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vertu ou par notre puissance que nous eussions fait marcher ce boiteux ? Pourquoi, dit-il, êtes-vous ainsi dans la stupeur, et comme terrifiés de ce qui arrive ? Est-ce nous qui avons fait cet ouvrage ? Est-ce par notre vertu propre que nous l’avons guéri, que nous l’avons fait marcher ? Pourquoi nous regardez-vous ? nous n’avons rien fait que prêter notre langue. Celui qui a tout fait, c’est le Seigneur, c’est le Créateur de la nature, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, que vous regardez comme des patriarches ; celui que vous avez livré et renoncé devant Pilate, qui avait jugé qu’il devait être renvoyé absous ; voilà celui qui a tout fait, celui que vous avez renoncé, le Saint et le Juste, Vous avez demandé qu’on vous accordât la grâce d’un homme qui était un meurtrier, et, l’Auteur de la vie, vous l’avez condamné ; Celui que Dieu a ressuscité d’entre les morts, ce dont nous sommes les témoins, c’est par la foi en son nom que sa puissance a raffermi cet homme que vous voyez et que vous connaissez. C’est la foi qui vient de lui qui a fait la guérison parfaite de cet homme en face de vous tous. (Id. 13,16)
6. Voyez la pleine liberté, la grande et ineffable puissance de la grâce descendue d’en haut, la plus claire manifestation de la résurrection, dans le libre langage de ce bienheureux. Quel plus grand miracle pourrait-on demander ici ? L’homme faible d’autrefois, celui qui, avant que Jésus fût mis en croix, n’était pas capable de supporter les menaces d’une servante, résiste aujourd’hui, avec cette fermeté que vous, admirez, à tout le peuple des Juifs ; avec cette entière assurance, seul, contre toute cette multitude furieuse ; et il lui tient tête, et il lui fait entendre des paroles qui ne peuvent qu’exaspérer sa fureur. Voyez-vous, mes bien-aimés, ici, encore, une nouvelle preuve de la vérité de ce que j’ai dit en commençant ? Quiconque est embrasé de l’amour de Dieu, méprise dès lors tout ce qui tombe sous les yeux de la chair ; armé d’autres yeux, des yeux de la foi, il ne voit plus que les biens invisibles ; il n’a plus de pensée que pour les biens invisibles ; il va et vient sur la terre, comme s’il n’était qu’un citoyen du ciel ; quoi qu’il fasse, aucune des choses humaines ne l’arrête dans sa libre course à la poursuite de la vertu. Qui possède en soi cet amour, n’a plus de regards pour les splendeurs de la vie présente : difficultés, aspérités du chemin, peu lui importe ; toujours il vole, il s’élance vers sa patrie. Et de même que les coureurs de la terre ; dans, leur élan rapide, ne voient aucun des objets qu’ils rencontrent, quelque nombreux que soient les accidents de la route, et qu’uniquement appliqués à leur course, ils dépassent facilement tous les objets, se hâtant d’atteindre au but qui leur est proposé ; ainsi celui qui se hâte d’accomplir la course de la vertu, qui brûle de monter de la terre au ciel, laisse au-dessous : de lui tous les objets visibles, uniquement appliqué à sa course, ne s’arrêtant jamais, ne se laissant jamais distraire, quoi que puissent voir les yeux de son corps, tant qu’il n’est pas parvenu à gravir jusqu’à la cime. A cet ardent courage, les objets terribles de la vie présente paraissent vils et méprisables ; qui porte en soi un tel cœur, ne craint ni glaive, ni précipices, ni dents des bêtes féroces, ni tortures, ni licteurs, ni quoi que ce soit de sinistre, dans la vie présente. À la vue des charbons et de la braise des supplices, il croit voir des prairies, des jardins délicieux, et il poursuit sa course ; à la vue des autres tortures, il ne faiblit pas, il ne recule pas ; l’amour des biens à venir a transformé son âme, c’est par hasard et sans aucune conséquence qu’il a sur lui ce corps, comme on a un manteau, tant il est supérieur aux impressions du corps, tant la grâce d’en haut, faisant la garde autour de son âme, la préserve de toute atteinte, la rend insensible aux douleurs de la chair.
Aussi, je vous en prie, pour qu’il nous soit facile de supporter les labeurs de la vertu, soyons remplis de l’amour de Dieu, appliquons à Dieu toute notre pensée ; que rien, dans la vie présente, ne retarde la course qui nous emporte vers lui ; pensons, pensons toujours à la jouissance des biens à venir ; toutes les douleurs de la vie présente, supportons-les dans la douceur de la résignation ; il ne faut pas que le mépris des hommes nous attriste, que l’indigence nous accable, que les maladies du corps énervent notre âme, que le dédain, que les outrages de la foule ralentissent notre zèle pour la vertu parfaite ; secouons toute cette poussière ; faisons-nous une âme généreuse et sublime ; montrons toujours et partout la vraie force et le vrai courage ; et, comme hier je vous en conjurais, mes frères, empressons-nous de nous réconcilier avec nos ennemis ; bannissons de nos âmes toutes les haines ; à la concupiscence, qui pourrait nous