Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/173

Cette page n’a pas encore été corrigée

par votre dureté, et par l’impénitence de votre cœur, vous vous amassez un trésor de colères, pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu. (Rom. 2,4-5) Voyez-vous comment cet illustre docteur de l’univers nous enseigne que ceux qui abusent de la patience de Dieu à attendre notre repentir s’exposent à une peine plus grave, à de plus rigoureux châtiments ? Et voilà pourquoi, dans le texte qui nous occupe, le Dieu de bonté, comme s’il voulait s’excuser, se justifier, nous donner la raison qui l’a porté à faire pleuvoir le déluge, avant que le temps promis se fût écoulé, nous dit : Noé avait six cents ans. Ceux qui, dans l’intervalle de cent années, n’ont pas voulu se convertir, qu’auraient-ils gagné à vingt ans de plus, sinon qu’ils auraient ajouté d’autres péchés à leurs péchés ? D’ailleurs Dieu, voulant montrer sa miséricorde ineffable et l’excellence de sa bonté, a donné encore sept jours avant le déluge, pour leur permettre, dans ce court intervalle, de montrer quelque apparence de repentir.
3. Et considérez la bonté du Seigneur, la diversité des moyens qu’il emploie pour la guérison. Voyant que leurs blessures étaient incurables, il ne leur laisse qu’un très-bref délai, parce qu’il veut, s’ils peuvent, dans un intervalle si court, revenir à résipiscence, révoquer l’arrêt de sa colère. Car, c’est son habitude, parce qu’il se soucie de notre salut, de prédire les châtiments qu’il infligera, et sa raison, c’est qu’il désire ne pas être contraint de les infliger ; il prend soin de les annoncer d’avance, afin que cet avertissement nous inspire une terreur qui nous corrige, qui détourne sa colère, qui nous permette de rendre ses décrets inutiles. Rien, en effet, ne le réjouit plus que notre conversion et notre retour à la vertu. Voyez donc avec quelle adresse il s’efforce de les guérir de leur mal ; d’abord il leur a accordé un temps considérable pour se repentir ; ensuite, quand il a vu qu’ils étaient comme privés de sentiment, que la longueur du temps ne leur servait à rien, qu’ils continuaient leurs vices au moment même que le déluge était, pour ainsi dire, à leurs portes, il renouvelle la prédiction ; il ne dit pas : dans trois jours comme pour les Ninivites, mais : dans sept jours. Et je n’hésite pas à le dire, parce que je connais combien est grande la clémence de notre Dieu, si, même dans ces derniers sept jours, ils avaient vraiment voulu faire pénitence, certes, ils auraient échappé au déluge. Voilà donc pourquoi, vu que les délais ajoutés à un temps si long ne pouvaient les arracher à leurs vices, Dieu a fait pleuvoir le déluge, l’an six-cent de la vie de Noé. Noé, dit le texte, avait six cents ans lorsque les eaux du déluge inondèrent la terre. Avez-vous bien compris, mes bien-aimés, quelle grande utilité nous avons recueillie à savoir le nombre des années de la vie du juste, quel âge il avait quand vint le déluge ? Eh bien, avançons, voyons la suite maintenant, Lorsque le déluge commença, dit le texte, Noé entra dans l’arche, et, avec lui, ses fils ; sa femme et les femmes de ses fils, pour sauver, des eaux du déluge. Et des oiseaux purs, et des oiseaux impurs, et des reptiles, deux, à deux entrèrent dans l’arche ; et de tous ces animaux les mâles et les femelles, selon que le Seigneur l’avait commandé à Noé. (Gen. 6,7-9) Ce n’est pas sans dessein chie l’Écriture a ajouté : Selon que le Seigneur l’avait commandé à Noé ; c’est pour faire, une seconde fois, l’éloge de l’homme juste qui a tout accompli, selon que le Seigneur lui avait commandé, et qui n’a négligé aucun de ses ordres. Après donc que les sept jours furent passés, selon la promesse du Seigneur, dit le texte, les eaux du déluge se répandirent sur la terre, l’année six cent de la vie de Noé, le vingt-septième jour du second mois. (Id. 10,11) Voyez le soin que prend l’Écriture de nous apprendre, non seulement l’année, du déluge, mais le mois et le jour. Ensuite, pour que ce récit puisse servir à corriger les descendants, pour ajouter à la terreur, l’Écriture dit : En ce jour-là, toutes les sources du grand abîme des eaux furent rompues, et les cataractes du ciel furent ouvertes, et la pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits. (Id. 12) Voyez encore comme la sainte Écriture sait conformer ses expressions à notre infirmité ; tous les mots sont appropriés au langage humain. Il n’y a pas de cataracte dans le ciel, mais ce sont des manières de parler familières ; c’est comme si l’Écriture disait : le Seigneur se borna à commander, et, tout de suite, les eaux obéirent à l’ordre du Créateur, et réunissant de toutes parts tous leurs courants, inondèrent le monde entier. Quant à ce que le déluge dura quarante jours et quarante nuits, c’est encore là une grande marque de la divine bonté. En effet, dans sa profonde miséricorde,