Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/192

Cette page n’a pas encore été corrigée

la bonté de Dieu et rendre vaine la sentence qu’il avait portée contre eux. Mais pourquoi parler des Ninivites ? Le larron sur la croix n’a pas eu besoin d’un jour. Et que dis-je, d’un jour ? pas même d’une heure, tant est grande là bonté de Dieu pour nous ! Car, dès qu’il voit que nous venons à lui avec une volonté ferme et un désir fervent, if ne tarde pas, il ne diffère point ; il s’empresse, au contraire, et avec sa générosité habituelle, il s’écrie : Tu parleras encore quand je te dirai : Me voilà ! (Is. 58,9)
Il nous écoutera donc si nous voulons, pendant ces quelques jours, montrer un certain zèle, puiser du secours dans un jeûne convenable, secouer notre paresse pour implorer le Seigneur, verser des larmes brûlantes ; confesser fréquemment nos péchés, montrer les plaies de notre âme comme celles du corps à un médecin, nous livrer à cette cure spirituelle et faire, du reste, tout ce qui dépend de nous, c’est-à-dire apporter un cœur contrit, une véritable componction, faire de larges aumônes, refréner les passions qui troublent notre raison et les chasser de notre âme, au point de ne plus être assiégé par l’amour des richesses, par des rancunes contre notre prochain, par des haines contre nos semblables. Il n’est rien, en effet, rien' que Dieu déteste et repousse, comme un homme qui conserve constamment dans son âme de la rancune et de la haine contre son prochain. Cette faute est d’autant plus funeste qu’elle s’oppose à la miséricorde de Dieu. Pour vous l’apprendre, je vous rappelle la parabole évangélique, où cet homme, qui devait à son maître dix mille talents, tomba à ses pieds, le supplia et l’implora, et obtint remise du tout. Son maître, ému de pitié, lui remit sa dette. (Mt. 18,27) Voyez quelle est la miséricorde du maître. Le débiteur tombe à ses pieds et lui demande une échéance plus éloignée. Donne-moi du temps et je te payerai tout. Mais le maître bon et miséricordieux, touché de sa prière, lui accorda non-seulement ce qu’il demandait, mais plus qu’il n’osait espérer. C’est ce que fait Dieu, pour dépasser et prévenir nos prières. Cet homme implorait l’indulgence et promettait de tout payer ; mais ce maître, dont la bonté dépasse encore nos fautes, est assez touché pour le tenir quitte et lui remettre sa dette. Vous avez vu ce que le serviteur demandait et combien le maître lui a remis : voyez maintenant la folie du serviteur. Il devait, après avoir été l’objet d’une si grande bonté et d’une pareille munificence, être porté lui-même à l’indulgence envers le prochain ; c’est tout le contraire. Il s’en va ensuite, il s’agit de l’homme à qui on avait remis dix mille talents. Écoutez, je vous en conjure, avec attention, car ce qui suit suffit pour entraîner nos âmes et nous persuader d’en arracher une maladie aussi grave ; il s’en va ensuite trouver un de ses compagnons de servitude qui lui devait cent deniers. Voyez quelle différence ! Ici ce compagnon devait cent deniers ; de l’autre côté le maître réclamait dix mille talents, et cependant il avait abandonné la dette aux supplications de son débiteur. Mais ce débiteur lui-même, prenant son compagnon, l’étouffait en disant : rends-moi ce que tu me dois. Son compagnon de servitude tomba à ses pieds. Voyez comme l’évangéliste répète ce mot de compagnon, non sans motif, mais pour que nous comprenions qu’ils étaient égaux. Cependant, ce compagnon le suppliait comme l’autre avait supplié son maître, en disant : Donne-moi du temps et je te rendrai tout. Mais celui-ci s’en alla, et fil jeter le débiteur en prison jusqu’au paiement de la dette. Quel excès d’ingratitude ! Il avait encore le souvenir récent de la libéralité que son maître avait déployée à son égard, et il n’a pas pitié d’un autre ; il veut d’abord l’étrangler et enfin le jette en prison.
7. Mais voyez la suite : Quand les compagnons de servitude virent cela, ils furent attristés, et, venant vers leur maître, ils lui dirent tout. Ce n’est pas celui qui avait été maltraité (comment aurait-il pu le faire, puisqu’il était en prison ?), mais les autres compagnons qui souffraient de cette injustice, qui pourtant ne les, touchait pas ; dans leur tristesse ils vont voir le maître et lui racontent tout. Voyez maintenant la colère du maître. Il le fit venir et lui dit : méchant serviteur. C’est ici que l’on peut voir combien il est funeste de se rappeler les injures. Quand il devait dix mille talents, le maître ne l’a pas appelé méchant ; mais aujourd’hui, après qu’il a été cruel avec son compagnon : Méchant serviteur, lui dit-il, je t’ai remis toute ta dette parce que tu m’as supplié. Voyez comme il lui fait sentir sa perversité ! Qu’as-tu fait de plus avec moi, que ton compagnon avec toi, lui dit-il ? Tu m’as dit quelques mots, j’ai accueilli ta prière et je t’ai remis ton immense dette. Ne devais-tu pas avoir pitié de