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2. Mais reprenons la suite de notre discours, pour volis faire voir l’excès du délire des uns, la laborieuse diligence, la sagesse des autres : les Ninivites, resserrés dans l’étroit espace de trois jours, n’ont pas désespéré de leur salut, ils se sont hâtés de faire pénitence, de se laver de leurs fautes, de se rendre dignes de la bonté du Seigneur ; au contraire, ces hommes du déluge, à qui on ajoutait cent vingt ans pour se repentir, n’ont retiré de ce délai aucun avantage. C’est pourquoi le Seigneur, devant l’excès de leur malignité, les voyant précipités de plus en plus dans les crimes, leur inflige un remède qui agit promptement ; il fait disparaître le ferment de la perversité ; il en purge le monde. De là ces paroles : Noé avait six cents ans lorsque les eaux du déluge inondèrent la terre. Déjà nous avons appris à quelle époque le Seigneur déclara son indignation, et en prédit l’effet ; Noé avait cinq cents ans : quand le déluge tomba, il avait six cents ans ; il y eut donc ainsi, entre la prédiction et le déluge, un intervalle de cent ans. Dans le cours d’un si grand nombre d’années, ils ne firent pas le moindre progrès vers le bien, malgré ce grand enseignement de la construction de l’arche par Noé. Mais peut-être, demandera-t-on, pourquoi le Seigneur qui avait dit : Le temps de l’homme ne sera plus que de cent vingt ans, le Seigneur qui avait promis que sa patience attendrait pendant ce nombre d’années, n’attend-il pas que les années promises soient entièrement accomplies pour opérer la destruction universelle ? Je dis que cela même est la plus forte marque de sa bonté. Quand il vit que, chaque jour, ils commettaient des fautes irréparables ; que, non seulement son inexprimable patience ne leur était d’aucune utilité, mais que les ulcères s’étendaient, alors il retrancha du temps pour les empêcher de s’exposer à des châtiments plus sévères. Mais, m’objecte-t-on, quel châtiment peut être plus sévère que celui-ci ? Il est, n’en doutez pas, mes bien-aimés, un châtiment plus sévère, plus terrible, le châtiment sans fin, le châtiment de l’âge à venir. Quelques pécheurs, pour avoir ici subi le châtiment, n’échappent pas cependant à l’autre ; seulement l’autre châtiment sera plus léger ; la rigueur des supplices endurés ici-bas, c’est autant de moins pour l’avenir. Écoutez le Christ, déplorant le malheur de Bethsaïde  : Malheur à toi, Chorazim ! dit-il ; malheur à toi, Bethsaïde ! parce que, si les miracles qui ont été faits au milieu de vous, avaient été faits dans Sodome, il y a longtemps qu’elle aurait fait pénitence, dans le sac et dans la cendre. C’est pourquoi je vous déclare qu’au jour du jugement, Sodome et Gomorrhe seront traitées moins rigoureusement que vous. (Mt. 11,21-22 ; Lc. 10,13-14) Voyez-vous, mon bien-aimé, comment cette expression, moins rigoureusement, montre que ces villes, quoiqu’elles aient subi sur la terre un si grand châtiment, cet incendie étrange, étonnant, supporteront aussi, dans l’avenir, un autre châtiment encore, plus léger toutefois, parce qu’elles ont déjà éprouvé un effet terrible de l’indignation de Dieu ? Donc, pour préserver les hommes du déluge, des supplices plus rigoureux auxquels les exposeraient les péchés qu’ils amoncelaient sur eux, le Dieu de bonté, le Dieu de clémence, voyant qu’ils étaient incapables de repentir, abrégea le temps pendant lequel il avait promis de patienter encore. Car, de même qu’à l’égard de ceux qui s’empressent d’obéir à ses avertissements, il écoute sa naturelle bonté, révoque ses décrets, agrée les repentirs, affranchit ceux qui se convertissent des supplices qui les menaçaient ; de même, quand il promet d’accorder quelques biens, par exemple, un temps pour se repentir, s’il voit que ses promesses ont été faites à des pécheurs indignes, alors aussi il révoque ses promesses. Voilà pourquoi il disait par la voix du prophète : Quand j’aurai prononcé l’arrêt contre un peuple, ou contre un royaume, pour le perdre et pour le détruire jusqu’à la racine ; si cette nation fait pénitence, je me repentirai aussi moi-même du mal que j’avais résolu de lui faire. Et ensuite : Quand je me serai déclaré en faveur d’une nation, ou d’un royaume, pour l’établir et pour l’affermir, si ce royaume, ou si cette nation pèche, je me repentirai moi aussi dit bien que j’avais résolu de lui faire. (Jer. 18,7-10) Voyez-vous comme c’est de nous que Dieu reçoit les occasions, aussi bien de la miséricorde qu’il nous an nonce, que de la colère qu’il fait éclater ? C’est pourquoi, au moment du déluge, il écourte le temps, parce que les hommes abusaient de la longueur du temps. Aussi Paul disait à ces stupides qui n’admettent pas le salut opéré par le repentir : Est-ce que vous méprisez les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longue tolérance ? Ignorez-vous que la bonté de Dieu vous invite à la pénitence ? et cependant,