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de bonté ? Si nous faisons à ce sujet de pieuses réflexions, nous verrons qu’une pareille punition a été un bienfait, non seulement pour ceux qui l’ont subie, mais pour leurs successeurs qui en ont remporté deux grands avantages ; d’abord de ne pas être enveloppés dans la même destruction, ensuite d’en avoir tiré une leçon de prudence et de sagesse ; aussi, que de grâces ne doivent-ils pas à Dieu ! En effet, par la punition de leurs prédécesseurs et par la crainte d’en subir une pareille, ils sont devenus meilleurs ; de plus, tout le levain du mal a été supprimé, et il n’est plus resté personne pour enseigner le vice et l’iniquité. Voyez comment même les punitions et les supplices deviennent des bienfaits et annoncent la providence de Dieu à l’égard de la nature humaine. Si l’on veut, dès l’origine énumérer tous les châtiments, on trouvera que c’est dans ces intentions qu’ils ont été infligés aux pécheurs. Par exemple, quand Adam a pêché, son exil du paradis n’était pas seulement une punition, mais un bienfait. Et comment, direz-vous, peut-on considérer comme un bienfait ce renvoi du paradis ? Ne jugez pas uniquement d’après les faits, mes bien-aimés, n’étudiez pas légèrement les actions de Dieu, mais creusez au fond de l’abîme de sa bonté et tout s’expliquera comme je vous l’ai dit. Dites-moi si Adam, après sa faute, avait encore pu jouir des mêmes biens, jusqu’où ne serait-il pas tombé ? Après les ordres qu’il avait reçus, il n’en a pas moins écouté le serpent tentateur et succombé aux pièges que le diable lui tendait ainsi, afin de le faire tomber dans le péché de désobéissance, en le flattant de devenir l’égal de Dieu ; si donc il était resté dans le même état d’honneur et de bonheur, n’aurait-il pas ensuite accordé au démon perfide plus de croyance qu’au Créateur de l’univers, et n’aurait-il pas eu sur lui-même des idées encore plus exagérées ? Car telle est la nature des hommes si rien ne s’oppose à leurs fautes, si rien ne les inquiète, ils se laissent entraîner à l’abîme. Je puis encore vous montrer d’une autre manière que l’exil d’Adam et sa condamnation étaient des preuves de clémence, car, en le renvoyant du paradis et en le plaçant dans les environs, Dieu le corrigea pour le moment et l’affermit pour la suite en lui faisant voir par cette preuve combien le démon était trompeur. Dieu porta contre lui la sentence de mort pour ne pas l’exposer à pécher continuellement pas désobéissance.
Ne voyez-vous pas que ces punitions de l’exil et de la mort étaient, en effet, des marques de clémence ? Je puis ajouter encore autre chose. Et quoi donc ? C’est que Dieu, en déployant ainsi sa colère contre Adam, a voulu, non seulement le favoriser par une punition salutaire, mais aussi corriger sa postérité par son exemple. Car si par la suite son fils Caïn, après avoir vu son père chassé du paradis, privé de sa gloire ineffable et frappé d’une malédiction terrible : tu es terre et tu rentreras dans la terre (Gen. 3,19) ; si Caïn n’est pas devenu meilleur, mais encore plus coupable, à quelles criminelles folies ne serait-il pas arrivé s’il n’avait pas vu le sort de son père ? Et, ce qui est bien digne d’admiration, en punissant celui qui commit de tels crimes et souilla la terre d’un homicide, Dieu mêla encore la miséricorde au châtiment.
2. Comprenez la grandeur de la bonté divine relativement à Caïn ! quand il eut gravement offensé et méprisé Dieu par son sacrifice (en effet, il ne faisait point un partage convenable, mais il offrait sans choix), Dieu ne lui dit rien de dur ni de pénible, quoique sa faute ne fût pas commune et ordinaire, mais très-importante, car si ceux qui veulent honorer des hommes, c’est-à-dire leurs semblables, tiennent à leur offrir et à leur donner ce qu’il y a de meilleur et de plus beau, combien était-il plus obligatoire à un homme d’offrir à Dieu tout ce qu’il avait de plus rare et de plias précieux ! Eh bien ! tandis qu’il péchait ainsi et le méprisait à ce point, Dieu ne le punit pas, ne lui infligea aucune peine ; mais il lui dit, avec la douceur d’un ami parlant à un ami : Tu as péché, tiens-toi en repos. (Gen. 4,7) Ainsi il lui signala son péché et lui conseilla de ne pas continuer. Voyez-vous quelle bonté parfaite ? Mais non seulement Caïn ne profita pas d’une pareille patience, mais il ajouta de nouvelles fautes aux premières et alla jusqu’à assassiner son frère ; or, même en ce moment Dieu lui montrait encore une grande douceur en commençant par l’interroger et lui permettant de se justifier ; mais comme il persista dans son impudence, Dieu le punit, mais pour le corriger et mêlant toujours beaucoup de miséricorde à son arrêt.
Vous voyez que Dieu pardonna une faute qui s’adressait à lui-même, quoiqu’elle fût grave ; mais quand Caïn s’arma contre son frère, il le blâma et le maudit. Faisons de même et imitons le Seigneur ; si quelqu’un a péché