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en faveur du genre humain à venir. Voulez-vous avoir la certitude que nos paroles ne sont pas une conjecture au hasard ? considérez le soin que prend ici l’Écriture : après avoir dit que ce juste eut trois fils, elle ajoute aussitôt : or la terre était corrompue devant Dieu et remplie d’iniquité. Voyez-vous, dans la même nature, cette grande et inexprimable différence ; à propos du juste, l’Écriture disait : Noé fut un homme juste et parfait au milieu des hommes de son temps ; mais, au sujet de tous les autres, elle dit : Or la terre était corrompue devant Dieu et remplie d’iniquité. Ce mot terre désigne la multitude des hommes ; c’est parce que toutes leurs actions se rapportaient à la terre, que l’Écriture désigne, par ce mot de terre, et leurs bassesses, et l’excès de leur malignité : De même qu’elle avait dit du premier homme, qu’il perdit, par sa désobéissance, la gloire dont il était revêtu, et qu’il fut assujetti, pour son châtiment, à la mort : Tu es terre et tu retourneras dans la terre (Gen. 3,19) ; de même, ici, parce que les vices avaient grandi outre mesure, elle dit : Or la terre était corrompue. Et elle ne se contente pas de dire : Or la terre était corrompue, mais elle ajoute : Devant Dieu, et remplie d’iniquité. En effet, ces mots, était corrompue, c’est une hyperbole qui manifeste la malignité sous toutes ses formes. On ne peut pas dire, que ces hommes fussent coupables d’un ou, de deux péchés seulement ; ils avaient commis toute espèce d’iniquités, dépassant toute mesure ; aussi le texte ajoute Et la terre était remplie d’iniquité. Ce n’était pas en passant, d’une manière vulgaire qu’ils faisaient le mal ; ils commettaient toute espèce de péchés, en 's’y appliquant avec ardeur. Et voyez comme l’Écriture ensuite ne daigne pas leur accorder le moindre souvenir ; elle les désigne du nom de terre, indiquant en même temps, par là, et la gravité des péchés, et l’indignation de Dieu. Or la terre était corrompue, dit le texte, devant Dieu ; c’est-à-dire qu’ils faisaient tout au rebours des préceptes de Dieu ; foulant aux pieds les commandements de Dieu ; perdant, par leur lâcheté, ce maître intérieur que la nature a mis dans l’âme humaine ; et la terre était remplie, dit le texte, d’iniquité: Voyez-vous, mon bien-aimé, tout ce que le péché a de funeste ; comme il fait que les hommes ne méritent plus d’être appelés de leur nom ? Écoutez maintenant ce qui suit : Et le Seigneur Dieu vit la terre, et elle était corrompue. Voyez comme, pour la seconde fois, l’Écriture se sert du mot de terre pour désigner les hommes. Et ensuite, après avoir une fois, deux fois ; trois fois, prononcé le mot de terre, pour qu’on n’aille pas s’imaginer qu’il s’agit de la terre matérielle, le texte dit : Car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre. Et ici encore, on ne daigne pas prononcer le mot d’homme ; le texte dit, chair, pour nous apprendre qu’il ne parle pas de la terre propre ment dite, mais des hommes revêtus de chair, et tous, appliqués, tout entiers, aux choses de la terre. C’est l’habitude de l’Écriture, nous vous l’avons souvent dit, mes très-chers frères, d’appeler les hommes qui ne voient que la chair, qui n’ont aucune pensée relevée, du nom de chair ; c’est ainsi que le bienheureux Paul dit : Ceux qui vivent selon la chair ne peuvent plaire à Dieu. (Rom. 8,8) Eh quoi donc ! n’était-ce pas un homme de chair, celui qui écrivait ces paroles ? Paul n’a pas voulu dire que ceux qui sont revêtus de chair ne peuvent pas être agréables à Dieu ; il parle de ceux qui ne tiennent aucun compte de la vertu, qui ne voient que la chair, ne poursuivent que les plaisirs de la chair, et n’ont aucun souci de leur âme incorporelle, spirituelle. Donc, après que la divine Écriture nous a montré, par ces paroles, la multitude des péchés, l’excès de la malice, la grandeur de l’indignation de Dieu ; après avoir, pour flétrir les désirs mauvais, à trois reprisés, appelé du nom de terre les hommes qui vivaient alors, elle les appelle encore du nom de chair, en les dépouillant du nom que leur a donné la nature ; et maintenant, par ce qui suit, elle nous montre l’ineffable miséricorde de Dieu, et la grandeur de sa clémence. En effet, que dit-elle ? Et le Seigneur dit à Noé.
3. Voyez l’excès de bonté ! Dieu s’entretient avec ce juste comme un ami avec son ami ; il lui fait part du châtiment qu’il infligera à l’espèce humaine, et il dit : Le temps de tout homme est venu devant moi ; ils ont rempli toute la terre d’iniquité, et je les exterminerai avec la terre. Qu’est-ce à dire : le temps de tout homme est venu devant moi ? J’ai montré, dit-il, une grande patience, une grande tolérance, en n’infligeant pas le châtiment que je leur tiens en réserve ; mais, puisque leur péché, excédant le nombre et la mesure, a fait