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elle est courte, et néanmoins elle renferme quelque trésor caché ; elle nous révélera si nous sommes attentifs, l’excellence de la bonté de Dieu et l’excès de la malice des hommes. Noé avait six cents ans. Ce n’est pas sans raison que la divine Écriture nous a enseigné le nombre des années du juste, ce n’est pas seulement pour nous apprendre son âge, mais c’est que l’Écriture nous a d’abord dit : Noé avait cinq cents ans. (Gen. 5, 31) Et, après nous avoir montré ce nombre d’années, elle nous a raconté la corruption des hommes dépassant toute mesure, la pensée de chaque homme s’appliquant au mal, dans chacun d’eux, dès sa jeunesse ; et voilà pourquoi Dieu dit : Mon esprit ne demeurera pas toujours avec ces hommes, parce qu’ils ne sont que chair. (Gen. 6,3) Il leur annonce ainsi d’avance que son indignation déborde ; ensuite, voulant leur donner un temps suffisant pour se repentir, pour échapper aux effets de son indignation, il dit : Le temps de l’homme ne sera plus que de cent vingt ans (Id. 6,3) ; c’est-à-dire j’attendrai encore, j’ajouterai, à ces cinq cents ans, pendant lesquels cet homme juste, rien que par le nom qu’il porte, les a suffisamment avertis, leur a suffisamment conseillé, pour peu qu’ils voulussent être attentifs, de renoncer à l’iniquité, de se convertir à la vertu. Maintenant encore, malgré tant de patience dans le passé, je leur fais la promesse de les supporter cent vingt années de plus, afin qu’ils emploient comme il convient le temps qui s’écoulera encore ; afin qu’ils s’écartent de l’iniquité qu’ils embrassent la vertu. Et il ne lui suffit pas de promettre cent vingt ans, il commanda au juste de construire une arche dont le seul aspect, suffisait pour raviver leur mémoire, et ne permettait à personne d’ignorer la grandeur du châtiment à venir. Car, ce seul fait, que ce juste, qui était parvenu à la vertu la plus haute, construisait l’arche avec tant d’ardeur, devait suffire pour inspirer à tous ceux qui n’étaient pas dépourvus de sens l’angoisse et l’épouvante ; pour leur persuader d’apaiser enfin le Dieu qui leur montrait ainsi sa clémence et sa bonté. En effet, si ces barbares, je parle des habitants de Ninive (il est nécessaire que je les produise encore au milieu de vous, ce sera une preuve plus éclatante et de l’excessive malignité des hommes du déluge et de la grande sagesse des pécheurs qui se sont sauvés)…[1] en effet, Notre Seigneur dans ce jour terrible, j’entends le jour du jugement, faisant comparaître les serviteurs avec les serviteurs, prononcera la condamnation, en montrant que ceux qui ont joui des mêmes biens, qui ont reçu des mêmes biens leur part, n’ont pas pratiqué la même vertu : souvent encore il compare l’inégalité des conditions, pour condamner plus rigoureusement les négligents et les lâches. C’est ainsi qu’il dit dans les Évangiles : Les Ninivites s’élèveront, au jour du jugement, contre cette race, et la condamneront, parce, qu’ils ont, fait pénitence à la prédication de Jonas et cependant il y a ici plus que Jonas. (Mt. 12,41) Ces paroles revenaient à dire : Des barbares, dont on n’a pris aucun soin, qui n’ont pas entendu l’enseignement des prophètes, qui n’ont pas vu de signes, qui n’ont pas contemplé de miracles, qui n’ont vu qu’un homme, un seul, un échappé de naufrage ; après avoir entendu des paroles faites pour les jeter dans le désespoir, et la dernière perplexité, à tel point qu’ils auraient eu raison dé mépriser et cet homme et ses discours, ces barbares non seulement n’ont pas méprisé les paroles du prophète, mais, dans le court espace de trois jours, ces hommes ainsi surpris, ont fait une pénitence si active, si fervente, qu’ils ont fait révoquer l’arrêt du Seigneur. Ces Ninivites, dit-il, condamneront cette génération pour qui on a dépensé tant de soins, qui a été nourrie des livrés des prophètes, qui a vu chaque jour des signes et des miracles. Ensuite, pour montrer l’excès de l’incrédulité de ces juifs, il constate l’admirable sagesse des Ninivites, parce qu’ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas ; et cependant il y a ici plus que Jonas : Voyez, dit-il, ces Ninivites, à l’aspect d’un homme méprisable, à l’aspect de Jonas ont accueilli sa prédication, et ils ont accompli là plus parfaite pénitence : et ceux-ci, à l’aspect de Celui qui est beaucoup plus que Jonas, qui est le Créateur même de l’univers, vivant au milieu d’eux ; opérant tant et de si grands miracles, chaque jour purifiant les lépreux, ressuscitant les morts, corrigeant les vices de la nature, chassant les démons, guérissant les maladies, accordant dans sa pleine puissance la rémission des péchés, ils n’ont pas montré la même foi que les barbares.

  1. Cette phrase inachevée est la reproduction exacte du texte. Il ne faut, pas oublier que le style du commentaire sur la Genèse est très-négligé. On voit un exemple remarquable de ces longues parenthèses fréquentes dans saint Chrysostome et particulièrement dans ce commentaire.