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de leur nature. Quand les hommes raisonnables tombent dans le mal, et s’asservissent à des passions déraisonnables, l’Écriture sainte leur donne des noms d’animaux ; ainsi elle dit : Ils sont devenus comme des chevaux qui hennissent après les cavales. (Jer. 5,8) Voyez comment l’excès de la lubricité fait donner un nom de bête. Ailleurs encore : Le venin des serpents est sous leurs lèvres (Ps. 13,3 et 139, 4), pour ceux qui ressemblent à cet animal dissimulé et perfide. D’autres sont appelés chiens muets. (Is. 56, 10) Il est encore écrit : Comme un serpent sourd et dont les oreilles sont fermées (Ps. 57,5), pour indiquer ceux qui ferment leurs oreilles à l’enseignement de la vertu. Il serait trop long de rappeler tous les noms de bêtes que l’Écriture impose à ceux qui se laissent aller à des passions déraisonnables. Ce n’est pas seulement dans l’ancienne loi qu’on peut le voir, mais aussi dans la nouvelle. Écoutez saint Jean-Baptiste disant aux Juifs : Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère prochaine ? (Mt. 3,7) Voyez-vous comment ici encore le nom d’une bête symbolise la ruse ? Quoi de plus misérable que ces pécheurs qui ont perdu jusqu’au nom d’homme en méritant les châtiments les plus terribles ! car ils ont méprisé les motifs de vertu que leur offrait leur nature et les ont négligés volontairement pour se livrer au vice. Comme ceux qui existaient alors se montraient indignes du nom d’hommes, tandis qu’au milieu d’une pareille disette de vertu, le juste en a montré une bien grande ; l’Écriture, en racontant sa généalogie, commence par dire : Noé était un homme. Il est un autre juste auquel ce nom a été donné comme le plus grand éloge, au point qu’on l’appelle surtout ainsi, pour mieux montrer sa vertu. Qui est-ce donc ? C’est le bienheureux Job, l’athlète de la piété, le vainqueur couronné aux applaudissements du monde entier ; qui seul a supporté des maux supportables et qui, après avoir essuyé les traits innombrables du démon est resté invulnérable : de même que le diamant qui reçoit impunément tous les chocs, il ne fut point submergé par cette tempête, il la domina, et ayant rassemblé sur son corps toutes les souffrances qui fussent au monde, il vit sa gloire en devenir plus brillante non seulement les douleurs cruelles dont il était accablé ne l’effrayèrent point, mais elles lui inspirèrent de nouvelles actions de grâce : en exprimant sa reconnaissance au milieu de tant d’épreuves il fit au démon une blessure mortelle, et lui prouva qu’il avait tort de tenter l’impossible et de regimber sous l’éperon. Aussi le Dieu de miséricorde louant et vantant ce saint homme même avant qu’il eût subi autant de luttes et de combats, disait au diable : N’as-tu pas considéré mon serviteur Job, auquel nul homme n’est comparable sur la terre, homme irréprochable, juste, véridique, pieux, et s’abstenant de toute mauvaise action? (Job. 1,8) Avez-vous observé que Dieu commence par le désigner du nom commun de notre nature ? N’as-tu pas considéré mon serviteur Job, auquel nul homme n’est comparable sur la terre ? Cependant nous sommes tous semblables, non quant à la vertu, mais quant à la forme : eh bien ! cela ne suffit pas pour être homme, il faut encore s’abstenir du mal et faire le bien.
5. Vous avez vu quels sont ceux auxquels l’Écriture sainte a coutume de réserver le nom d’hommes. Aussi dès l’origine le Maître de toutes choses voyant sa créature, dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, c’est-à-dire pour qu’il commande à toutes les choses visibles et à ses propres passions, pour qu’il commande et ne soit pas commandé. Si, trahissant sa dignité, il supporte le joug au lieu de l’imposer il cesse d’être homme et prend un nom de brute. Voilà pourquoi l’Écriture Sainte, voulant glorifier la vertu de ce juste, dit d’abord : Voici les générations de Noé. Noé était un homme juste. Voici encore un plus grand éloge : juste ; ce mot comprend toutes les vertus, car c’est le nom que nous donnons d’ordinaire à celui qui les pratique toutes. Ensuite pour faire concevoir qu’il était parvenu au comble de la vertu, telle qu’on pouvait l’exiger à cette époque, l’Écriture dit : juste et accompli dans son temps. Il a rempli tous les devoirs que renferme l’exercice de la vertu. Voilà ce que signifie le mot accompli : il n’a rien oublié, il n’a fait aucune faute. Il ne faisait pas bien d’un côté et mal de l’autre, il était accompli en toute vertu ; c’était cette perfection qu’il fallait montrer au monde. Du reste, pour rendre notre juste plus illustre encore, en considérant l’époque où il vivait et la comparant avec d’autres, l’Écriture dit : accompli dans son temps ; à cette époque, dans cette génération si perverse, si adonnée au mal qu’elle ne conservait plus