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de crimes, eut la force d’éviter le mal et de ne mériter aucun blâme : comme s’il avait été d’une nature supérieure, son esprit eut tant d’énergie et une disposition si naturelle à la vertu, qu’il put se soustraire à ces funestes exemples et échapper à la ruine universelle.
Et le Seigneur Dieu se demanda pourquoi il avait fait l’homme sur terre. Voyez quel mot vulgaire et approprié à notre faiblesse ! Il se demanda signifie, il se repentit. Ce n’est point que Dieu puisse se repentir ; non certes ! Mais l’Écriture sainte nous parle suivant les habitudes humaines, pour nous montrer combien étaient énormes les péchés qui avaient excité à ce point la colère du Dieu de clémence. Et le Seigneur Dieu se demanda pourquoi il avait fait l’homme sur terre. Ne l’ai-je donc créé que pour qu’il tombât dans un malheur pareil et qu’il fût lui-même l’auteur de sa perte ? Est-ce pour cela que dès ses premiers jours je l’ai honoré de tant de gloire, je l’ai environné de ma providence dans l’intention de lui faire choisir la vertu et fuir sa destruction ? Puisqu’il a abusé de ma bonté, il vaut mieux désormais couper court à sa perversité.
Le Seigneur Dieu réfléchit et dit : J’enlèverai de la surface de la terre l’homme que j’ai créé, et avec l’homme les troupeaux, les reptiles et les oiseaux du ciel, parce que je me suis demandé pourquoi je les avais créés. J’ai fait, dit-il, tout ce qui dépendait de moi. J’ai amené l’homme du néant à l’existence ; je lui ai donné l’idée naturelle de ce qu’il faut faire et de ce qu’il ne faut pas faire, je lui ai donné le libre arbitre, j’ai employé une patience ineffable ; après un délai bien long, après ma colère et mes menaces, j’ai encore accordé un autre sursis, désirant pouvoir révoquer mon arrêt s’il comprenait ses péchés. Mais puisque tout cela ne sert à rien, il faut accomplir mes menaces et les détruire entièrement : je ferai disparaître, comme un mauvais levain, cette race criminelle, pour qu’elle ne puisse enseigner le mal aux créations futures. Et le Seigneur Dieu dit : J’enlèverai de la surface de la terre l’homme que j’ai créé, depuis l’homme lui-même jusqu’aux animaux. On, dira peut-être : Si l’homme est coupable, pourquoi les animaux sont-ils punis ? En voici la raison : c’est qu’ils ne sont pas faits pour eux-mêmes, mais pour l’homme. Celui-ci étant anéanti, à quoi les animaux auraient-ils servi ? De plus, ils partagent la punition pour nous montrer toute l’indignation du Seigneur. Dans l’origine, quand le premier homme eut péché, toute la terre fut maudite : maintenant que l’homme va être détruit, les animaux sont entraînés dans sa perte. De même, quand l’homme était encore agréable à Dieu, toute la nature participait à son bonheur, comme le dit saint Paul : Toute créature sera délivrée de la servitude de la corruption par la délivrance des fils de la gloire de Dieu. (Rom. 8,21) Maintenant l’homme devant être puni de ses innombrables péchés, et abandonné à une destruction universelle, les troupeaux, les reptiles et les oiseaux du ciel sont destinés à périr par le déluge qui va tout engloutir. Et de même que si l’intendant d’une maison s’est attiré la colère du maître, ceux qui servent sous lui partagent sa tristesse ; de même les hommes venant à périr, tous les êtres qui occupaient le même séjour, et qui étaient soumis à ses lois devaient subir la même peine. Je me suis demandé pourquoi j’avais fait les hommes. Voyez comme ce mot est approprié à notre faiblesse. Je ne voulais pas, dit Dieu, leur infliger une punition si terrible. Ce sont eux-mêmes qui m’ont irrité à ce point par l’excès de leur iniquité. Du reste, Dieu ne voulait pas détruire absolument le genre humain et anéantir radicalement notre espèce ; mais nous apprenons ici toute la laideur du péché et toute la beauté de la vertu ; nous voyons qu’un seul homme faisant la volonté de Dieu vaut mieux que mille prévaricateurs Noé trouva grâce devant le Seigneur Dieu. Quoique toute cette foule se soit laissée aller à de tels désordres, ce juste a conservé l’étincelle de la vertu ; il a parlé à tous les hommes, il les a exhortés à quitter leurs vices dont il a évité la contagion. Enfin, de même que ceux-ci avaient excité par leurs méfaits la colère du Dieu de clémence, celui-là, fidèle à la vertu, trouva grâce devant le Seigneur Dieu. Sans doute, Dieu ne considère pas les personnes. (Act. 10,34) Mais si dans une multitude pareille il trouve un seul homme qui a cherché à lui plaire, il ne le néglige pas. Au contraire, il l’honore d’une protection particulière et veille sur lui avec d’autant plus d’attention que, parmi tant d’autres qui sont entraînés au mal, il a suivi constamment la route de la vertu.
6. D’après cela ne songeons uniquement qu’à lui plaire et nous obtiendrons ainsi grâce devant lui. N’abandonnons jamais la vertu pour toutes les séductions de l’amitié et de l’habitude,