pitié. Souvent, en effet, à la vue d’un démoniaque, nous sommes saisis de pitié, de compassion ; nous aimons à lui montrer combien nous plaignons son malheur ; nous n’agissons pas de même avec ceux que nous voyons ivres ; ils provoquent notre indignation, notre dégoût, qui les repousse ; nous les chargeons d’imprécations. Quelle en est la cause, pourquoi ? c’est que le démoniaque fait ce qu’il ne veut pas faire, et il a beau se démener, déchirer ses vêtements, prononcer des paroles honteuses, on lui pardonne ; quant à l’homme ivre, quoi qu’il fasse, on ne l’excuse pas : serviteurs, amis, voisins, tous l’accablent de reproches ; c’est qu’il se livre, de lui-même, volontairement, à cette ignominie ; c’est qu’il s’abandonne, parce qu’il se trahit lui-même, à la tyrannie de l’ivresse. Et ce que je dis, ce n’est pas pour accuser cet homme juste. Grand nombre de circonstances se réunissaient pour atténuer sa faute : et d’abord, on ne l’y a pas vu retomber depuis, preuve certaine qu’il pécha faute de savoir, et non par indolence. En effet, s’il fallait attribuer sa faute à la négligence, il se serait plus tard laissé surprendre de nouveau par la même passion ; mais c’est ce qui n’est pas arrivé. S’il, se fût rendu coupable de la même faute, une seconde fois, l’Écriture ne l’aurait point passé sous silence, elle nous l’aurait fait connaître ; car l’Écriture n’a qu’une pensée, n’a qu’un but, c’est de nous apprendre tout ce qui est arrivé, afin que nous connaissions la vérité. On ne la voit pas, par un sentiment d’envie, négliger les vertus des justes, ni avec une com plaisance partiale, couvrir d’une ombre les fautes des pécheurs ; elle expose tout devant nos yeux, afin que nous ayons une règle, une doctrine ; afin que, nous aussi, quand nous nous serons laissé surprendre, par suite de notre, négligence, nous devenions plus circonspects, de manière à éviter les rechutes. Car le péché n’est pas aussi grave que la persistance dans le péché. C’est pourquoi, ne vous bornez pas à remarquer que ce juste s’est enivré, remarquez avant tout que ; plus tard, il ne lui arriva rien de semblable. Considérez ceux qui, chaque jour, dépensent leur vie dans les cabarets ; qui, chaque jour ; pour ainsi dire, y meurent ; quand ils reprennent leurs sens, ce n’est pas pour eux une raison de fuir le fléau de l’ivresse, ils y retournent, comme à une occupation qu’ils continuent avec un courage viril. Il faut considérer encore que ce juste, qui d’ailleurs ne s’est enivré que faute d’expérience, parce qu’il ignorait la mesure ; c’était, après tout, un juste, riche en bonnes œuvres, qui pouvait par conséquent couvrir et racheter l’accident de cette faute ; mais nous, qui subissons les ravages de tant d’autres passions, si nous ajoutons l’ivresse à tous nos excès, quelle sera notre excuse ? Qui daignera, répondez-moi, je vous en prie ; nous pardonner, à nous, que ne corrige aucune expérience ? Noé reprit ses sens, dit le texte, après cet assoupissement causé par le vin, et apprit tout ce que lui avait fait son plus jeune fils. D’où l’apprit-il ? Sans doute, ce furent les frères qui le dirent, non pour accuser leur frère, mais pour apprendre la chose comme elle s’était passée, afin que le coupable reçût le remède que réclamait sa blessure. Et il apprit, dit le texte, tout ce que lui avait fait son plus jeune fils. Qu’est-ce à dire, tout ce que lui avait fait ? Cela veut dire une faute si grave qu’elle ne se