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Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l’âme. (Mt. 10,28) Et voyez la distinction que Dieu fait ; : Celui qui aura répandu le sang de l’homme, son sang sera répandu par compensation ; car j’ai fait l’homme à mon image. Méditez, je vous prie, sur la terreur qu’inspirent ces paroles. Si l’idée de frapper ton semblable, celui qui est de même nature que toi, ne suffit pas pour te détourner de ton odieuse entreprise, si tu repousses toute sympathie fraternelle pour te livrer à cette criminelle audace, songe que ta victime a été faite à l’image de Dieu, que Dieu lui a accordé ses plus hautes prérogatives, et abandonne ton horrible projet. Mais supposons un homme qui ait commis une infinité de meurtres et versé des flots de sang : comment pourra-t-il tout compenser en répandant le sien ? Ne vous arrêtez pas à cela, mais songez que bientôt il recevra un corps incorruptible qui pourra être puni sans cesse pendant l’éternité. Voyez aussi comme le précepte est précis. Il est dit de l’homme : tu ne verseras pas son sang ; à propos des animaux il n’est point dit tu ne verseras pas, mais seulement : Tu ne mangeras pas la chair avec le sang ; qui est son âme. D’un côté Dieu dit : tu ne répandras pas ; de l’autre : tu ne mangeras pas.
Vous voyez que ces lois n’ont rien de pénible, combien ces préceptes sont simples et faciles, comment Dieu ne demande à notre nature rien de gênant et de fâcheux. Plusieurs personnes disent que lé sang des animaux est lourd, grossier et cause des maladies : nous pensons que si nous devons observer ce précepte, ce n’est pas à cause de la raison que nous venons de dire, si savante qu’elle soit, mais pour accomplir l’ordre du Seigneur. Du reste, pour savoir que s’il nous a fait cette recommandation c’est pour modérer nos instincts sanguinaires, il dit : Quant à vous, croissez, multipliez, remplissez la terre et dominez la. Ce n’est pas sans raison qu’il dit : Quant à vous. Vous qui êtes si peu nombreux ; si faciles à compter, remplissez la terre et gouvernez-la, c’est-à-dire ayez-y tout empire, toute puissance et recueillez-en les fruits. Voyez, je vous prie, toute la bonté de Dieu qui, en échange d’immenses bienfaits, n’impose qu’une facile et unique obligation. De même qu’après avoir placé Adam dans le paradis et lui avoir accordé de jouir de tout, il lui défendit cependant de toucher à un arbre ; de même ici encore, après avoir promis qu’il ne détruirait plus l’univers et qu’il ne s’irriterait pas à ce point, mais que les éléments ne seraient plus bouleversés jusqu’à la consommation, des siècles et garderaient toujours leur marche et leurs lois, après avoir donné sa bénédiction à ceux qu’il avait sauvés, et leur avoir accordé toute puissance sur les animaux et le droit de manger leur chair, Dieu leur dit : Cependant vous ne mangerez pas la chair avec le sang, qui est son âme. Vous voyez qu’après avoir montré tant de bonté et d’ineffable libéralité, il finit par un ordre : ce n’est pas là l’habitude des hommes. Les hommes veulent, avant fout, que leurs ordres soient exécutés, ils exigent beaucoup de douceur et d’exactitude chez ceux qu’ils chargent de leurs commandements, et ce n’est qu’à la fin qu’ils songent à récompenser ceux qui leur ont montré tant d’obéissance. Le Maître de toutes choses agit tout autrement : il commence par répandre ses bienfaits, il nous séduit par leur abondance, puis enfin il donne quelques préceptes simples et faciles, afin que leur facilité même se joigne aux bienfaits antérieurs pour assurer notre obéissance.
N’ayons donc jamais, mes bien-aimés, ni répugnance, ni négligence pour remplir ses commandements : songeons à ses bienfaits antérieurs et à la facilité de ses ordres, ainsi qu’à la grandeur des récompenses qui bous sont promises quand nous les aurons remplis : veillons et empressons-nous d’exécuter tout ce que Dieu nous a commandé ; ne quittons pas la route qu’il nous a tracée pour parvenir au salut de nos âmes, faisons un bon usage du temps qui nous reste encore à vivre, purifions-nous de nos péchés et fortifions notre confiance, surtout dans les jours gui restent encore jusqu’à la fin du carême.
6. Ce nombre de jours est encore suffisant, si nous voulons l’employer à la pénitence. Si je vous parle ainsi, ce n’est pas que ce temps soit en réalité suffisant pour nous corriger de tous nos péchés, mais c’est parce que nous avons un Maître doux et clément qui n’exige pas beaucoup de temps : il suffit de s’approcher de lui avec ferveur et vigilance en rejetant tous les soins du monde et ne s’appuyant que sur la force d’en haut. Les habitants de Ninive, écrasés sous une multitude de péchés, mais faisant une grande et véritable pénitence, n’eurent pas besoin de plus de trois jours pour réveiller