Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/200

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parce qu’ils y étaient trop pressés, les voilà dans une solitude immense, au milieu d’une dévastation inexprimable ; comment n’ont-ils pas succombé, comment n’ont-ils pas péri ? Ne croyez-vous pas que la frayeur, que la crainte, répondez-moi, je vous en prie, dût ébranler profondément leur pensée, secouer, bouleverser tout leur être ? Ne vous étonnez pas, mes bien-aimés, il y avait un Dieu, Celui qui fait toutes choses, le Dieu Créateur de la nature, il était là qui supprimait tous les obstacles, avec cet ordre : Croissez et multipliez, et remplissez la terre ; c’est lui qui leur a donné l’accroissement. Quand les Israélites, en Égypte, étaient accablés de travaux, fabriquant des briques avec de l’argile, plus on les écrasait, plus ils croissaient de manière à devenir une grande multitude. (Ex. 1, et seq) Et, ni l’ordre impitoyable et cruel de Pharaon, qui commandait de jeter les enfants mâles dans le fleuve, ni les vexations dont on les tourmentait pour leurs travaux, ne purent diminuer cette foule qui s’accroissait, qui grossissait toujours. C’était la volonté d’en haut, qui sait tirer toutes choses de leurs contraires.
5. Donc, lorsque Dieu commande, n’exigez pas que les œuvres s’accomplissent par des moyens humains ; plus puissant que la nature, il n’a pas besoin de se servir de la succession lente des choses de la nature ; les obstacles mêmes favorisent la réalisation de ses desseins. C’est ainsi que, dans le texte qui nous occupe aujourd’hui, ces trois hommes lui suffisent à remplir le monde entier. C’est de ces trois hommes, dit le texte, qu’est sortie toute la race des hommes qui sont sur la terre. Avez-vous bien compris la puissance de Dieu ? Avez-vous bien compris comment mille et mille obstacles ne contrarient en rien sa volonté ? C’est précisément ce qui est arrivé pour l’établissement de la foi : en dépit de ceux qui l’attaquaient, de la puissance et du nombre de ses ennemis, en dépit des rois, et des tyrans, et des peuples s’insurgeant contre elle, et faisant tout pour éteindre l’étincelle de la foi, les hommes mêmes qui voulaient sa perte, ceux mêmes qui voulaient contrarier ses progrès, ont porté si haut la flamme de la piété, qu’elle a saisi toute la terre, la terre habitée, la terre sans habitants. Allez chez les Indiens, chez les Scythes, aux dernières frontières du monde, aux rives de l’Océan, partout vous trouverez la doctrine du Christ, illuminant toutes les âmes. Étrange merveille ! la Religion a converti même les nations barbares, et leur a enseigné la sagesse ; rejetant leurs mœurs antiques, elles se sont tournées vers la piété, et, de même que, par ces trois hommes, le Créateur de l’univers a multiplié la race humaine ; de même, dans l’ordre de la foi, par le moyen des onze, de ces pécheurs ignorants et grossiers, qui n’osaient pas même ouvrir la bouche, il a attiré à soi l’univers ; et ces ignorants, ces grossiers, ces pécheurs ont fermé la bouche aux philosophes ; comme s’ils eussent eu des ailes, ils ont franchi le monde en un instant, semant partout la parole de la vérité, arrachant les épines, arrachant les vieilles mœurs, faisant partout fleurir les lois du Christ ; et, ni leur petit nombre, ni leur ignorance, leur grossièreté, ni l’étrange austérité de leur doctrine, ni les vieilles habitudes incrustées dans la race humaine, rien ne leur a fait obstacle ; la grâce qui leur frayait les chemins a tout aplani, a rendu toutes leurs œuvres faciles, et les obstacles mêmes ne faisaient que raviver leur courage. Tantôt frappés de verges, ils se retiraient joyeux, non pas simplement parce qu’on les avait frappés de verges, mais, parce qu’ils avaient été jugés dignes de souffrir cet outrage pour le nom de Jésus. (Act. 5,41) Parfois jetés en prison, et puis délivrés par un ange, ils continuaient leur œuvre, allaient au temple répandre les paroles de la doctrine. (Id. 19) ; Et, prenant les peuples comme des poissons que l’on pêche, ils les amenaient à la piété ; captifs de nouveau, non seulement la prison ne ralentissait pas leur ardeur, ils montraient encore plus de liberté ; au milieu d’un peuple en délire, et qui grinçait des dents, ils étaient là, debout, prononçant ces paroles : Mieux vaut obéir à Dieu que d’obéir aux hommes. (Id. 29) Voyez-vous la grandeur de cette liberté ? Voyez-vous ces pêcheurs sans lettres, dédaignant les fureurs des peuples, consentant à se voir meurtrir, égorger ? Pour vous, mes bien-aimés ; gardez-vous, en entendant ces paroles, d’attribuer ces vertus aux hommes ; rapportez tout à la divine grâce qui fortifiait leur courage. Il arriva que le bienheureux Pierre redressa un boiteux qui l’était depuis le ventre de sa mère ; tous demeuraient dans la stupeur et l’admiration ; il fut le premier à montrer sa sagesse en disant : Pourquoi vous étonnez-vous de ceci, comme si c’était par notre