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notre Dieu ; il a purifié le monde entier par ce déluge ; il l’a délivré de la malice des hommes, de la corruption dès longtemps amassée et profonde ; il en a renouvelé la face ; il l’a rétabli, il l’a rendu plus beau, ne permettant pas qu’il restât la moindre trace de ce qui le souillait auparavant L’eau s’éleva au-dessus des montagnes, dit le texte, de quinze coudées. Ce n’est pas sans dessein que l’Écriture nous fait ce récit ; elle veut nous apprendre que, non seulement les hommes, les bêtes de somme, les quadrupèdes, les reptiles furent engloutis, mais, avec eux, et les oiseaux du ciel, et tous les animaux qui vivaient sur les montagnes : je veux dire les animaux sauvages et tous les autres êtres dépourvus de raison. Voilà pourquoi le texte dit : L’eau s’éleva au-dessus des montagnes de quinze coudées. C’est pour vous apprendre que l’arrêt de Dieu a été accompli en réalité. En effet, Dieu avait dit : Je n’attendrai plus que sept jours, et je ferai pleuvoir le déluge sur la terre, et j’exterminerai de dessus la terre toutes les créatures que j’ai faites, depuis l’homme jusqu’aux animaux, depuis les reptiles jusqu’aux oiseaux du ciel. (Gen. 7,4) L’Écriture nous fait ce récit, non seulement pour nous apprendre à quelle hauteur tes eaux sont parvenues, mais pour nous faire voir, en même temps, qu’aucun animal absolument, soit bête féroce, soit bête de somme, n’a été épargné, mais que tout a été supprimé avec le genre humain. Comme tous ces animaux avaient été produits à cause de l’homme, en détruisant l’homme, il était juste de les détruire. Ensuite, après nous avoir montré jusqu’à quelle hauteur les eaux se sont accrues, à savoir, de manière à dépasser de quinze coudées les cimes des plus hautes montagnes, le texte, avec son exactitude accoutumée, nous dit : Toute chair qui se meut sur la terre fut consumée ; tous les oiseaux, toutes les bêtes de somme, toutes les bêtes sauvages, tous les reptiles, tous les hommes moururent, et généralement tout ce qui a vie et qui respire sur la terre. (Gen. 7,21-22) Et ce n’est pas sans dessein et sans raison particulière que le texte a dit : Et tout ce qui respire sur la terre, mais c’est pour vous montrer que tous ont péri, que le juste seul, avec tous ceux qui étaient dans l’arche, a été sauvé ; car ceux-ci, selon le commandement du Seigneur, ayant quitté la terre, étaient montés dans l’arche. Et les eaux détruisirent toutes les créatures qui étaient de la surface de toute la terre, depuis l’homme jusqu’aux bêtes, tant les reptiles que les oiseaux du ciel, tout périt de dessus la terre. Voyez comme, une fois, deux fois, à mainte reprise, le texte nous enseigne que la destruction a été générale, universelle ; qu’aucun être vivant n’y a échappé ; que tout a été étouffé sous les flots, aussi bien tous les hommes que tous les animaux. Il ne demeure que Noé seul, et ceux qui étaient avec lui dans l’arche, et les eaux couvrirent la terre pendant cent cinquante jours.(Id. 24) Pendant ce grand nombre de jours, dit le texte, les eaux restèrent à cette merveilleuse hauteur ; considérez encore ici la grandeur d’âme de l’homme juste et l’excellence de son courage. Que n’a-t-il pas éprouvé dans l’âme en concevant, en Voyant, pour ainsi dire, par la pensée, les corps des hommes, des animaux domestiqués, des animaux purs ou impurs, subissant la mort commune à tous, mêlés ensemble, sans aucune différence, indistinctement ? En outre, qu’a-t-il éprouvé, quand il réfléchissait en lui-même sur le monde dévasté, sur cette vie pleine de douleurs, de toutes parts dépourvue de tente consolation, sans aucun entretien, sans aucun aspect pour charmer les yeux, quand il ignorait combien de temps il lui faudrait supporter la vie dans cette prison ? Tant que le fracas des eaux, que le tourbillon des vagues retentit à son oreille, il sentait chaque jour grandir en lui l’épouvante. Quelles douces pensées pouvaient récréer celui qui voyait, cent cinquante jours durant, toujours le même niveau des ondes, les flots portés à cette hauteur, et rien pour indiquer qu’ils commençassent si peu que ce fût, à s’abaisser. Mais, sachez-le bien, il supportait tout avec courage, parce qu’il connaissait la toute-puissance du Seigneur ; il ne doutait pas de cette vérité, que le Créateur de la nature fait tout, transforme tout comme il lui plaît ; et l’homme juste se résignait à sa condition. C’est que la grâce de Dieu vivifiait, fortifiait son courage, lui procurait une consolation suffisante, prévenait en lui les défaillances, ne lui permettait pas de concevoir une pensée qui ne fût pas virile, qui ne fût pas généreuse. Ce juste avait commencé par montrer tout ce qui dépendait de lui, je veux dire, le zèle de la vertu, la vigueur de la justice, l’excellence de la foi ; bientôt il obtint l’abondance des dons du Seigneur, c’est-à-dire la patience, la force, la douceur de la parfaite résignation,