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tromperies ; mais lui, par son silence, réprimait leur délire. D’où vient cette conduite du sage ? D’où vient qu’en présence de ces attaques, il est comme sourd, comme muet, sans oreilles, sans langue ? Entendez-le lui-même nous donnant la cause d’une sagesse si grande. Car c’est en vous, Seigneur, que j’ai mis mon espérance. (Id. 16) Car c’est à vous que je me suis, dit-il, suspendu par l’espérance, et je ne m’inquiète pas de ce qu’ils font, car votre secours suffit pour tout dissiper, pour rendre inutiles leurs machinations et leurs intrigues, pour empêcher que, de tout ce qu’ils méditent, rien ne soit exécuté.
2. Vous avez vu comment, quel que soit le malheur qui saisisse la nature humaine, on peut tirer des Écritures un remède convenable, y trouver ce qui dissipe toutes les tristesses, ce qui allège le poids de tous les chagrins. C’est pourquoi, je vous en prie, venez souvent auprès de nous ; appliquez tous vos soins à la lecture de l’Écriture sainte, non seulement quand vous vous rassemblez auprès de nous, mais aussi quand vous êtes dans vos demeures ; prenez entre vos mains les divins livres, appliquez-vous à recueillir tous les fruits que vous y trouverez mis pour vous en réserve. Cette lecture présente des avantages précieux ; d’abord, la lecture délie la langue ; ensuite l’âme s’excite, elle s’élève à la lumière du Soleil de la justice, elle s’illumine, elle s’affranchit alors des séductions d’une pensée impure, elle jouit de la plénitude du repos et de la tranquillité. La nourriture matérielle augmente les forces du corps ; la lecture augmente les forces de l’âme ; aliment spirituel qui donne du nerf à la raison, de la vigueur à l’âme, qui lui communique la constance de la sagesse ; qui ne permet pas qu’elle devienne la proie de passions insensées ; qui la rend légère, lui met des ailes, la transporte pour ainsi dire au ciel. Donc je vous en prie, considérons cette utilité si grande ; ne nous en privons pas par notre négligence ; même dans nos demeures, livrons-nous à la lecture de l’Écriture sainte, et quand nous sommes ici rassemblés, ne perdons pas le temps à des bagatelles, à d’inutiles entretiens puisque nous sommes venus pour entendre la parole, appliquons-y notre attention pour en recueillir ce fruit précieux que nous remporterons chez nous. Vous êtes venus ici, et vous vous livrez à des conversations intempestives et inutiles, à quoi bon ? Quel profit pour vous ? N’est-ce pas une chose absurde que ceux qui se rendent aux marchés ordinaires des hommes, s’inquiètent, avant de retourner chez eux, d’acheter tout ce qui leur est nécessaire de rapporter du marché, qu’ils fassent leurs provisions, quoiqu’il y ait pour cela beaucoup d’argent à dépenser, et que ceux qui viennent ici, à ce marché spirituel, ne montrent pas tout leur zèle à se procurer ce qui est utile, à le mettre en réserve dans leur âne avant de s’en retourner ; et cela, quand il n’est ici besoin d’aucune dépense d’argent, quand il suffit de la bonne volonté et de l’attention ? Ne le cédons pas à ceux qui se rendent aux marchés du monde ; soyons attentifs, appliqués, vigilants ; avant de partir faisons nos provisions de route, non seulement de telle sorte qu’elles nous suffisent, mais de manière à pouvoir aussi les partager avec les autres, de manière à rendre meilleurs, et notre femme, et nos serviteurs, et notre voisin, et notre ami, disons mieux, et notre ennemi : Voilà, en effet, ce que sont les dogmes spirituels ; ils sont faits pour être proposés à tous sans distinction ; la seule distinction c’est l’application de l’esprit, c’est la ferveur du désir qui fait que l’un se montre supérieur à l’autre. Eh bien ! donc, puisqu’il y a un si précieux avantage à recueillir de notre doctrine, allons, exposons la lecture de ce jour, et sachons en recueillir le fruit que nous remporterons chez nous.
Noé s’appliquant à l’agriculture commença, dit le texte, à labourer et à cultiver la terre, et il planta une vigne, et il but du vin, et il s’enivra. (Gen. 9,20, 21) Voyez de quelle grande utilité pour nous est le simple commencement de cette lecture. En effet, quand nous entendons dire que cet homme juste, que cet homme parfait qui a reçu d’en haut un si grand témoignage, a bu et s’est enivré, comment nous, qui sommes plongés dans un abîme de péchés si divers, ne ferions-nous pas désormais tous nos efforts pour éviter le fléau de l’ivresse ? Il est toutefois à remarquer que la faute n’est pas égale entre ce juste surpris, et nous qui tombons dans le même vice. Il y a en effet bien des circonstances pour excuser cet homme juste ; ce que je dis non pour excuser l’ivresse, mais pour montrer que, si ce juste a succombé, ce n’est pas par intempérance, mais parce que l’expérience lui faisait défaut. L’Écriture en effet ne dit pas simplement qu’il but du vin jusqu’à s’enivrer, mais elle ajoute des