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père de Chanaan ; vit la nudité de son père et il sortit, et il l’annonça à ses deux frères, dehors. Peut-être, si d’autres hommes s’étaient trouvés là, il leur aurait annoncé aussi la honte de son père ; telle était la perversité de ce fils. C’est pour vous apprendre qu’il était corrompu depuis longtemps, que l’Écriture ne se borne pas à dire : Cham vit la nudité de son père ; mais que dit-elle ? Et Cham, père de Chanaan, vit. Pourquoi, dites-moi, dans ce passage, nomme-t-elle son fils ? C’est pour nous apprendre qu’avec la même intempérance, la même incontinence qui l’avait porté, à l’heure de l’épouvantable bouleversement du monde, à procréer sa postérité, il courut faire outrage à son père : et il sortit, dit le texte, et il l’annonça à ses deux frères, dehors. Voyez, ici, je vous en prie, mes bien-aimés, considérez que les vices ne sont pas dans notre nature, mais dans notre pensée libre, dans notre volonté. En effet, ces trois frères avaient même père, étaient sortis des mêmes flancs ; les mêmes soins avaient entouré leur éducation, mais ils ne montrèrent pas le même cœur ; celui-ci tomba dans le péché, les autres rendirent à leur père l’honneur qui lui était dû. Peut-être ce Cham exagéra-t-il par ses railleries la honte de son père, en la révélant ; il n’entendit pas la parole du Sage : Ne vous glorifiez pas de la honte de votre père. (Eccl. 3,12) Mais ses frères ne se conduisirent pas de même ; et comment ? Quand ils eurent entendu ces paroles, Sem et Japhet, ayant étendu un manteau sur leurs épaules, marchèrent en arrière et couvrirent la nudité de leur père, et ils ne détournèrent pas leur visage, et ils ne virent pas la nudité de leur père. Voyez-vous l’honnêteté de ces deux fils ? Ce que l’autre a divulgué, ceux-ci n’osent pas même le regarder ; ils marchaient en arrière, pour couvrir tout de suite la nudité de leur père. Voyez, en même temps, avec leur honnêteté, leur douceur ! ils ne grondent pas, ils ne battent pas leur frère ; mais, à peine l’ont-ils entendu, qu’ils prennent le soin, tous les deux à la fois, de corriger ce qu’ils, regrettent, et de prouver leur respect à leur père : et ils ne détournèrent pas leur visage, et ils ne virent pas la nudité de leur père. C’est une preuve du profond respect de ces fils, que l’Écriture nous fait voir ; non seulement ils recouvrent, mais ils n’osent pas regarder. Instruisons-nous, par cet exemple, et sachons-en, tirer une double utilité. Imitons les uns ; loin de nous les mœurs de l’autre ! car, si ce méchant qui a révélé la nudité d’un corps, s’est jeté sous le coup de la malédiction, est déchu de l’honneur qui l’égalait à ses frères, a été condamné à les servir, quoique ce ne soit pas lui, mais tous les descendants sortis de lui, qui sont devenus des esclaves, quel châtiment ne subiront pas ceux qui révèlent les péchés de leurs frères ; qui, loin de les couvrir, de les excuser, les exposent au grand jour, et se rendent par là coupables de péchés sans nombre ? Quand vous divulguez la faute d’un frère, non seulement vous le rendez plus éhonté, et vous refroidissez peut-être le zèle qui l’aurait porté à rentrer dans la vertu, mais vous rendez ceux qui vous écoutent plus indolents et plus lâches ; et ce n’est pas tout : vous êtes cause que Dieu est blasphémé. Or, quel est le supplice réservé à ceux qui provoquent les blasphèmes ? C’est ce que nul n’ignore. Donc, loin de nous, je vous en conjure, les mœurs de Cham ; imitons, au contraire, l’honnêteté, la pudeur des fils qui recouvrirent la nudité de leur père ; faisons de même, couvrons les fautes de nos frères, non pour encourager, par notre conduite, leur indolence, mais pour leur ménager les meilleurs moyens de s’affranchir promptement de leurs vices funestes, et de rentrer dans la vertu. De même qu’il est plus facile de revenir à résipiscence quand on n’a pas un grand nombre de témoins de ses fautes, de même celui dont le front a rougi, qui sait que ses actions mauvaises sont connues de tout le monde, ne renonce pas facilement à ses vices ; il est comme dans une vase profonde, où il se précipite emporté par des courants qu’il lui est difficile de surmonter ; et ne pouvant revenir à la surface il se désespère, et il abandonne tout espoir, de ressaisir le rivage.
5. C’est pourquoi, je vous en prie, ne publions pas les fautes du prochain. Si on vient à nous les apprendre, ne nous empressons pas d’aller voir cette nudité ; faisons comme ces vertueux fils, recouvrons de nos exhortations, de nos conseils, abritons d’une ombre protectrice, et hâtons-nous de relever l’âme qui est tombée ; enseignons-lui la grandeur de la divine miséricorde, l’excès de la suprême bonté, afin d’obtenir nous-mêmes, plus encore que ces pieux jeunes gens, la bénédiction du Seigneur, du Dieu qui a fait toutes choses, qui veut que tous les hommes soient sauvés, et qu’ils viennent à la connaissance de la vérité (1Tim. 2,4) ; qui