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un sursis de cent vingt ans. Si vous voulez vous purifier de vos péchés, revenir à de meilleurs sentiments et pratiquer la vertu, vous éviterez le châtiment qui vous attend. Leurs jours, dit-il, seront cent vingt ans. En ce temps-là, il y avait des géants sur la terre, après que les fils de Dieu eurent connu les filles des hommes et qu’elles leur eurent donné des enfants ; c’étaient des géants qui sont restés célèbres depuis ce temps-là. L’Écriture sainte veut dire, je crois, que ces géants étaient robustes de corps. Leur race augmenta donc celle des coupables. C’est ce que montre ailleurs cette autre parole : Les géants viennent pour satisfaire ma fureur. (Is. 13,3) Quelques personnes pensent que ce nombre de cent vingt ans est le terme de la vie. Ce n’est pas là ce que Dieu veut dire, mais il veut montrer jusqu’où va la patience qu’il conserve encore après tant de péchés. Mais nous pouvons voir qu’après tant d’indignation et de menaces, après un si long délai qu’il leur avait laissé pour faire pénitence, non seulement les pécheurs n’avaient profité de rien, mais qu’ils avaient persévéré dans leurs fautes ; aussi dit-il : Après que les fils de Dieu eurent connu les filles des hommes, elles leur donnèrent des enfants : c’étaient des géants qui sont restés célèbres depuis ce temps-là. Voyez quel excès de perversité, quelles âmes insensibles ! Ni la crainte du châtiment, ni le délai accordé par la clémence divine ne put les détourner de leurs actions coupables : une fois emportés vers l’abîme, privés des yeux de la conscience, ils étaient trop plongés dans l’ivresse de leurs désirs criminels pour avoir la pensée de revenir en arrière. C’est ce que dit le Sage : Quand l’impie est dans l’abîme de ses maux, il méprise. (Prov. 18,3) En effet, c’est une chose grave, bien grave, mes bien-aimés, de tomber dans les pièges du diable. L’âme saisie dans ces filets est entraînée ; et comme le pourceau se plaît à se vautrer dans la fange, de même, ensevelie sous ses habitudes vicieuses, elle ne sent même plus l’infection de ses péchés. Il faut donc beaucoup de modération et de vigilance pour ne laisser au démon aucun accès, pour ne pas laisser obscurcir notre jugement, de crainte que notre raison, étant ainsi aveuglée, nous ne tombions dans l’état de ceux qui sont privés des rayons du soleil, au point de ne plus voir le Soleil de la justice et de tomber ainsi dans l’abîme : c’est ce qui est arrivé à ces hommes. Apprenez encore à connaître la clémence divine. Le Seigneur Dieu voyant que les crimes des hommes s’étaient multipliés sur la terre. Que veut dire ce mot voyant ? Le Seigneur ignorait cela ? non certes ; mais l’Écriture sainte ménage toujours notre faiblesse elle nous montre, ainsi que ceux qui avaient éprouvé tant de clémence avaient persisté dans les mêmes fautes et en avaient commis de plus graves encore. Quand il vit que les crimes des hommes s’étaient multipliés sur terre. De cette liaison coupable étaient sortis, comme d’une source, une foule d’autres péchés ; aussi est-il dit : les crimes des hommes. Car là où se trouvent le libertinage, l’impudicité et les débordements de cette nature, il est probable que l’ivresse la plus crapuleuse, l’iniquité de toute espèce, l’avarice et une foule d’autres vices s’y trouveront en même temps. Le Seigneur Dieu voyant que les crimes des hommes s’étaient multipliés sur la terre et que chacun ne songeait dans son cœur qu’à faire du mal chaque jour.
5. Voyez comme chaque parole montre la grandeur des péchés ! Après avoir dit, en général, que les crimes des hommes s’étaient multipliés sur la terre, on ajoute chacun. Ce mot a une grande force. Il ne s’agit pas seulement du jeune homme, mais aussi du vieillard, aussi coupable que le jeune homme : ce n’est pas seulement l’homme, mais la femme ; l’esclave, mais l’homme libre ; le riche, mais le pauvre. Voyez aussi toute l’importance de ce mot : songeait. Ce n’étaient pas seulement des fautes d’entraînement, mais préméditées dans le cœur ; ils y pensaient à toute heure, ils y mettaient toute leur ardeur. Ils ne ressemblaient pas à ceux qui, après avoir succombé une fois ou deux au péché, s’en détournent ensuite ; mais ils se livraient avec joie à faire le mal. Ils le faisaient avec fureur, sans relâche et sans hésitation ; ce n’était pas pour un temps plus ou moins court, mais constamment ; enfin ils y consacraient toute leur vie. Voyez quel comble d’iniquité ! Voyez comme ils n’avaient pas d’autre désir que celui du crime, et comment tous les âges t’apportaient leur contingent. Chacun, est-il dit ; l’âge le plus tendre n’en était pas exempt, malgré son innocence ordinaire ; mais dès le berceau on luttait de perversité, et l’on cherchait mutuellement à se surpasser en actions coupables.
Réfléchissez, je vous prie, à l’extrême sagesse du juste, qui, au milieu d’un pareil ensemble