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science qui lui était naturelle et que la raison lui suggéra aussi. Il n’y a rien d’impur dans les créatures que Dieu a faites ; comment pourrions-nous appeler immonde une créature qui a reçu d’en haut l’approbation du Créateur ? En effet, la divine Écriture nous dit : Dieu vit toutes les choses qu’il avait faites, et elles étaient très-bonnes. (Gen. 1,32) Mais, plus tard, la nature seule produisit cette distinction. Et ce qui vous fera voir que nous disons la vérité, c’est que dans certains pays, certaines personnes s’abstiennent de certains animaux, regardés comme des animaux immondes, et qu’on méprise, tandis que d’autres personnes se nourrissent des mêmes animaux : c’est la coutume qui les autorise. Eh bien 1 de même, à cette époque, la seule science que ce juste avait en lui, lui montrait de quels animaux on pouvait se nourrir, quels animaux étaient immondes, non qu’ils le fussent en réalité, mais parée qu’on les regardait comme des animaux immondes. Pourquoi, en effet, répondez-moi, je vous prie, regardons-nous l’âne comme un animal immonde, quoiqu’il ne se nourrisse que de plantes, tandis que nous regardons comme une nourriture convenable d’autres quadrupèdes, quoiqu’ils se nourrissent d’un aliment immonde ? Ainsi la science naturelle, qui vient de Dieu d’ailleurs, enseignait ces choses. On pourrait, en outre, faire une autre réponse ; c’est que Dieu, qui avait fait le commandement, avait en même temps accordé à Noé la connaissance dont il avait besoin. Mais en voilà assez sur les animaux immondes et sur ceux qui ne le sont pas.
6. Mais maintenant se présente ici une autre question : Pourquoi, des animaux impurs, deux couples ; des animaux purs, sept couples ? Et encore : pourquoi pas six, huit, mais sept ? Le développement est peut-être un peu long, mais si vous n’êtes pas fatigués, si vous voulez bien, nous vous résumerons, mes frères, nos pensées sur ce sujet ; nous voulons dire, celles que la grâce divine nous aura inspirées. On débite, en effet, grand nombre de fables différentes à ce propos ; c’est pour beaucoup d’esprits une occasion de tenter des observations, par le moyen des nombres. Mais ce n’est pas ici la sagesse qui observe, c’est la curiosité intempestive des hommes qui se livre à des fictions, fécondes en hérésies, ce que vous allez voir tout de suite. En effet, souvent (c’est à tel point que l’abondance des preuves va fermer la bouche à ceux qui font des nouveautés, en se fondant sur leurs opinions à eux), nous trouvons dans l’Écriture des nombres qui marquent des couples : Ainsi, quand le Seigneur envoya ses disciples, il les envoya deux par deux ; or, ils étaient douze en tout ; et il y a quatre évangiles ; mais il serait inutile, mes frères, de vous rappeler ce que vous ont trop bien appris ceux qui en ont assourdi vos oreilles[1].
Il faut vous apprendre maintenant pourquoi Dieu a donné l’ordre d’introduire sept couples des animaux purs. Ce plus grand nombre, d’animaux purs, c’était pour ménager, à l’homme juste et à ceux qui étaient avec lui, une consolation, à cause de l’utilité qu’ils en retireraient. Maintenant tous ces couples de sept mâles et de sept femelles, si vous en cherchez la raison, vous donnent une marque éclatante de la piété de l’homme juste. Le Dieu plein, de bonté connaissait sa vertu ; il savait que ce' juste, touché de la miséricorde du Seigneur, après avoir foui d’un si grand bienfait de la divine faveur, quand il se verrait sauvé d’un si grand désastre, délivré de tout péril, affranchi de la captivité qu’il subit dans l’arche, manifesterait sa reconnaissance, et lui offrirait en actions de grâces des victimes et des sacrifices. Dieu ne voulut pas que les couples fussent dépareillés ; voilà pourquoi le Seigneur, qui prévoyait les sacrifices de la reconnaissance, ordonna d’introduire sept mâles et sept femelles de toutes les espèces d’oiseaux ; c’était afin que, quand la destruction universelle cesserait, quand l’homme juste manifesterait la piété de son âme, les couples des oiseaux et des autres animaux ne fussent pas dépareillés. C’est ce que la suite de ce discours vous montrera, quand nous serons arrivés au moment que j’indique. Vous verrez, en effet, que l’homme juste se conduisit ainsi ; vous venez, d’apprendre pourquoi l’ordre fut donné d’introduire dans l’arche sept mâles et sept femelles ; ne supportez donc plus ceux qui composent des fables, qui s’insurgent contre l’Écriture sainte, et qui donnent les inventions de leur cerveau comme des dogmes sacrés. Donc, après que Dieu eut communiqué ses ordres, nettement exprimés, au sujet des

  1. Ce n’est pas sans raison que saint Chrysostome s’attaque ici à ceux qui, dans l’explication de la sainte, Écriture, tenaient trop grand compte des nombres : tels étaient non seulement Philon et Clément d’Alexandrie, mais aussi Eusèbe en quelques endroits, et même d’autres Pères. Pierre Bongo a composé un gros livre sur ce sujet.