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il apporte au juste, et même à d’autres qu’au juste ! car, dans sa bonté, il embrasse toute la race des hommes de l’avenir, puisqu’il dit : Je ne frapperai plus toute chair vivante, et qu’il ajoute : comme je t’ai fait, et aussi tant que la terre vivra ; il déclare ainsi qu’il n’y aura plus de déluge, et que jamais une pareille catastrophe n’envahira le globe. Il dit même comme preuve de son éternelle bienveillance : Tant que la terre vivra, c’est-à-dire : Je promets qu’à aucune époque je ne déploierai à ce point mon indignation et que je ne causerai jamais une pareille perturbation dans la marche des saisons, ni dans l’ordre des éléments. Aussi, dit-il à la suite : Les semailles et les moissons, le froid et la chaleur, l’été et le printemps ne cesseront ni jour ni nuit. Cet ordre, dit-il, sera immuable : jamais la terre ne cessera de donner à l’homme sa subsistance et de récompenser les labeurs de l’agriculture ; les saisons ne seront plus bouleversées, mais le froid et le chaud, l’été et le printemps reviendront à leur tour dans l’année. En effet, pendant le déluge, tout cela avait été confondu, et le juste dans l’arche était presque dans une nuit complète ; aussi Dieu lui dit : Le jour et la nuit ne cesseront pas leur course et, jusqu’à la fin des siècles, leurs fonctions seront immuables. Voyez quel puissant encouragement bien capable de relever le courage du juste ; voyez quelle récompense il a reçue de ses mérites. Mais cette ineffable libéralité se montre encore dans ce qui suit : Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : Croissez et multipliez, et remplissez la terre et dominez-la. Vous serez craints et redoutés de toutes les bêtes de la terre et de tous les oiseaux du ciel, de tous les animaux qui se meuvent sur terre et de tous les poissons de la mer : je les ai livrés tous entre vos mains. Tout ce qui se meut et qui est vivant sera votre nourriture ; je vous l’ai donné comme les plantes des jardins. Cependant ne mangez pas la chair avec son sang, qui est son âme. Il faut ici admirer la suprême bonté du Seigneur vous voyez que le juste reçoit de nouveau la même bénédiction qui avait déjà été donnée à Adam ; cette supériorité que l’homme avait perdue, il la recouvre par sa vertu et surtout par l’inexprimable clémence du Seigneur. Car, de même qu’il avait dit autrefois : Croissez et multipliez, et gouvernez la terre ; dominez sur les poissons de la mer, les reptiles, les volatiles et les quadrupèdes ; il dit maintenant : Vous serez craints et redoutés de toutes les bêtes de la terre et de toutes les volatiles. Tout ce qui se meut et vit sur terre sera votre nourriture ; je vous l’ai donné comme les plantes des jardins. Cependant ne mangez pas la chair avec son sang, qui est son âme. C’est la même loi que celle qui avait été donnée au premier homme, sauf une observation. Quand l’empire du monde a été donné à Adam, ainsi que la jouissance de tout ce qui était dans le paradis, il y eut cependant un arbre auquel il lui fut défendu de toucher ; il en est de même pour Noé ; Dieu le rend terrible aux animaux de la terre et met encore sous sa puissance les oiseaux et les volatiles ; il dit aussi : Tout ce qui se meut et vit sur terre sera votre nourriture : je vous l’ai donné comme les plantes des jardins. C’est alors qu’a commencé l’usage de manger de la viande, non pas pour satisfaire notre gourmandise, mais parce que les hommes, devant sacrifier des animaux, afin de rendre grâce au Seigneur, il ne fallait pas qu’ils parussent rejeter les choses consacrées : aussi Dieu leur accorde l’usage de cette nourriture et leur permet d’y recourir abondamment. Je vous ai tout donné comme les plantes des jardins. Ensuite, de même que, tout en jouissant du fruit de tous les arbres, Adam devait s’abstenir d’un seul, de même aussi, tout en accordant à Noé la permission de manger de tout ce qu’il voudrait, Dieu lui dit néanmoins : Ne mangez pas la chair avec le sang, qui est son âme. Qu’est-ce donc qu’un animal où l’on a laissé le sang qui est son âme ? Cela signifie une bête étouffée ; car l’âme d’un animal n’est autre chose que son sang.
Comme les sacrifices se faisaient en immolant des animaux, voici l’enseignement qui résulte dé ce commandement. Le sang est mis à part pour moi, et vous gardez la chair. Dieu agit ainsi pour modérer par ses ordres la cruauté et le penchant à l’homicide. Pour prouver qu’il a voulu ainsi rendre les hommes plus pieux, écoutez ce qui suit : Je demanderai compte de votre sang, de vos âmes, à tous les animaux. Et je demanderai compte à l’homme et au frère de l’âme de l’homme. Quoi donc ! l’âme de l’homme est-elle du sang ? Dieu ne veut pas le dire ; loin de là ! mais il parle conformément aux habitudes humaines, comme si un homme disait à un autre : Ton sang est en mes mains : c’est-à-dire, je puis te tuer. Pour voir que l’âme de l’homme n’est pas le sang, écoutez le Christ, qui dit :