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venir le temps de l’expiation, il faut en finir avec eux, ruiner leur malignité, pour qu’elle ne s’étende pas plus loin : Le temps, dit-il, de tout homme est venu devant moi. Voyez encore ici : de même qu’il disait plus haut, Chacun pense : ainsi, maintenant il dit, De tout homme. Tous conspirent ensemble, tous ont quitté ma cause pour passer à l’iniquité ; dans une si grande multitude on ne trouve pas un homme qui tienne compte de la vertu : Le temps, dit-il, de tout homme est venu devant moi ; c’est-à-dire, le temps est venu de couper, d’empêcher l’ulcère de gagner plus loin ; le temps de tout homme est venu devant moi ; comme s’il n’y avait personne pour les voir, pour leur demander compte de leurs crimes, ils se sont abandonnés aux œuvres que la loi condamne ; ils n’ont pas vu que rien ne m’est caché, à moi qui leur ai donné la vie, et le corps et l’âme, et tant de biens en foule ; donc, le temps de tout homme est venu devant moi. Et ensuite, comme s’il voulait s’excuser devant l’homme juste, comme pour lui montrer que c’est l’excès des péchés qui seul a provoqué en lui tant de colère, il dit : Ils ont rempli toute la terre d’iniquité. Ont-ils négligé de commettre, dit-il, quoi que ce soit qui appartienne au péché ? La grandeur de leur malignité est visible ; c’est une mer qui déborde, toute la terre en est inondée. Voilà pourquoi je les détruis et la terre avec eux ; et voici, dit-il, que je les détruis et la terre avec eux. Ils ont été les premiers, par leurs actions contre la loi, à se détruire eux-mêmes : voilà pourquoi j’amène l’universelle destruction ; j’opère la suppression qui les efface, eux et la terre, afin que la terre puisse montrer qu’elle est purifiée, qu’elle est purgée de tant de crimes. Essayez maintenant de concevoir ce qui se passa dans l’âme de ce juste, quand il entendit ces paroles de la bouche du Seigneur. Sans doute il avait la conscience de sa grande vertu ; cependant ce n’était pas sans douleur qu’il entendait de telles paroles. L’affection, l’amour est le propre des justes ; pour le salut des autres ils consentiraient volontiers à tout souffrir. Que dut donc éprouver cet homme admirable, quand sa pensée lui représentait la perte, la destruction de la création tout entière ; quand peut-être il soupçonnait, pour lui-même, quelque chose de lugubre ? Car il n’était encore assuré de rien ; donc, pour prévenir le trouble de ses pensées, pour lui donner quelque consolation dans l’affliction qui devait accompagner un si grand désastre, le Seigneur, après lui avoir dit combien était enracinée la malignité, combien il était urgent de pratiquer une incision profonde, d’extirper le mal : une perte commune, dit-il, sera leur partage ; Mais toi, fais-toi une arche. (Gen. 6,14) Qu’est-ce à dire ? Mais toi : comme tu n’as en rien partagé leur corruption, mais que tu as passé tous les jours de ta vie dans la vertu, je te commande de construire une arche, de pièces de bois équarries, défiant la pourriture ; tu y feras de petites chambres et tu l’enduiras de bitume, en dehors et en dedans. Sa longueur sera de trois cents coudées, sa largeur de cinquante et sa hauteur de trente. Le comble qui la couvrira sera haut d’une coudée, et tu mettras la porte de l’arche au côté ; tu feras un étage tout en bas, un au milieu, et un au troisième. (Gen. 6,14, 16,16) Considérez la divine clémence, la puissance ineffable, la bonté au-dessus de tous les discours. Dieu déclare sa providence à l’égard du juste, en lui commandant de faire une arche ; en même temps, il règle la manière dont il faut que l’arche soit construite, la longueur, la largeur, la hauteur, et il lui donne la plus grande des consolations, en lui montrant l’espérance du salut par la construction de l’arche. Quant à ceux qui s’étaient rendus coupables de péchés si graves, il les avertit, par la fabrication de cette arche, de réfléchir sur leurs actions, de venir à résipiscence, pour échapper à la colère. Et, en effet, ce n’était pas un délai de courte durée qu’offrait au repentir la construction de l’arche ; le temps, certes, était considérable, suffisant, s’ils n’avaient été plongés dans l’ingratitude, dans l’engourdissement stupide qui les empêcha de corriger leurs erreurs. Il était naturel que chacun d’eux, voyant l’homme juste qui construisait l’arche, que chacun d’eux, averti d’ailleurs de la colère divine, se repentit de ses fautes ; il suffisait de vouloir ; mais ce délai ne leur fut d’aucune utilité ; ils ne se sont pas repentis ; ce n’est pas parce qu’ils ne pouvaient pas se repentir, mais parce qu’ils ne le voulaient pas.
4. Et maintenant après avoir donné à l’homme juste les ordres concernant la construction de l’arche, Dieu lui communique, lui raconte la forme du châtiment qu’il devait infliger, et il lui dit : Toi, prépare ce que je fais ordonné ; pour moi, une fois que tu auras rempli l’arche j’aurai soin encore de mettre en sûreté ce qui