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sont couverts que de leur perversité et de l’amas de leurs péchés. Quelle différence avec la vertu ! même ici-bas, elle rend ceux qui l’aiment plus puissants que leurs ennemis et les rend même invincibles ; elle leur donne un bonheur sans mélange et ne leur laisse même pas sentir les accidents de la vie : mais en outre, quand ils partent d’ici, elle les accompagne, et surtout à l’instant où nous avons le plus besoin de son appui, elle nous offre son secours tout-puissant dans le jour terrible où elle apaise pour nous l’œil de notre Juge ; ainsi elle nous épargne dans le présent les misères de cette vie, et dans l’avenir les tourments de l’autre. Elle a encore un autre effet, c’est de nous faire jouir de biens inexprimables. Pour vous en assurer, pour vous faire concevoir que ces paroles ne sont pas de vaines déclamations, je vais en chercher la preuve dans les paroles qui ont été offertes à votre charité. Voyez comme cet homme admirable, je veux dire Noé, tandis que le genre humain tout entier parvenait à exciter la colère d’un Dieu de clémence, put lui seul éviter par sa vertu l’effet de cette colère et se concilier toute la bienveillance de Dieu. Parlons, si vous le voulez bien, de ce qui arrive dans la vie présente. Il y a peut-être bien des hommes qui ne croient pas aux choses futures et invisibles. Examinons donc ce qui se passe ici, voyons quel est le sort de ceux : qui se livrent au mal, et de ceux qui embrassent la vertu. Après que Dieu, malgré, sa bonté, eut décidé, à cause de l’accroissement des crimes, de punir le genre humain par une catastrophe universelle, et qu’il eut dit : J’enlèverai de la terre l’homme que j’ai créé, il montra jusqu’où allait son indignation en prononçant la sentence, non seulement contre l’homme, mais contre les quadrupèdes, les reptiles et les volatiles ; en effet, puisque les hommes devaient être détruits et submergés, il était juste et naturel de faire partager leur sort aux êtres qui avaient été créés pour eux. Cet arrêt était encore illimité et ne faisait point de distinction entre les hommes, pour faire voir que Dieu ne s’attache pas aux individus, mais aux cœurs qu’il visite sans dédaigner personne, et que, si nous lui en offrons la moindre occasion, il déploie son ineffable miséricorde s aussi, pour montrer qu’il ne voulait pas absolument détruire le genre humain, mais qu’il désirait en conserver l’étincelle, en sauver une racine qui pût donner encore d’immenses rameaux, l’Écriture dit : Noé trouva grâce devant Dieu.

2. Voyez combien l’Écriture est précise, et comme elle ne contient pas une seule syllabe inutile t Après nous avoir exposé l’énormité des fautes des hommes et la peine terrible réservée aux méchants, elle nous indique celui qui, dans une pareille foule, avait pu conserver la pureté de sa vertu.. En effet, la vertu par elle-même est toujours admirable, mais celui qui la pratique au milieu d’hommes qui la repoussent, mérite encore plus d’admiration. Aussi l’Écriture sainte nous fait admirer ce juste mêlé à ceux qui allaient éprouver la colère de Dieu, et elle dit : Noé trouva grâce devant le Seigneur Dieu. non seulement il trouva grâce, mais devant le Seigneur Dieu. Elle nous enseigne ainsi qu’il n’a pas eu d’autre but que d’être bien vu de cet œil qui ne connaît ni le sommeil ni l’assoupissement, et qu’il ne s’est pas inquiété de la gloire humaine, de la honte et des moqueries. Il est probable que lui, qui cultivait la vertu en opposition avec tout le monde, devait être un sujet de risées et de plaisanteries pour ceux qui faisaient le mal ; en effet, c’est encore leur habitude à l’égard de ceux qui recherchent la vertu au lieu de les imiter. Nous voyons bien des hommes faibles qui, ne pouvant supporter ces vices et ces plaisanteries, préfèrent la gloire humaine à la gloire immortelle et seule véritable, et se laissent emporter et attirer par la malice des autres. En effet, il faut une âme énergique et constante pour résister à ceux qui cherchent à l’entraîner, et ne rien faire dans le but de plaire aux hommes, pour tenir son regard fixé sur l’œil vigilant d’où elle attend sa sentence en méprisant celle du monde, pour ne pas tenir compte des louanges ou des injures humaines, mais les regarder comme des ombres ou des rêves. Car la honte mène au péché. (Eccl. 4,25) Bien des gens auraient cédé à ces risées, ces sarcasmes, ces plaisanteries ; mais tel n’était pas le juste. Car il résista non seulement à dix, à vingt, à cent hommes, mais à toute l’espèce humaine, à tous ces milliers de pécheurs. Il est probable qu’on se moqua de lui, qu’on le bafoua, qu’on l’insulta, qu’on l’injuria de toute manière ; peut-être même l’aurait-on mis en pièces si l’on avait pu. Telle est toujours la fureur du vice contre la vertu ; mais, loin qu’il lui porte aucun préjudice, il la fortifie par ses attaques. En effet, telle est la force