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et en difformité, à la mort qui survient tout à coup, anéantissant tout cet éclat du corps. A l’aspect de la gloire et de la puissance, et du superbe parvenu au faîte des dignités, au faîte de la félicité sans bornes, les yeux de l’âme sont plus indifférents encore, parce qu’il n’y a là rien de ferme, rien d’immuable, parce qu’il n’y a là que la vanité qui se glorifie de ce qui passe plus vite que des eaux courantes. Quoi ale plus méprisable que la gloire de cette vie, que cette herbe des champs ! Toute la gloire de l’homme, dit le Prophète, est comme l’herbe des champs. (Is. 40,6)
4. Avez-vous bien compris, mes bien-aimés, quelle pénétration acquièrent les yeux de la foi dès que la pensée reste tendue : vers Dieu ? Avez-vous bien compris comment nulle des choses visibles ne les peut plus décevoir, comme le jugement devient droit et infaillible ? Mais s’il vous parait bon, reprenons la suite de notre discours, et, après quelques courtes réflexions, mettons un terme à nos paroles, afin que vous puissiez graver dans votre mémoire ce que vous aurez entendu. L’Écriture, après avoir tout dit au sujet du signe divin, veut encore nous donner d’autres enseignements sur ce qui concerne ce juste et ses fils ; le texte dit : Noé avait donc trois fils lui sortirent de l’arche, Sem, Cham et Japhet ; or Cham est le père de Chanaan ; ce sont là les trois fils de Noé, et c’est d’eux qu’est sortie toute la race des hommes qui sont sur la terre. (Gen. 2,18-19) Il est bon de rechercher pourquoi la divine Écriture, en mentionnant ces trois file, ajoute : Or Cham est le père de Chanaan. N’allez pas croire, je vous en prie, que ceci ait été ajouté saurs dessein ; il n’y a rien dans la divine Écriture qui soit dit ans une raison quelconque, rien qui ne renferme une utilité cachée. Pourquoi donc l’Écriture a-t-elle dit : Or Cham est le père de Chanaan ? Elle a voulu, par là, nous marquer l’incontinence de ce Cham, nous indiquer que d’horreur du désastre universel n’a pu le retenir ; que la place si étroite qu’ils occupaient tous dans l’arche n’a pas été un obstacle capable de réprimer sa concupiscence, quoique son frère aîné n’eût pas encore de fils. Ce Cham adonné à l’incontinence, dans le temps même d’une si grande colère, au moment même de l’extermination universelle qui saisissait le monde, n’a pas dompté sa nature, n’a pensé qu’à un rapprochement hors de saison, n’a pas su dompter l’intempérance de ses désirs ; tout de suite il a tenu à montrer la perversité de son âme. Aussi, peu de temps après l’outrage de Chatte envers celui à qui il devait d’exister, le fils de ce Cham, Chanaan, allait subir la malédiction. Aussi la divine Écriture n’attend pas pour le désigner, pour révéler le nom de ce fils en même temps que l’incontinence de son père ; c’est afin qu’en le voyant plus tard manifester tant d’ingratitude envers son père, vous sachiez bien que depuis longtemps c’était un pervers, puisque l’épouvantable catastrophe dont il fut témoin n’a pu l’amender. Quoi ! Pour éteindre sa concupiscence ne suffisait-il pas de tant de douleurs ! Eh bien ! non, rien n’a triomphé de cette flamme impure, de ce délire, ni la désolation de l’univers ; ni l’excès d’une si affreuse calamité. Celui qui dans un si grand malheur t’a montré cette folie, ce délire furieux, qui pensait alors à procréer des enfants, dites-moi, quelle excuse lui est-il permis d’invoquer ?
Mais ici surgit une autre question ; elle est fameuse, elle circule partout : d’où vient que pour le péché du père, c’est le fils qui subit la malédiction ? Nous ne voulons pas aujourd’hui allonger le discours ; nous ajournerons l’explication ; quand nous arriverons au texte auquel elle se rapporte, nous vous donnerons la solution que Dieu nous aura suggérée. Il n’y a rien dans la sainte Écriture, comme je vous l’ai dit, on ne peut rien trouver qui ne renferme une secrète pensée. En attendant, nous avons expliqué que ce n’est pas sans raison que Moïse a nommé ce fils en disant : Or, Cham est le père de Chanaan. Ce sont là, dit-il, les trois fils de Noé. Et c’est d’eux qu’est sortie toute la race des hommes qui sont sur la terre. Sachons nous arrêter, chemin faisant, mes bien-aimés, à cet endroit ; voyons ici même, se révéler encore la grandeur de la puissance de Dieu. C’étaient là, dit le texte, les trois fils de Noé, et c’est d’eux qu’est sortie toute la race des hommes qui sont sur la terre. Comment, de trois hommes seulement, a pu sortir une si grande multitude ? Comment ont-ils pu suffire ? Comment un si petit nombre a-t-il pu constituer le monde toit entier Comment leurs corps se sont-ils conservés ? il n’y avait ni médecins, ni médecine, ni aucun soin de ce genre ; on n’avait pas encore fondé une seule ville. Après une si grande infortune, après cette existence dans l’arche, qui les avait amaigris, brisés,